Top cinéma 2018 – Oui

Une longue liste de films que j’ai aimés, oui, c’est pas mal mais bon, c’est pas non plus… Enfin, oui, ça va, ça passe, à des degrés divers. Là encore, dans le désordre et sans classement. A la relecture, certains auraient sans doute mérité de figurer dans la catégorie supérieure, d’autres dans la catégorie inférieure. Les daubes, ici, les semi-daubes, ici.

 

Wildlife – Une saison ardente

C’est du bon travail. Un peu scolaire à mon goût, très Sundance (sobriété de tous les instants, plans fixes savamment décadrés) mais c’est sauvé par une belle acuité et une belle sensibilité. Un gros souci néanmoins: je trouve que « ça va trop vite », comprendre que les motivations du personnage interprété par Carey Mulligan, et les actions, le comportement qui en découlent, surviennent un peu trop brutalement, sans crier gare. Ca m’a gêné, ça nuit à la vraisemblance d’une intrigue et d’une trajectoire (celle d’un couple en voie de séparation) par ailleurs bien traités.

 

Suspiria

Ca devrait être un « non » tant je m’y suis fait chier (2h30 !!!) et j’ai trouvé ça raté mais j’aime que le film fasse des choix forts et propose quelque chose de différent (de l’oeuvre originale) et radical. J’ai un peu envie de le revoir en vérité. Ici.

Ne jamais perdre une occasion de poster une photo de Dakota Johnson

 

Le Poulain

Ici.

 

The Disaster Artist

C’est sympathique. Ca donne surtout envie de voir le film en question (le film dont The Disaster Artist relate l’histoire et le tournage, The Roomqui figure dans la liste des « plus mauvais films de l’histoire du cinéma »). Il est désormais disponible sur Youtube. Pas plus, pas moins.

Les frangins Franco

 

Roulez jeunesse

Vaut davantage pour ses intentions que pour son résultat: 2/3 de comédie pure, tendance « nouvelle comédie française », portée par un Eric Judor en pleine forme et paf, on bascule sur un vrai drame social dans le dernier tiers. Pas vraiment réussi, ni dans l’aspect comique, ni dans l’aspect dramatique, mais c’est louable et ça se regarde. Pas plus, pas moins là aussi.

 

Avengers: Infinity War

Ici.

 

Bécassine !

Je suis sans doute un peu sévère car y a des gags absolument formidables ainsi que nombre de situations et dialogues savoureux : le duo Karin Viard/Denis Podalydès fonctionne à merveille et l’arrivée de Bruno (Podalydès) insuffle encore plus de drôlerie à un ensemble qui n’en manquait pas vraiment. Seulement voilà, j’ai souvent ce problème avec les films de Podalydès: quand il s’en tient à la comédie, je suis très client. En revanche quand il va sur le terrain des saltimbanques, de la poésie du spectacle vivant etc etc, j’ai du mal. J’ai néanmoins versé ma larmichette à la fin. A la réflexion, je suis un peu sévère oui, c’est quand même un joli film, une belle adaptation. Et j’insiste, c’est vraiment très drôle par moments.

Alerte poésie.

 

Budapest

Vu en avant-première dans une salle bien garnie et enthousiaste (compte-rendu ici) qui m’a sans doute un peu contaminé. Pas sûr que j’en ai une aussi bonne opinion si je le revois un jour chez moi…

 

Shéhérazade

C’est bien (ou plutôt « bieng » puisque ça se passe à Marseille) dans une veine ultra-naturaliste/caméra au poing/acteurs non-professionnels, mais c’est juste bien. Ca m’a jamais transporté ni ému ni bluffé. « C’est pas toi, c’est moi » : j’ai de plus en plus de mal avec le cinéma naturaliste, pour une raison que j’ignore. Mais dans le genre, Shéhérazade est à voir, c’est une réussite.

« Kesstchufé là, tu veux m’emboucaner ? »

 

Tully

Ca se regarde gentiment mais c’est typiquement le genre de séance qui me fait dire que parfois, je ferais mieux de (re)mater un classique chez moi. Inutile donc.

Les Confins du monde

Englué dans la jungle vietnamienne avec les membres d’une petite garnison de soldats français, le personnage interprété par Gaspard Ulliel se lance à la recherche de l’assassin de son frère et de sa belle-sœur, un général vietnamien sanguinaire à l’aura quasiment mythique (« on l’aurait vu ici il y a 2 jours », « c’est lui qui a fait ça hier », « cet enfant sait où il se trouve » etc). Énième variation basée sur le Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad donc, avec un soupçon de Moby Dick pour faire bonne mesure. Et c’est une variation réussie, qui repose sur une interprétation remarquable d’Ulliel et sur une crudité saisissante (le film est interdit aux moins de 12 ans seulement, là pour le coup, on peut pas dire que la censure ait abusé de son pouvoir). Guillaume Nicloux parvient même à faire oublier quelques facilités. UNE en vérité : le cliché du soldat ténébreux qui fait jouir la pute et en tombe amoureux, faut arrêter…

L’a pas l’air en super forme gros Gégé

 

Les Veuves

Bon petit polar à la fois maniériste et brutal dans lequel Steve MacQueen a l’intelligence de toujours laisser son intrigue au premier plan, se contentant d’ajouter des petites touches de commentaire politique ou soci(ét)al. Après, il m’en restait quasiment rien à peine sorti de la salle…

 

Paranoïa

J’aime bien Soderbergh parce qu’un peu comme Eastwood, il est capable de torcher un film en 2:2 juste parce qu’il a une lubie (ici, tourner son film entièrement avec un Iphone). Du coup c’est mineur voire un peu bâclé mais c’est pas grave, on sait que la fois d’après, ou celle encore d’après si cette fois ça lui prend de tourner un film à partir d’un scenario écrit en une demie-heure, il se sortira davantage les doigts. Ceci dit, en l’état, ça reste un thriller mineur certes, mais efficace, plaisant et prenant. C’est déjà pas mal.

Petit chou 2018 en détresse

 

L’Apparition

J’aime bien les films qui interrogent la foi ou qui se déroulent dans un milieu ecclésiastico-religieux. J’aime bien L’Apparition donc, histoire d’une enquête canonique, i.e. d’une enquête demandée par le Vatican suite aux apparitions (?) de la Vierge à une jeune fille de 18 ans. Ca traîne un peu en longueur mais le dernier acte, opaque, spirituel voire mystique, là où il s’agissait auparavant de tout confronter à la réalité, nous laisse sur une (très) bonne note. Et les étudiants rattrapés par la peau d’une conclusion brillante savent bien que c’est très positif de bien terminer sa copie.

 

Sur la plage de Chesil

Pendant 1h, une gentille caricature de téléfilm produit par la BBC avec tout ce que ça implique en termes de ripolinage (le film se situe au début des années 60) et de théâtralité (dont est issu le réalisateur, Dominic Cooke). Ils savent (bien) faire ça, les Anglais et pour peu qu’on ait rien contre ce genre de truc, ça passe tout seul. Et puis dans la dernière demi-heure, sans qu’on l’ait vraiment vu venir, ça vire au mélo parapluiedecherbourgesque. Sans la flamboyance ni la finesse mais ça m’a quand même cueilli. Ca me cueille toujours ces histoires-là.

Elle a un côté instagrameuse gracile un peu énervant mais elle a un truc quand même cette actrice (Saoirse Ronan)

 

Le monde est à toi

Je mentirais si je disais que je me suis ennuyé ou que je n’ai pas trouvé ça plutôt divertissant mais c’est pas brillant… Romain Gavras était peut-être un peu branché il y a une dizaine d’années (et encore, c’est sujet à caution) le problème c’est qu’il n’a pas vraiment évolué et que son passé de clippeur continue à le suivre (comprendre, il crée davantage des images ou des séquences isolées que du cinéma). M’enfin, on passe un bon moment tant que le film ne se prend pas au sérieux.

 

Un peuple et son roi

Un film sur lequel Positif et les Cahiers du cinéma se seraient écharpé il y a 30 ans. L’oeuvre d’un styliste baroque, assez unique dans le cinéma français (c’est donc un film Positif). Un baroque distancié qui plus est, autant amoureux du style que des mots. Bilan: je m’y suis un peu fait chier, je peux pas dire que ça m’ait plu mais au moins, c’est une vraie proposition de cinéma, audacieuse et singulière et l’air de rien, c’est un des films qui me restent de cette année de cinéma.

Featuring Denis « The Actor » Lavant dans le rôle de Marat.

 

Lady Bird

J’y suis allé un peu le couteau entre les dents (enfin, un petit couteau; le canif entre les dents disons) et de fait, le film cumule tous les mauvais points, ou en tout cas coche toutes les cases du parfait petit film indé agaçant mais il parvient malgré tout à surprendre et à toucher. Parce qu’il est sincère sans doute. Bon, après, j’en ai déjà pratiquement aucun souvenir mais c’est valable pour plusieurs autres films que j’ai aimés cette année. Y compris des films que j’ai davantage appréciés.

 

Eva

Parmi les films quasi-unanimement conspués cette année, pour ma plus grande incompréhension… Il y a ceux qui ont trouvé ça nul et il y a ceux qui ont trouvé ça nul comparé à l’original de Losey. Bon, déjà Losey, je trouve ça assez surestimé et puis j’ai été surpris que tant de gens l’aient vu son film. A croire que c’est un classique absolu… Bref, en soi (puisque je l’ai pas vu l’original moi), je trouve que ce Eva tient bien la route, dans la dynamique qui se crée entre les 2 acteurs (Ulliel et Huppert) et dans le trouble que Benoît Jacquot parvient à créer autour du personnage interprété par Ulliel, vrai-faux écrivain génial par escroquerie, sinon autour de sa relation, assez convenue c’est vrai, avec une escort-girl (Huppert) dont il tombe amoureux. En résumé, et selon l’expression consacrée quand on a pas envie d’argumenter ni grand chose à dire: « j’ai passé un bon moment ».

Cette scène par exemple est très réussie.

 

A Star Is Born

Ici.

 

L’Ombre d’Emily

Quand j’ai vu la bande-annonce, j’ai pensé « c’est quoi cette merde? ». Puis j’ai vu que c’était le nouveau film de Paul Feig (Mes meilleures amies, Spy, Les Flingueuses mais aussi la série Freaks & Geeks) donc j’ai foncé, et je le regrette pas. C’est pas totalement réussi, loin s’en faut mais c’est intéressant: l’idée du film c’est de partir d’un matériau hyper cheesy (en gros, les thrillers à 2 balles diffusés l’après-midi sur TF1 ou M6) et d’en faire quelque chose d’excitant (excitant-exciting, à l’américaine, pas excitant-Sopalin), tout en le parodiant. Premier et second degré en même temps, pas facile donc, et c’est ce qui explique que L’Ombre d’Emily soit à moitié raté – la parodie fonctionne, le premier degré nettement moins. Mais il faut le prendre pour ce que c’est: une blague un peu potache, un genre de Desperate Housewives hysterico-smartass. A noter que la b.o. est exclusivement composée de chansons françaises (surtout yé-yé mais pas que): Orelsan déboule sans crier gare sur le générique de fin, ça fait son petit effet.

Qui est Emily et qui est dans son ombre d’après toi?

 

Leto

Ici.

 

Neuilly sa mère, sa mère

Le premier volet, Neuilly sa mère, avait récolté de bonnes critiques, en même temps qu’un large succès public. Mérité car le film était plutôt drôle, malin, enlevé. On retrouve exactement la même équipe pour cette suite, avec, suite et surenchère obligent, quelques guests célèbres : Maître Dupont-Moretti, Gérard Miller mais surtout Julien Dray ( !) et Arnaud Montebourg ( !!). Dans de vrais rôles hein, avec des répliques et tout. Ils ont que ça à foutre sans déconner ? Ah ben en fait oui, désolé… Bon, ça s’est pas possible. Y a aussi cette grosse tâche de Charline Vanhoenacker dans le rôle d’une juge rouge. Tout ça pour dire que le registre comique est celui de la connivence avec le public (de gauche), à base de clins d’œil à l’actualité politique française. Du genre, quand le personnage principal embrasse fougueusement une collègue noire il lui lance « tu es ma Rama Yade ». Ca non plus c’est pas possible, du coup, j’ai pas beaucoup ri. Et malgré (tout) ça, il se dégage de l’ensemble quelque chose de foncièrement sympathique : parce que c’est très énergique, bien rythmé, que les comédiens prennent du plaisir. Et que ça en fout plein la gueule à Sarkozy et Macron et que ça, ça fait toujours plaisir.

Denis Podalydès en djellaba qui hurle « on ne coupe jamais sa salade avec un couteau!! » = j’ai ri.

 

Hostiles

Ici.

 

Halloween

J’aurais aimé aimer davantage, essentiellement parce que j’ai beaucoup de sympathie, sinon plus, pour le duo David Gordon Green/Danny Mac Bride aux manettes de ce remake. Et je le sentais bien, parce que j’aime leur travail donc mais aussi parce que leur projet a été adoubé par Big John (Carpenter) en personne (qui s’est même fendu du lifting de la mythique bande originale du film). Mais voilà, force est de constater que ce qui est propre au duo (les dialogues et scènes de dialogue, ainsi que tout ce qui a trait aux lycéens) ne fonctionne pas vraiment. Le reste en revanche i.e. les scènes d’action/de meurtre constitue selon moi un bel hommage/une belle relecture du film original. Que j’ai revu du coup, comme beaucoup j’imagine, et qui est vraiment un putain de chef d’œuvre de sa mère à 100 coudées au-dessus de celui-ci, ça va sans dire.

Attention Michael, derrière toi !!!

 

La Nuit a dévoré le monde

Ici.

 

L’Empereur de Paris

C’est mollasson… Ca frise même le téléfilm patrimonial de luxe financé par le service public. De fait, c’est une nouvelle variation autour du personnage de Vidocq, figure du patrimoine français historique et télévisuel. Mais ça se regarde car c’est assez joli, que Vincent Cassel, relativement sobre, donne le change et que j’étais sans doute bien luné.  Les 2 retraitées assises derrière moi gloussaient à chaque apparition d’un Luchini en roue libre, caricatural au possible : elles ont passé un bon moment, comme toute la salle je pense. On sent que Richet tente des trucs, qu’il veut faire un film populaire sans pour autant céder à la facilité. C’est louable on va dire. Totalement dispensable en revanche.

Les costumes masculins sont très réussis par exemple

 

Première année

Ici.

 

Everybody Knows

Le film s’est unanimement fait casser, et là encore, je comprends pas. De 2 choses l’une : soit les précédents films du réalisateur (que je n’ai pas vus) sont des chefs d’œuvre, soit les critiques ne voient que des chefs d’œuvre. Parce que bon, ok, c’est un peu lourd, un peu trop adulte, un peu trop psychologisant m’enfin, ça reste bien écrit, bien exécuté, bien dirigé. Comprends pas.

Guapos.

 

Ami-Ami

Mignonne rom-com sortie en catimini en début d’année, et retirée de l’affiche tout aussi discrètement (et rapidement). C’est très anecdotique, ça manque d’ampleur (et de moyens) mais c’est mignon. Disons que dans le registre de la rom-com française, ça se hisse sans mal au dessus des merdes habituelles. Featuring un excellent Jonathan Cohen en second rôle-scene stealer, comme d’hab.

 

The Guilty

Je trouve la toute fin un peu too much (difficile d’en dire plus sans spoiler) mais difficile également de faire la fine bouche devant un scenario aussi bien ficelé, et devant un film-concept (un mec au téléphone pendant 1h30 sans qu’on voit jamais ses interlocuteurs à l’autre bout du fil) qui parvient très vite à nous le faire oublier. Le concept. A part ça, confirmation que le danois est bien la langue la plus moche du monde après le néerlandais.

« La COGIP, bonjour »

 

Revenge

Suite à la défection de Danny Boyle pour la réalisation du 25ème Bond, le Guardian a listé ses remplaçants potentiels (Joe Wright, etc) et Coralie Fargeat en faisait partie. Faut quand même pas déconner mais ça prouve bien que son film a marqué les esprits, notamment à l’étranger (finalement ça sera Cary Fukunaga). Ici.

 

L’Amour est une fête

Ici.

 

Les Frères Sisters

On peut se dire « tout ça pour ça », toute cette violence, toute cette introspection, tout ce pataquès, pour finir chez maman et dans son lit de quand on était petit. On peut aussi trouver ça touchant, voire essentiel quelque part. Je suis dans le camp des gentils donc je l’ai choisi. Mon camp. Quoiqu’il en soit, un film direct et modeste, presque inespéré de la part de Jacques Audiard.

Les frangins Soeurs

 

Une pluie sans fin

Le prototype du BFC, le Bon Film Chiant: c’est objectivement bien mais on s’y emmerde pas mal (moi en tout cas). Et puis les similitudes sont trop nombreuses avec le génial Memories of Murder. En sa défaveur, donc.

 

First Man

2 mois après, je sais toujours pas quoi en penser en vérité. Mieux, je peux toujours pas dire si j’ai aimé ou pas… Ce qui est plutôt une bonne chose n’est-ce pas ? Sur le coup, j’ai trouvé ça solide, cohérent, maîtrisé, quoiqu’un peu trop doloriste à mon goût: Damien Chazelle a décidément une sorte de culte de l’épreuve morale, une passion pour la souffrance, qui m’agace et à laquelle je n’adhère pas, tout simplement, sur le plan moral et personnel. Et puis il y a la séquence de l’alunissage, superbe et surtout, cette toute dernière séquence entre le couple Armstrong, terrassante de tristesse, qui finit de faire de ce film un long poème noir assez impressionnant mais qui m’a pas mal déprimé. D’où ce classement modeste pour un film qui méritait sans doute mieux.

Spoiler, merde !!!

 

Le Grand bain

Ici.

 

Amanda

A chaud, il était dans la catégorie supérieure. Avec un peu de recul… C’est sans doute un très bon film d’un point de vue purement objectif mais je suis resté un peu à l’écart. Vincent Lacoste me paraît encore un peu « juste » dans l’émotion pure, j’ai l’impression qu’il a du mal (c’est con à dire mais il pleure très mal par exemple). Les dialogues manquent un peu de naturel à mon goût, de même que tout ce qui a trait à l’attentat (très très délicat évidemment, d’autres se seraient planté de manière beaucoup plus embarrassante voire révoltante). Le défilé de guests (Elli Medeiros, Luke Haines des Auteurs, Jarvis Cocker pour la chanson du générique, Marianne Basler et Greta Scacchi en mode retour de hype, et je ne parle même pas de la subtile référence pour happy few aux Go-Betweens, n’en jetez plus) frise l’étalage de bon goût un peu gratuit. Après évidemment, il y a une lumière (au sens propre et figuré) sublime, une grande subtilité, une science de la narration et du montage… La séquence de fin à Wimbledon est magnifique. Anecdotique mais je me suis fait la réflexion: le film donnerait presqu’envie aux indécrottables provinciaux de vivre à Paris. Presque.

La chiale

Le Grand bain – critique

C’est dans les couloirs de leur piscine municipale que Bertrand, Marcus, Simon, Laurent, Thierry et les autres s’entraînent sous l’autorité toute relative de Delphine, ancienne gloire des bassins. Ensemble, ils se sentent libres et utiles. Ils vont mettre toute leur énergie dans une discipline jusque-là propriété de la gent féminine : la natation synchronisée. Alors, oui c’est une idée plutôt bizarre, mais ce défi leur permettra de trouver un sens à leur vie… (Allociné)

Plus d’1,5 millions d’entrées en 1ère semaine, ça faisait bien longtemps que c’était pas arrivé pour un film français. Et c’est donc sur Le Grand bain que c’est tombé. Enfin, « tombé »: c’est pas vraiment une surprise car si j’ai bien compris (je ne regarde que le sport et quelques films à la télé) mais c’est pas bien difficile à concevoir, l’équipe du film a squatté les plateaux de Laurent Delahousse, Yann Barthes et autres durant les jours voire semaines précédant sa sortie. Mais une promo en béton et le bourrage de crâne ne suffisent pas (ou plus) à garantir la venue des spectateurs en salle. Le Grand bain a également bénéficié d’un savant travail de teasing depuis plusieurs mois. A cela s’ajoute un accueil critique plutôt favorable, y compris dans des pages qui auraient dû le snober.

Et donc ? Et bah je dirais que si le succès s’explique aisément (facteurs suscités), il n’en est pas moins mérité. OK, Le Grand bain n’est pas la comédie de l’année (Guy et En liberté ! sont des candidats autrement plus consistants) mais c’est un film sympathique, voire attachant et plus subtil qu’il n’y paraît. Que ce film là remplisse les salles là où auparavant il fallait se cogner Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu?, La famille Bélier ou une danyboonerie de merde, ça fait plaisir.

Je me souviens de la 1ère fois où j’ai entendu Comme Jeannie Longo de Katerine un soir de 1992 chez Bernard Lenoir sur France Inter. Quelle trajectoire…

Déjà, même si ça peut paraître paradoxal au vu du casting cérémonie-des-Césars-ils-sont-venus-ils-sont-tous-là et de la promo maousse donc, il faut saluer une certaine humilité liminaire de la part de Gilles Lellouche : il est ici réalisateur, co-auteur du scénario, auteur des dialogues… mais « c’est tout »: il a eu la modestie de ne pas se caster, pas même un cameo, rien. Ca peut paraître anecdotique mais pour un acteur (populaire qui plus est, et dans la force de l’âge si on peut dire) qui passe derrière la caméra pour la 1ère fois, c’est plutôt rare. Voire extrêmement rare : il faudrait vérifier mais je n’ai pas d’exemple qui me vienne spontanément.

Ca ne l’empêche pas d’être ambitieux : c’est ce qu’on lit et entend partout, Le Grand bain essaie de réconcilier le cinéma populaire et le cinéma d’auteur. Lellouche n’est évidemment pas le premier à tenter le crossover ultime mais c’est de plus en plus rare là aussi, et de moins en moins réussi (c’était quand la dernière fois ?). Surtout, et c’est en partie ce qui rend Le Grand bain intéressant selon moi, cette volonté semble avoir présidé aux décisions les plus visibles, comme si la victoire de l’une des 2 chapelles devait aussitôt être compensée par un succès du camp d’en face.

Almaric aura le premier rôle ? OK, on prend aussi Poelvoorde. Philippe Katerine dans un film grand public, plutôt risqué non? En effet, on va aussi prendre Guillaume Canet. Le Grand bain, un Full Monty à la française, un vrai feelgood movie ? Oui, peut-être mais les héros se coltinent tous une dépression carabinée, et on ne rit pas tant que ça au final. Etc etc, jusqu’à la bande originale : premier morceau entendu, le Marquee Moon de Television (merde, dans une comédie française grand public ! On entend d’ailleurs le morceau à 2 reprises), suivi du Everybody Wants to Rule the World de Tears for Fears. On entendra également le génial Half full glass of wine de Tame Impala, et c’est l’élégant et excellent Jon Brion qui a composé la bande originale (Jon Brion! Pour une comédie française grand public!)… Mais 2 scènes importantes se jouent sur du Phil Collins ou du Imagination.

Attention: Lellouche ne dit pas que tout se vaut, il ne mélange pas tout en dépit du bon sens. En revanche, il y a chez lui la volonté, sincère semble-t-il, d’abattre certaines barrières du bon goût, de partager des références nobles et d’autres censées l’être un peu moins, et de les faire se rejoindre et dialoguer dans un même mouvement généreux. J’insiste mais donner le premier rôle à Mathieu Amalric dans ce genre de film, c’est dire quelque part que Desplechin et Podium peuvent co-exister sans que ça soit une aberration.

Tout n’est pas parfait pour autant : acteur, Gilles Lellouche joue souvent les mecs un peu lourds, un peu grande gueule, et ça ne vient peut-être pas de nulle part. Comprendre: il doit réellement être un peu bourrin, ce qui expliquerait sa tendance à un peu trop charger la mule dans un versant (comédie), comme dans l’autre (le drame). Dans le premier, il fait surjouer à Katerine le rôle du freak de service, du type lunaire aux réactions imprévisibles. Son écriture est parfois un peu prévisible aussi (le personnage du beauf interprété par Jonathan Zaccaï, hyper cliché), ou tout simplement pas drôle (le gag de l’arnaque à l’assurance montée par Poelvoorde, qui tombe lamentablement à plat, et l’arnaque, et le gag; ou le coup du hold up au supermarché). Dans l’aspect dramatique, certains détails paraissent superflus (non content de se faire larguer par sa femme, Guillaume Canet se voit affublé d’une mère… atteinte du syndrôme de la Tourette? On ne sait pas très bien mais ça fait partie des scènes un peu embarrassantes).

C’est d’autant plus dommage car Le Grand bain fait rire certes, mais il dégage également une vraie mélancolie, et une vraie compassion pour des personnages en marge, malheureux, dépressifs donc, qu’il regarde toujours avec bienveillance.
Au final, malgré les lourdeurs ou les maladresses, c’est ce que je retiendrai: un film humble, sincère, touchant, attachant même, qui dans sa catégorie (la comédie française populaire), m’a bien plus convaincu que le volontariste et macroniste Le Sens de la fête.
Un film au message simple, voire simpliste peut-être diront certains (nul homme n’est une île, « on a tous besoin d’une médaille » comme l’énonce à un moment le personnage interprété par Virginie Efira etc.) mais c’est réconfortant, en 2018, dans la France de Macron, de voir un film qui au fond, dit posément qu’on a tous le droit d’avoir des passages à vide et qui ne juge pas les faiblesses de ses personnages. C’est simple, voire simpliste peut-être mais ça n’est pas si fréquent que ça.

Top 10 cinéma 2016

Un top 10 encore plus difficile à établir que d’habitude compte tenu du grand nombre de très bons films vus cette année. Et un top 10 assez raccord avec tous ceux que j’ai pu voir ici ou là, c’est bien la 1ère fois que ça m’arrive : Grande remise, le blog de la gauchiasse boboïsante.
1ère partie de mon top 2016 ici. Les flops ici. Le top 10, c’est juste en dessous et c’est très long : j’avaie pas envie de parler de tous les films que j’avais vus cette année mais je me suis un peu lâché sur ceux dont j’avais envie de parler.

10 Paterson

Beau film, très caractéristique de la veine la plus zen de Jarmusch : le dispositif fonctionne à merveille, le fond et la forme s’emboîtent hyper harmonieusement. Après… je suis un poil gêné par les petites touches de moquerie, les petites piques de Jarmusch, sa condescendance parfois, si je dis les choses, à l’encontre notamment du personnage de Laura (Golshifteh Farahani). Condescendance ou tendresse amusée ? Je ne sais pas trop mais quoi qu’il en soit, l’ambiguïté quant au regard porté me semble un peu en contradiction avec les sentiments purs et francs, la bienveillance totale véhiculée par ailleurs. Bon, c’est un détail mais ça m’a un peu gêné. Et ça me gêne d’être gêné car j’aurais aimé aimer ce film sans aucune réticence, parce qu’on s’y sent bien, que c’est un film généreux et sensible et surtout que c’est un film profondément heureux, si tant est qu’une telle chose soit possible, qui montre en tout cas le bonheur de manière assez inédite il me semble, c’est à dire avec les habits de la routine, de la répétition. Et qui utilise lui aussi la routine, la répétition pour ce faire (le fond/la forme, tout ça). En y repensant et en tapant ces quelques lignes, c’est quand même un très beau film et j’ai déjà envie de le revoir… Adam Driver y est fabuleux.

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9 Gaz de France

Wikiremise : Benoît Forgeard est un auteur et cinéaste aujourd’hui surtout connu pour ses chroniques de film à sortir dans 10 ans dans le magazine So Film. Chroniques compilées dans un super bouquin paru récemment, L’année du cinéma 2027. Super bouquin à (s’)offrir. Il a réalisé pas mal de courts-métrages et il a été aux manettes en compagnie de Bertrand Burgalat de 4 épisodes du Ben & Bertie Show, « OVNI télévisuel » comme on dit, mêlant intrigue loufoque entrecoupée de lives impeccables, diffusé à pas d’heure sur Paris Première. Je suis hyper fan des 3 premiers volets (L’année bissexuelle, Ceux de Port-Alpha, L’homme à la chemise de cuir), un peu moins du 4ème, L’incruste. Je suis sûr qu’ils sont trouvables ailleurs que sur le DD de ma Bbox, dans le monde merveilleux de l’Internet et je conseille plus que vivement leur visionnage.
Gaz de France est dans la droite ligne du Ben & Bertie Show, avec un registre humoristique qui n’appartient qu’à lui (minimaliste voire inerte, fantasque, absurde, pince-sans-rire… j’allais dire « décalé » faute de mieux mais à ce stade là c’est carrément « hors cadre ») et un style visuel très fort : l’utilisation quasi systématique d’écrans verts permet à Forgeard de déployer beaucoup d’aplats de couleurs, ce qui donne un résultat à la fois très beau et très étrange, unique en tout cas. Gaz de France est un OVNI là aussi, une critique élégante et jamais appuyée du monde de la communication et du storytelling politiques dans lequel Philippe Katerine incarne le président de la République. Je vais pas te mentir : ce registre humoristique n’est pas fait pour tout le monde. Je pense pour ma part qu’il s’agit, de très loin, de la meilleure comédie française de l’année avec La loi de la jungle.

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8 Le Voyage au Groenland

Second film de Sébastien Betbeder cette année, seconde réussite. Je préfère nettement celui-ci à Marie et les naufragés (que j’ai néanmoins beaucoup aimé), car il me semble plus intime, plus mélancolique et drôle à la fois, plus maîtrisé aussi. Ici, le besoin de fuite des 2 héros s’explique et se matérialise de façon plus naturelle selon moi. Sans oublier l’aspect ethnographique du film, avec cette immersion dans ce village du Groënland et dans cette vie si différente. Un film très doux dont j’aurais bien aimé qu’il se prolonge mais qui s’arrête pile au bon moment, en écho à son ouverture, formant ainsi comme une parenthèse hors du monde, littéralement.

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A partir de là, le classement ne veut plus trop rien dire, enfin, encore moins qu’auparavant :  les 7 films suivants se distinguent vraiment des autres, je les ai tous énormément appréciés et ils font de 2016 une année de très haut niveau moi. Après, leur ordre…

7 La loi de la jungle

Antonin Peretjako était récemment l’invité de la Carte blanche de Marie Richeux sur France Culture. Il devait sélectionner 5 films illustrant ce qu’était pour lui « le jeu » chez un comédien. Ses choix : Le grand restaurant, Bocacce 70 (le sketch réalisé par Fellini), Nouvelle Vague, Fitzcarraldo, Othello. Il parlait de tous ces films et de tous ces comédiens (Louis De Funès, Klaus Kinski, Orson Welles etc) avec générosité, érudition et simplicité, faisant l’éloge du rire de Jean Dujardin, expliquant ensuite qu’un acteur doit pouvoir/savoir changer de voix suivant le rôle qu’il interprète (comme le faisait Orson Welles) etc.
Bon, tout ça pour dire que si ses films sont aussi géniaux, c’est précisément parce qu’il connait aussi bien la filmographie de Louis de Funès que de Werner Herzog, qu’il a été autant influencé par Claude Zidi que par Godard.
Tout ça pour dire, bis, que malgré un plus gros budget, un plus « gros » casting et certainement de plus grosses contraintes, La loi de la jungle est un film aussi libre, loufoque, original et drôle que La fille du 14 juillet. Un petit surcroît d’émotion en prime.

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6 Aquarius

Un peu comme dans The Strangers, il y a plusieurs films dans Aquarius. Chacun d’eux est d’une excellence et d’une subtilité infinie (la chronique familiale, le film social, le portrait de femme) mais à l’inverse du film de Na Hong-jin, qui joue en permanence sur la confrontation directe et virulente (des personnages mais aussi des genres), sur une certaine violence aussi bien graphique que stylistique, le film de Kléber Mendoça Filho les fond dans un ensemble doux et harmonieux : un flot d’images, d’idées, de paroles, de sentiments et d’histoires dans lequel il fait bon se plonger, comme il fait bon se plonger dans les disques de variété brésilienne que chérit Clara, l’héroïne du film. Ca n’exclue évidemment pas la violence non plus mais de la même manière, celle-ci prend les atours du beau gosse promoteur immobilier aussi charmant et bien éduqué qu’ambitieux et sans scrupules. Le film le plus ouvertement politique et partisan de 2016 est ainsi le plus élégant et raffiné. Sublime.

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5 Rester vertical

J’avais déjà beaucoup aimé L’inconnu du lac, précédent film d’Alain Guiraudie mais je l’avais trouvé un peu trop parfait, un peu trop sage presque. Et ses précédents films, je les trouvais au contraire trop bordéliques, trop foutraques. Là j’ai eu l’impression d’une synthèse parfaite : un truc bordélique maîtrisé de A à Z. De la même manière, j’ai rarement vu un film aussi en prise avec la France de 2016 (les SDFs, les jeunes qui veulent tous partir en Australie) et en même temps aussi hors de tout (de tout contexte géographique, historique, événementiel). On est en Lozère et le plan suivant, le plus naturellement du monde, au bord de la mer (Le Havre ?). On va consulter une mystérieuse guérisseuse au fond des bois. On sodomise un vieillard mourant. Le plus naturellement, le plus doucement du monde : aucune provocation ici, les actes les plus incongrus semblent aussi les plus logiques. S’agit-il d’un rêve, d’un cauchemar, d’une « vraie » histoire ? On s’en fout. En tout cas je m’en fous : ce que j’ai vu était suffisamment puissant et beau pour que je ne cherche pas à en savoir davantage. Rester vertical est tellement unique que j’ai rarement eu autant le sentiment que c’est un poète qui tenait la caméra.

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4 Julieta

Il y a dans Julieta ce qui est peut-être LA scène de 2016. Une idée de cinéma au sens pur, d’une limpidité dans ses intentions et dans son exécution qu’elle aura marqué aussi bien les spectateurs occasionnels que les cinéphiles les plus aguerris : je parle bien sûr de la séquence dans laquelle Julieta (interprétée par Adriana Ugarte) sort du bain aidée de sa fille et de l’amie de celle-ci. Elles l’installent sur une chaise et entreprennent de lui sécher les cheveux avec une serviette rouge qui fait écho au rideau rouge qui ouvre le film. Lorsque la serviette/rideau est soulevée, c’est le visage de l’actrice Emma Suarez, interprète de la Julieta plus âgée du film, qui apparaît.
Par ce simple plan génial, par ce raccord aussi évident qu’inattendu, Almodovar dit, montre et incarne tout : ce qu’est le cinéma (transmettre une idée par les images), ce qu’est un réalisateur de cinéma (quelqu’un qui est capable d’avoir une idée transmissible par les images), ce qu’est Julieta : une mère raconte son histoire à sa fille, de sa jeunesse à l’âge mûr, avec ce qu’elle comporte de douleurs et de souffrances sur la durée. Ce plan et cette idée spectaculaires, aussi impressionnants qu’émouvants, résument également à eux seuls le registre du film dans son ensemble : un mélo flamboyant et rocambolesque qui touchent en plein cœur. D’aucun l’ont d’ailleurs jugé trop rocambolesque, je ne suis pas d’accord : Almodovar essaie simplement de se mettre au niveau de la réalité qui, on le sait bien, sera toujours plus incroyable que la fiction.

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3 Les 8 salopards

Que dire qui n’ait déjà été dit ? Il s’agit en effet du Tarantino le plus « politique », tout en préservant le côté ludique et jouissif propre à son cinéma. C’est toujours aussi énergique et vivant quoi, avec en plus une forme de maturité, dans la droite lignée de Django Unchained. En fait, le mec a atteint une telle maîtrise que pour moi la question de savoir si Tarantino est un grand ou pas ne se pose plus et si je pouvais parfois comprendre les réserves des détracteurs, je les considère désormais comme des pisse-froids. Alors comme ça on peut piocher dans le passé et faire des « mash up » ou des collages (je résume) en musique, en art contemporain, en cuisine, que sais-je encore, dans d’autres films même, mais PAS Tarantino, lui il a pas le droit, beurk, c’est un voleur, c’est paresseux, c’est caca. Allons allons, un peu de cohérence et d’honnêteté…
A part ça, cette séance était un énoooooooooorme kif (à tel point que j’ai dit « énorme kif », t’as vu), une séance parfaite modèle : j’adore les westerns, alors aller voir un western au ciné, en VO, dans une grande salle, un western de Tarantino, avec un tel casting, pendant 3h, quel pied bordel ! J’en suis ressorti avec le sentiment d’avoir assisté à une Séance de Cinéma avec un grand S et un grand C, telle qu’on n’en vit pas assez souvent.

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2 The Strangers

Séance parfaite encore, minorée de l’aspect « grande salle » mais avec bonus j-ai-l-impression-que-je-suis-pas-tout-seul-dans-ma-chambre-c-est-quoi-ce-bruit-putain ? au moment d’aller se coucher. Il y a plusieurs films en 1 dans The Strangers (polar, chronique familiale, sociale, rurale, film d’horreur, film fantastique, métaphysique, que sais-je encore) et chacun d’eux figurerait dans les meilleurs de l’année, mais ce qui en fait une si grosse claque, c’est le « en 1 » bien sûr puisqu’on voit rarement « ça » sur un écran. Avec en prime, encore, ce sentiment de se faire trimbaler avec délectation par un réalisateur qui n’aime rien tant que varier les atmosphères et les registres donc mais aussi les retournements de situation. Le film nom-de-Dieu-de-bordel-de-merde de l’année.

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On a pu lire un peu partout à quel point le film était subversif, voire transgressif, provocateur, méchamment drôle etc. à quel point il filait un bon coup de pied au cul du cinéma français. C’est très juste mais je pense que c’est encore en deçà de la réalité : ce film est le truc le plus punk vu depuis des années. Mais d’une punkitude en gants de velours, fine et intelligente, jamais gratuite ou adolescente : une punkitude de vieux grigou qui en a vu d’autres (et qui m’a renvoyé au radicalisme de William Friedkin et de son Killer Joe il y a quelques années). Plus punk en tout cas que les blaireaux grolandais et auto-proclamés Kervern et Delepine pourront jamais envisager de l’être, la classe en prime.
Quelques mois plus tard, j’ai revu Black Book, le précédent film de Paul Verhoeven : chef d’œuvre là aussi, tout aussi libre, drôle, intelligent, choquant parfois. S’ensuivait (c’était sur Arte) un reportage retraçant la vie et la carrière de Paul Verhoeven. De voir tout ça résumé en 1h à peine, ça m’a sauté aux yeux : quelle filmographie bordel, c’est vraiment un des plus grands, on ne le souligne pas assez… Trop subversif peut-être, y compris pour la critique et la cinéphilie ?
Ce que j’aime particulièrement dans ses 2 derniers films (Elle et Black Book donc), mais qui parcourt également bon nombre de ses œuvres précédentes, c’est cette énergie dingue, cette pulsion de vie qui les traverse et anime tous ses personnages principaux, malgré l’omniprésence du drame et de la Mort autour d’eux. Rachel dans Black Book ou Michèle dans Elle (magnifiques Carice Van Houten et Isabelle Huppert), sont des forces qui vont et que rien ne semble pouvoir arrêter, jamais. Grand cinéaste féministe, Verhoeven leur dresse un autel parfois paillard, les célèbre avec enthousiasme, gourmandise et intelligence en même temps qu’il célèbre la Vie. Grand film donc et grand réalisateur.

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Katerine – Odyssud, Blagnac

Quelques mots sur le très beau concert donné par un des grands héros granderemisesques, Katerine (dont j’ai déjà parlé ici, ici et même ici) mardi soir à Blagnac.

Blagnac, c’est la proche banlieue de Toulouse. Banlieue cossue : c’est là que siègent les usines et bureaux d’Airbus et de diverses autres sociétés du secteur aéronautique ou aérospatial. Odyssud, la salle de spectacle de la commune est donc un lieu cossu lui aussi, à l’image de cette neo-bourgeoisie d’ingénieurs, techniciens qualifiés et chefs de projets en tous genre qui forment une bonne partie de la population de la ville. C’est une salle confortable.
Public très hétéroclite : des jeunes, des vieux, des au-milieu, des enfants, des mecs, des filles, c’est très mélangé sans qu’aucune catégorie ne domine de manière écrasante (ok, peut-être celle des au-milieu i.e. celle de la génération de Katerine qui se trouve être aussi la mienne).

La salle et la scène sont plongées dans le noir : Katerine apparaît déambulant dans les premiers rangs, identifiable et repérable à la seule couronne de lumière qu’il a sur la tête. Il monte sur scène, rejoint par la pianiste Dana Ciocarlie. Ils sont tous deux vêtus comme dans un conte de fées un peu loufoque : on peut légitimement penser au Peau d’Âne de Jacques Demy.

J'ai pas trouvé mais fait moi confiance : il y avait du Jean Marais en roi dans Peau d'âne
J’ai pas trouvé mieux comme photo mais fait moi confiance : il y avait du Jean Marais en roi dans Peau d’âne

Tout le concert (piano-voix donc, avec quelques bruitages additionnels sur quelques titres) sera conforme à cette amorce à la fois drôle, absurde, poétique et élégante. Toujours aussi généreux, Katerine se livre avec une grande intensité et la fausse impudeur qu’on lui connait désormais : il donne une vraie performance au sens théâtral du terme et on comprend définitivement qu’il est devenu un vrai et bon comédien (les films dans lesquels il est apparu, Gaz de France et La Tour de contrôle infernale par exemple cette année, le démontraient déjà). Les titres du dernier album (Katerine : le film) prennent chair, ceux du génial Philippe Katerine passent brillamment le test impitoyable du traitement piano-voix. Si j’étais un connard de publicitaire, web-marketeux ou je-bosse-dans-la-comm de merde (coucou si vous me lisez), je dirais qu’il « raconte une histoire, tu vois », toujours plus intime et organique : la paternité, la filiation, l’héritage mais aussi l’aliénation du quotidien, autant de thèmes qui lui sont chers et qui sont ici déroulés via une setlist et une véritable mise en scène des plus précises sous l’apparent dilettantisme.

Le visuel "officiel" de la tournée
Le visuel « officiel » de la tournée

Quel bonheur aussi d’entendre des titres connus par cœur et dont on n’attendait plus rien de nouveau (c’est la 5ème fois que je le voyais sur scène), être réinventés par un traitement inédit et contre toute attente des plus adapté  (Patati Patata!, 20.04.2005 ie « Marine Le Pen« , Poulet N°728120). Superbe.

Enfin, il y a tout simplement Philippe Katerine lui-même, ou Philippe Blanchard, on ne sait plus très bien : drôle, intelligent, sensible, généreux, touchant. Il livre sur cette tournée et pendant près de 2h une sorte de spectacle total, à la fois musical et théâtral, un tour de chant plus qu’un véritable concert, hors normes, avec, je me répète, une vraie performance d’interprète (il chante merveilleusement bien) mais aussi de comédien. Superbe, vraiment.

Le concert s’achève à la seule lueur d’une bougie sur Moment parfait et il l’est véritablement. Bravo Philippe et merci  ❤

Katerine – Magnum

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Même si lui fera toujours partie de mes héros, la musique de Philippe Katerine n’a plus aujourd’hui la même importance qu’elle a pu avoir il y a quelques années. La faute à son virage comiquo-portnawak consécutif à Robos Après Tout : on a pu croire sur le moment qu’il s’agissait d’un magnifique pétage de plombs subversif et déviant, il s’agissait en fait d’une nouvelle direction donnée à sa carrière. C’est pas grave, je l’aime quand même mais puisque j’ai commencé en parlant de sa musique, c’est justement ce qui lui fait désormais défaut à mon sens : où est passé le compositeur, l’arrangeur, l’instrumentiste fin et délicat de tous ses albums jusqu’à Robots Après Tout ? C’est sans doute volontaire de sa part de ne plus « toucher » à ça mais c’est dommage.

Ici, il a confié les rênes de la production au talentueux SebastiAn. Et c’est une réussite : disco hyper-sexuée, langoureuse, cochonne même, très puissante, putassière dans le bon sens du terme (si tant est qu’il y en ait un). A la fois rétro et futuriste (mais pas rétro-futuriste), elle est selon moi le plus grand atout de Magnum (en référence à la crème glacée, pas à la série).

Parce que les chansons… Efficaces, oui, sans aucun doute. Mais Katerine tourne en rond. Il ressasse les mêmes thèmes, de la même manière, ça va pas du tout. Et puis bon… OK, il a le droit d’être amoureux de sa femme, de trouver ses enfants super, d’être heureux avec eux, il a même le droit de le faire savoir… Mais Julie Depardieu, merde… Bon, ça c’est mon problème mais il est de taille.

Quoiqu’il en soit, même si j’écoute l’album avec un certain plaisir, c’est pas brillant et c’est même assez triste. Disons que j’espère toujours un sursaut pour la suite de sa carrière mais j’y crois de moins en moins.