Susie Bannion, jeune danseuse américaine, débarque à Berlin dans l’espoir d’intégrer la célèbre compagnie de danse Helena Markos. Madame Blanc, sa chorégraphe, impressionnée par son talent, promeut Susie danseuse étoile.
Tandis que les répétitions du ballet final s’intensifient, les deux femmes deviennent de plus en plus proches. C’est alors que Susie commence à faire de terrifiantes découvertes sur la compagnie et celles qui la dirigent… (Allociné)
Sur le coup, je me suis fait chier. Et j’ai trouvé ça à chier. En plus, j’ai eu le temps de me faire chier et de trouver ça à chier car ça dure 2h30. A un moment j’ai essayé de m’assoupir un peu (ça n’a pas marché), j’ai même pensé quitter la salle (comme 5 autres personnes, record absolu en ce qui me concerne).
Pourtant, à peine le générique final achevé, et encore plus 2 jours après, je n’ai envie de retenir du remake de Suspiria signé Luca Guadagnino que le positif. Car il y en a malgré tout.

LE point positif, et qui est tout à l’honneur de Guadagnino et de son scénariste David Kajganich, c’est que jamais ils n’essaient ni de salir, ni d’honorer, ni même de jouer sur le terrain du chef d’oeuvre de Dario Argento : ils proposent autre chose.
Bien sûr, il y a une école de danse, il y a Berlin, il y a la pluie, il y a l’innocente Susie et il y a des sorcières. Bien sûr, sinon ça ne serait pas un remake de Suspiria. Mais pour le reste, nib, ou presque : là où Argento joue la carte du baroque, des couleurs criardes, eux affichent une palette chromatique en sourdine, Derrickienne. Là où le papa d’Aria fait appel à la frénésie de Goblin pour sa bande son, Guadagnino choisit le prog indé de Thom Yorke. Là où le maître italien suggère l’horreur et l’effroi par ses cadrages baroques, encore, mais suggère plus qu’il ne montre réellement, Guadagnino propose des scènes gore très frontales. Etc etc: la liste des différences, des contre-pieds adoptés par la version 2018 de Suspiria (jusqu’à son final épuisant) pourrait être bien plus longue.
Surtout, et pour résumer 2 démarches diamétralement opposées, là où Argento utilisait avant tout des outils purement cinématographiques (couleurs, cadrages, musique comme énuméré ci-dessus), Guadagnino, malgré quelques zooms et plans spectaculaires, utilise d’abord le verbe et l’écriture, au sens large : malheureusement, c’est là que ça déconne. Et pas qu’un peu.

Ou alors je suis un peu con parce que je n’ai réussi ni à raccrocher les wagons, ni à comprendre l’utilité de pas mal d’éléments.
Le psy par exemple (interprété, déjà, par Tilda Swinton, qui joue donc 2 rôles. Pourquoi? Mystère. Elle joue une prof de danse et un psy. OK…) : personnage déjà présent dans le film original mais pourquoi lui donner autant d’importance ici ? Un hommage à Max Von Sydow dans L’Exorciste peut-être ? Pourquoi raconter avec autant de détails son histoire personnelle puisqu’elle n’a absolument aucun lien avec l’intrigue principale ? Pourquoi tous ces flash-backs sur l’enfance de Susie ? Pourquoi tout ce verbiage autour des spectacles de danse, abstraits et über contemporains, de la compagnie ? Pourquoi Sylvie Testud (peut-être le plus gros WTF du film) ? Et enfin, pourquoi avoir développé à ce point le background Fraction Armée Rouge? Certes, l’action du film se déroule en 1977, année mouvementé pour la République Fédérale d’Allemagne mais quel est le rapport avec le reste ? Je cherche encore… Ca m’a rappelé les mentions à la situation des migrants sur l’île de Lampedusa dans A Bigger Splash, un des films précédents de Guadagnino, et remake, déjà, de La Piscine.

Dans les 2 cas (Suspiria et A Bigger Splash donc), 2 relectures, on a l’impression que Guadagnino cherche à tout prix à s’éloigner de l’original, ou en tout cas à ne pas lui ressembler de trop près, ce qui est une bonne chose. On sent aussi qu’il a des choses à dire, et qu’il essaie de nous les dire. Le problème, c’est qu’il n’y arrive pas ou qu’on ne les comprend pas: on ne voit pas où il veut en venir. Bilan, il donne simplement l’impression d’alourdir son discours, de le contextualiser et de le « psychologiser » de manière inutile. Dommage…
Dommage car en sabrant une bonne heure, en se concentrant sur la compagnie de danse et sur son intrigue horrifique, il y avait bien un nouveau Suspiria à mettre en scène: à base d’Allemagne blafarde et encore hantée par son terrible passé (l’intrigue se déroule 30 ans à peine après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale), à base de gynécée trouble, de démarche féministe pervertie, autant d’éléments qu’une direction artistique très soignée mais subtile, impeccable, mettent parfaitement en valeur. Et à base de scènes gore vraiment crades : voir par exemple la 1ère manifestation des forces occultes à l’oeuvre dans l’école ou le chapitre conclusif. Là encore, si la perplexité (voire l’hilarité) l’emporte de prime abord, cette longue séquence objectivement ridicule emporterait presque le morceau par son courageux jusqu’auboutisme et son étonnante mélancolie.

Je me répète mais c’est tout à l’honneur des auteurs de ce remake que d’avoir voulu à ce point se démarquer de l’oeuvre originale: c’est ce qu’il fallait faire, et ce qu’il faut toujours faire quelle que soit l’oeuvre à laquelle on s’attaque, d’autant plus lorsqu’elle est aussi marquante sur la forme que le film de Dario Argento peut l’être. Simplement, Guadagnino s’est un peu perdu dans son discours. Et nous avec.
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