Dix pour cent – critique

Mathias, Andréa, Gabriel et Arlette sont les quatre piliers d’une prestigieuse agence de comédiens. Ils forment une famille professionnelle talentueuse, sous l’autorité paternelle du fondateur de l’agence ASK, Samuel Kerr. La mort soudaine de Samuel fait vaciller ce fragile équilibre. Vont-ils réussir à sauver l’agence et à relever le défi que leur posent leurs « stars » ? (Allociné)

Je m’y suis lancé à la faveur de la promo pour la diffusion de la 3ème saison sur FR2. Promo efficace donc puisque la série n’était pas vraiment sur mes tablettes : même s’il n’en est pas le créateur (il s’agit de Fanny Herrero), dans la tête d’une majorité de personnes, dont moi, Dix pour cent, c’est Klapisch et Klapisch, je le trouve, au mieux, inutile. Mais je sais pas : le casting, le pitch, les védettes en guests, les retours globalement positifs, il faisait bon et c’était cool, pourquoi pas ?

C’est une déception, et je vais m’arrêter là. En vérité, j’aurais pu m’arrêter après le 3ème épisode mais je me suis dit que 3 épisodes de plus pour terminer la saison, ça va, je descends pas à la mine non plus. Mais ces 3 derniers épisodes ont confirmé, ô combien, les impressions dégagées après les 3 premiers : c’est nul.

« Mais encore ? »

OK : c’est l’utilisation des guests stars, ce qui constitue le cœur même de Dix pour cent, qui me gêne terriblement. Le reste, ça passe : c’est pas cheap, même dans cette 1ère saison (un inconvénient dont souffrent pas mal de séries : la saison 1 est souvent envisagée et donc produite, comme une saison « test », avec des moyens un peu limités qui sont revus à la hausse si la série est reconduite), c’est bien réalisé, bien casté (Nicolas Maury et Laure Calamy parmi les seconds rôles, je dis oui), bien interprété (encore que, Gregory Montel, le mec qui interprète Gabriel, purée…). C’est souvent paresseux (le nombre de fois où l’intrigue avance grâce à un quiproquo, une maladresse, une personnage qui entend ou découvre telle ou telle information par hasard, mon Dieu…) et bourré de clichés (à ce titre, le personnage interprété par Camille Cottin prototype de la connasse parisienne, est gratiné) mais bon, admettons, ça mange pas de pain, indulgence, service public etc. et les guests, LA plus value de Dix pour cent donc, jouent le jeu sans rechigner.

Gregory MONTEL (Gabriel Sarda), Camille COTTIN (Andrea Martel), Thibault DE MONTALEMBERT (Mathias Barneville), Liliane ROVERE (Arlette Azemar), les 4 agents/héros de la série

Mais précisément, le gros problème se situe là à mon sens : les stars (en vrac : Line Renaud, Françoise Fabian, Joey Starr, François Berléand, Audrey Fleurot dans cette saison) sont censées jouer avec l’image que le public à d’elles, montrer un visage peu flatteur peut-être, plein d’auto-dérision en tout cas, mais ça reste trop gentil, beaucoup trop gentil. Tu m’étonnes qu’elles jouent le jeu sans rechigner…

Quand on s’intéresse un minimum aux séries, on ne peut pas s’empêcher de comparer Dix pour cent avec Platane par exemple, la géniale série d’Eric Judor. Ou, évidemment, avec ce dont Platane s’est inspiré : Extras et Life’s Too Short de Ricky Gervais. 3 séries qui elles aussi se déroulent dans le milieu du cinéma et/ou de la télévision, et qui font appel à des vedettes dans leur propre rôle. Et la comparaison fait mal. Très mal.

Attention : il ne s’agit pas obligatoirement, lorsqu’on se lance dans une satire de ce milieu, de faire trash, politiquement incorrect etc. Dix pour cent est vendue comme une « feelgood série », elle n’a pas vocation à adopter le ton globalement acerbe des 3 sus-citées. Mais « feelgood » ne signifie pas « servir la soupe aux guests » il me semble. Parce que c’est de ça dont il s’agit : le niveau d’auto-dérision est bas, très bas, la volonté de jouer avec l’image des guest stars toute relative. Pire : plus « grosse » la star, plus gentillet son traitement. Je veux bien que ça soit compliqué de les faire participer à la série mais merde… J’ai vraiment eu le sentiment qu’on les ménageait exagérément et qu’on leur cirait les pompes.

Nathalie Baye et Laura Smet dans un épisode lénifiant de mièvrerie… Encore un coup de Laetitia !

Un exemple, avec une courte séquence, anecdotique mais très révélatrice à mon sens, qui a particulièrement attiré mon attention : une employée de l’agence ne sait pas quoi faire lorsque quelqu’un appelle pour se plaindre qu’on lui ait ajouté 10 ans sur sa page Wikipedia. Je cite, de mémoire : « J’ai un acteur au bout fil, on lui a ajouté 10 ans sur sa page Wikipedia, qu’est-ce que je lui réponds ? ». Elle dit vraiment ça, « un acteur » ! Pas foutu de citer quelqu’un, même quelqu’un de has been, Gérard Hernandez, Samuel le Bihan, n’importe qui, je sais pas moi mais pas « un acteur » bordel !
Ca m’a vraiment scandalisé (je déconne pas) et c’est à ce moment-là, qui a confirmé mon sentiment que le premier objectif de la série était de ne surtout pas risquer d’égratigner qui que ce soit, que je me suis souvenu que parmi les gens derrière sa création, on trouve donc Fanny Herrero à l’écriture, Cédric Klapisch à la réalisation mais aussi, voire surtout, Dominique Besnehard. Agent des stars et star des agents, grand manitou du cinéma français, c’est lui, pas Fanny Herrero, pas Cédric Klapisch, qui a déclaré il y a quelques jours « on ira pas au-delà d’une saison 5 ». Ah c’est lui qui décide donc, c’est lui le patron ? Ouais bon, ok, tout s’explique…

« Eaux fortes de Jean-Etienne Nasal. Eaux fortes, le parfum de la jeunesse »

C’est dommage, car y avait vraiment matière à faire quelque chose de ce pitch. D’autant que Johnny Depp, Liam Neeson ou Kate Winslet, pour citer des acteurs/actrices mis à contribution par Ricky Gervais, ne sont pas suicidaires, ils/elles n’ont pas torpillé leur carrière en participant à Extras ou Life’s too short : on peut même interpréter leur participation de manière cynique, à savoir que moins ils/elles se montrent sympathiques, plus ils/elles révèlent leur sens de l’auto-dérision et meilleur c’est pour leur image. Même constat et même conclusion quand on voit ce que fait Guillaume Canet dans Platane, voire dans son pourtant calamiteux Rock’n’roll : il est bien plus audacieux que tout ce que met en scène la série… Dix pour cent joue trop la carte du glamour et de la sécurité, sert trop la soupe à ses guest stars de manière frontale. Quand la saison 1 s’est achevée sur les mots prononcés par le personnage d’Arlette (« il nous restera toujours le cinéma »), je ne voyais pas Camille Cottin et Liliane Rovère, seulement le visage de Dominique Besnehard. C’est dommage…
Basta cosi donc, je vais attaquer Baron noir.

The Crown – saison 1 – critique

La série se concentre sur la Reine Elizabeth II, alors âgée de 25 ans et confrontée à la tâche démesurée de diriger la plus célèbre monarchie du monde tout en nouant des relations avec le légendaire premier ministre Sir Winston Churchill. L’empire britannique est en déclin, le monde politique en désarroi… une jeune femme monte alors sur le trône, à l’aube d’une nouvelle ère. (Allociné)


The Crown
a donc pour objectif de raconter, sur plusieurs périodes, et de l’intérieur, l’histoire de la famille royale britannique. 8 saisons ont été prévues par son créateur, Peter Morgan, chacune dédiée à une décennie ou une période spécifique.
La saison 1, dont il va être question dans ce billet, est centrée sur l’arrivée sur le trône d’Elizabeth Windsor aka Elizabeth II, et sur ses 1ères années d’exercice, avec Winston Churchill comme premier ministre. La série démarre en 1947 et s’achève en 1956, avec quelques brefs flash-backs, principalement consacrés à l’enfance d’Elizabeth.

Dire que The Crown est académique serait un euphémisme : c’est une grosse meringue bien ripolinée comme il faut. Mais attention ! Une grosse meringue de bon goût. C’est donc académique mais pas pompier. 10 épisodes d’1h chacun, qui avancent au rythme sénatorial d’une parade royale dans les rues de Londres. C’est lent. C’est grave. C’est beau (TRES beau, j’y reviendrai).

Sur le fond, rien que de très prévisible voire de convenu : la sempiternelle lutte et les frictions entre les devoirs de la fonction et les aspirations personnelles, entre ce qu’exige la couronne et ce que la femme derrière la Reine voudrait pour elle-même, pour son couple, pour sa famille. Sans surprise, et malgré les mini-simili-suspenses ménagés, c’est toujours la fonction qui l’emporte (bâillements).

Je ne spoile pas : tout ce que The Crown raconte est évidemment basé sur des faits réels puisqu’il s’agit, encore une fois, de l’histoire d’Elizabeth II et de son entourage. Et cette histoire, on la connaît si on s’intéresse un minimum à l’Histoire du Royaume-Uni : c’est l’histoire d’une famille d’aristocrates complètement hors sol et hors tout, entretenant les rites de plus en plus anachroniques de la monarchie la plus puissante du monde et vivant dans une bulle: la série a beau la romancer, la dramatiser, ménager quelque suspense, c’est pas Breaking Bad. Comment le prince Philip (le prince consort i.e. le mari de la reine) va-t-il prendre le fait d’être envoyé seul en Australie pour inaugurer les Jeux Olympiques ? La princesse Margaret (la sœur d’Elizabeth) sera-t-elle autorisée à épouser son amoureux, un officier de l’armée, UN ROTURIER ?? Bloody hell, la reine pourra-t-elle choisir le secrétaire personnel qui a sa préférence et ne pas se voir imposer celui que l’étiquette exige ? C’est palpitant (bâillements).

D’aucuns trouveront peut-être également que la série cède parfois à une forme de fascination. Peut-être… Mais cette saison 1 se déroule durant une période (1947-1956) où la monarchie britannique jouissait encore d’une énorme puissance, d’une aura intacte: elle a gardé le cap durant la guerre, toutes les colonies n’ont pas encore acquis leur indépendance, les scandales ne surviendront que plus tard. Ça, la série le montre bien mais je conçois qu’on puisse trouver ça un peu trop complaisant parfois (Stéphane Bern surlike this en revanche, c’est certain).

Mais alors bon sang de bonsoir, qu’est-ce qui fait que je me sois régalé à ce point et que j’aie enchainé illico avec la saison 2 au juste ?

Déjà, pour peu qu’on s’intéresse un minimum à la famille royale britannique (c’est mon cas)… bah, c’est intéressant, tout connement. C’est très personnel mais il se trouve que j’ai pas mal étudié la période de l’après-guerre au Royaume-Uni (jusqu’aux années 70 en gros) donc ça m’intéresse. Certains événements connus sont illustrés, de l’intérieur encore une fois, d’autres dévoilés et dans un cas comme dans l’autre, on entre dans l’intimité de Buckingham Palace ou de Clarence House (la demeure privée du couple royal) mais aussi, quoique moins souvent, du 10, Downing Street (domicile du Premier ministre britannique). On découvre leurs rouages respectifs, leurs fonctionnements singuliers. J’aime ça.

Surtout, si les enjeux sont convenus (exigences de la fonction vs aspirations personnelles donc), The Crown bénéficie d’une écriture certes sans surprises mais comme je dis toujours, ça signifie aussi sans mauvaise surprise : c’est solide. Sans génie certes mais solide. La série décrit très bien les tiraillements vécus par cette jeune femme de 25 ans, élevée dans le seul but de succéder à son père (George VI, celui du Discours d’un Roi, pour situer), mais évidemment désemparée une fois sur le trône. 25 ans, 2 enfants (Charles a déjà de grandes oreilles), un époux souffrant de vivre constamment et pour toujours dans son ombre: c’est aussi le rôle et la place des femmes dans la société d’après-guerre que The Crown dépeint, et elle le fait bien.

Mais la vraie bonne idée de Peter Morgan sur cette première saison selon moi, c’est d’avoir convoqué le personnage d’Edouard VIII à mi-saison et d’en avoir fait une sorte de figure un peu évanescente, à la fois témoin détaché et éminence grise par défaut, un personnage à la fois détestable et touchant. Edouard VIII c’est le roi sans trône et sans royaume, celui qui a abdiqué en 1936, avant même son couronnement, par amour pour l’américaine Wallis Simpson. Et qui a pour cela été condamné à vivre en exil (Etats-Unis, France mais ça va, ils vivaient bien, merci pour eux). Exigences de la fonction vs aspirations personnelles, la base.

Enfin, et c’est l’argument ultime qui m’a fait adhérer à la série : c’est sublime. Mais vraiment : la direction artistique est à tomber. Là encore, rien qu’on ne connaisse déjà : il existe profusion de photos et films datant de l’époque qui permettent de se rendre compte du luxe, de l’élégance et du raffinement suprêmes qui présidaient au quotidien non seulement des Windsor mais de tout l’appareil d’état britannique (Chartwell House, la demeure privée de Churchill, quelle merveille ! Et que dire du château de Balmoral, résidence d’été de la famille royale en Ecosse). Les fastes de la couronne donc mais aussi l’élégance masculine, le style anglais, à leur apogée.

En tant qu’anglophile, c’est tout un décorum ou en tout cas une esthétique à laquelle je suis très sensible, un genre de fantasme même dirais-je (idéologiquement très à gauche mais esthétiquement royaliste : mon drame) mais je pense que même si on ne l’est pas (sensible), le travail de reconstitution, le soin apporté au moindre costume, au moindre accessoire dans le décor, forcent le respect. J’ai appris que The Crown était la production Netflix la plus coûteuse et qu’elle avait été imaginée pour devenir le joyau de sa couronne de séries. On peut dire qu’elle remplit sa mission.

Enfin (sûr cette fois) bonus argument-ultra-subjectif-et-non-soumis-à-débat :

Claire Foy, interprète d’Elizabeth II. Remarquable dans le rôle de cette jeune femme à qui on demande une tâche démesurée pour son jeune âge, je la trouve hyper choucarde avec ses trois-rangs (ou 2, ou un seul, suivant les circonstances. L’Etiquette.) et ses petits cardigans en cachemire.

Le Bureau des légendes – critique

J’arrive après la bataille, et après que tout a été dit mais mon enthousiasme est tel que je tiens quand même à livrer quelques réflexions sur celle qui est donc considérée comme la meilleure série française actuellement. J’ai lu pratiquement aucun papier dessus donc désolé pour les éventuelles redites ou enfonçages de portes ouvertes.

Les Patriotes

C’est évidemment là qu’il faut aller chercher la genèse de la série puisqu’après quelques ratés (coucou Anna Oz, coucou Total Western) et un gros passage à vide consécutif à ces 2 échecs, Eric Rochant est revenu sur le devant de la scène en créant une sorte de spin off, 20 ans après, de ce qui restera sans doute comme son meilleur film. Avec la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure, le pendant français de la CIA ou du MI6, en gros) à la place du Mossad, et Mathieu Kassovitz à la place d’Yvan Attal (avant ça, il avait quand même réalisé l’excellent Mobius, preuve que l’espionnage et lui, c’est une affaire qui roule). En tout cas, il est intéressant de relever les similitudes, points de divergences, récurrences entre les 2 œuvres. Et, bien sûr, il faut absolument voir Les Patriotes si on aime Le Bureau des légendes.


« Les patriotes », ce sont aussi les membres de la DGSE, héros de la série. Enfin… peut-être : si on entre petit à petit, et à des degrés divers, dans l’intimité de chacun.e, on ne saura jamais pourquoi ils travaillent là. Simples compétences techniques et/ou psychologiques, goût du risque, besoin d’un défi, de se prouver ou de fuir quelque chose ou véritable dévouement patriotique, envie d’être utile à son pays ? Pas de réponse, même si on peut parfois les deviner. Ce mystère sert la série, la mythologie qu’elle crée autour du BDL (la salle de crise, les pseudos, le jargon) et de ses principaux protagonistes.
Ne pas entrer sur ce terrain-là, celui de la motivation profonde des personnages, permet à Rochant et aux scénaristes de ne jamais verser du mauvais côté du drapeau : Le Bureau des légendes est une fiction qui met en scène des probables patriotes, sans qu’on puisse l’accuser elle-même d’un excès de patriotisme. Ces gens là font leur travail, quelle que soit leur motivation, et c’est ce que la série s’attache à nous montrer. Point. Je trouve ainsi le pseudo- débat ou la pseudo-polémique sur une trop grande allégeance de la série vis à vis de la véritable DGSE, qui y collabore et lui donne son aval, non-avenue. Ce qui résulte de cette « collaboration » (dont apparemment on ne sait pas grand chose non plus) est à la fois excellent et irréprochable d’un point de vue éthique (c’est ce que je pense en tout cas), c’est tout ce qui importe.

La France

C’est LE gros point positif de la série pour moi, en dehors de sa trame et de sa caractérisation évidemment, qui en font une si belle réussite : la France, partout, tout le temps. La DGSE donc, qui traite des affaires et met en place des missions relatives à la sécurité nationale et aux activités françaises à travers le monde (le monde étant quasiment réduit au Moyen-Orient bien sûr, années 2010 oblige) mais surtout, la francité : les locaux de la DGSE, Paris, sa grisaille, les filatures en Peugeot ou Toyota Yaris, les pots de départ des employés, leur pause clope etc. La cantine. LA CANTINE BORDEL ! Mes scènes préférées de la série je pense, qui voient aussi bien la « petite main » du bureau des légendes que le directeur des opérations sur le terrain ou le grand patron se trimbaler avec leur petit plateau, leurs carottes râpées et leur colin meunière/jardinière de légumes (Sisteron, il prend des frites lui, évidemment). La série opte pour un espionnage à visage humain, fuyant (ou presque, j’y reviens) le sensationnalisme, choisissant John Le Carré dont Rochant est très fan plutôt que James Bond, et ça passe donc aussi par des petits détails de la vie de bureau, sans ironie, qui feraient presque se rejoindre la DGSE et la COGIP. Et qui ancrent en tout cas Le Bureau des légendes dans un quotidien très français.

La suite

Avec tout ça (avec tout ce qui précède je veux dire), j’ai une préférence pour les saisons 1 et 2. Voire pour la saison 1, dont on dit certainement qu’elle pâtit d’un manque de moyens (encore une fois : j’en sais rien, j’ai presque rien lu sur la série). Peut-être mais selon moi, c’est là que se matérialise le mieux ce qui fait le prix du Bureau des légendes : la francité donc, mais aussi une économie de tous les instants (dans l’exécution, plus que dans les moyens eux-mêmes), la primauté aux personnages et à leur psychologie etc. Je vais pas (re)faire l’article, quand on a vu et qu’on aime la série, on est d’accord sur ce qui fait son charme et son intérêt.


C’est pour ça que la saison 3… Entendons-nous bien : j’étais à bloc, assis sur le bord de mon fauteuil quand la rencontre entre BIP et BIP a eu lieu, quand BIP s’est cru libre et puis finalement non etc etc. Mais avec le succès, critique et populaire, des 2 premières saisons, la série a logiquement obtenu plus de moyens, encore, multipliant les lieux de tournage et donc les potentiels théâtres d’opération, intrigues, rebondissements etc. Et en son cœur, même si, encore une fois, c’est très excitant, je vais pas jouer les faux-culs, j’ai eu un peu peur que cette 3ème saison fasse basculer la série de 24 à la française i.e. cérébrale et minimaliste, à 24 à la française i.e. rocambolesque et cheap, avec un Malotru qui se mue définitivement en Jack Bauer de la Porte des Lilas.
« J’ai eu » simplement, car les 2 derniers épisodes de la saison 3, magistraux, reviennent aux fondamentaux de la série (manipulation, cache-cache, espionnage au sens propre du terme), avec une mélancolie de tous les instants qui saisit véritablement aux tripes.

On est donc en droit d’être optimiste pour la saison 4,  dont la diffusion démarre très prochainement, puisque Le Bureau des légendes semble vouloir rester sur ces rails là, en affirmant encore davantage son caractère de « série d’action auteuriste » : Mathieu Amalric a rejoint la fine équipe devant la caméra, Pascale Ferran, camarade de promo de Rochant à l’IDHEC, derrière. J’ai hâte de voir ça !

Red Oaks – critique

Durant l’été 1985, David Myers, 20 ans, décroche un emploi saisonnier dans un country club du New Jersey majoritairement fréquenté par des juifs. Entre des clients pas toujours faciles et des employés pas toujours sympathiques, le jeune homme tente de découvrir quelle direction donner à sa vie. (Allociné)

Ca faisait longtemps que j’avais pas parlé séries. J’imagine qu’aucune ne m’a vraiment marqué ces derniers mois mais le fait est que j’en vois relativement peu désormais : je trie davantage, je ne me rue pas sur la dernière nouveauté qui fait l’événement comme ça a pu être le cas à une époque. Et malgré ça, je suis pas à l’abri d’une déception, comme avec l’over-hypée The End of the Fucking World qui ressemble davantage à un véhicule pour b.o. cool qu’à la série trop-géniale-coup-de-poing-dans-ta-gueule que beaucoup ont décrite.

Et parfois, LA bonne surprise, LA série qui tombe au bon moment: Red Oaks donc.

Elle a été créée par Joe Gangemi et Gregory Jacobs: ce dernier est notamment un fidèle de Steven Soderbergh (en tant que producteur) et il a également réalisé Magic Mike XXL.
Red Oaks a pourtant souvent été présentée comme la série de David Gordon Green qui est de fait crédité en tant qu’executive producer (LE crédit à surveiller au générique d’une série après l’évident « created by ») et a réalisé plusieurs épisodes. On retrouve également derrière la caméra des pointures telles que Gregg Araki, Amy Heckerling ou Hal Hartley (!!!). Elle s’est achevée fin 2017 après 3 saisons et 26 épisodes de 25 minutes (en moyenne). Voilà pour les faits.

On pourrait dire en synthétisant à l’extrême que Red Oaks est l’équivalent pour la comédie des années 80 de ce que Stranger Things est au cinéma fantastique de ces mêmes années. Alors qu’est ce qui fait que je me sois autant régalé, que je vois ici de l’hommage, de la fraîcheur, de la mélancolie et aucune nostalgie alors que je n’ai vu dans Stranger Things que pastiche, fétichisme et cynisme (à tel point que je n’ai pas vu et que je n’ai aucune envie de voir la saison 2) ? Difficile à dire…

C’est sans doute dû, en partie, à des raisons purement subjectives. UNE raison en vérité: les teen movies et notamment le coup du dernier-été-insouciant-avant-la-vie-adulte, du genre dit « coming of age » comme disant les anglo-saxons et qu’on pourrait traduire par « récit d’apprentissage », je marche à fond. Le coup du héros un peu terne, un peu effacé, sans trop de relief mais plein de ressources, auquel le public peut d’autant mieux s’identifier, idem. Celui du geek moche et maladroit mais brillant qui emballe la belle du lycée, itou.

Oui, Red Oaks est bourrée de personnages archétypaux, vus et revus mille fois déjà, notamment dans les comédies de John Hughes (The Breakfast Club, Pretty in Pink etc), référence évidente. Mais elle parvient à la fois à dérouler un récit balisé et à surprendre par petites touches subtiles : David, le héros, pro de tennis l’été mais aspirant réalisateur, est obsédé par Truffaut et Rohmer. Wheeler, le geek fumeur de beuh (et improbable fusion Guillaume Gallienne+Jonah Hill), de Roxy Music. De même dans le parcours de certains personnages: sans vouloir trop spoiler, Barry, le photographe queutard, fera sans doute un mari parfait, Karen, la gentille bimbo aspirante infirmière, rêve d’une vie rangée et conventionnelle mais  n’est pas moins assaillie de doutes que l’adolescent(e) le plus torturé, etc.
Parfois encore, certaines scènes ne semblent rimer à rien: pas vraiment de gag ni de punchline, on montre simplement le personnage dans son quotidien, personnel ou professionnel, ou alors on coupe 2-3 secondes plus tard que ce à quoi on pourrait s’attendre, simplement pour rester avec lui/elle, ses doutes, sa joie ou sa tristesse. Et si la série prend pour cadre les années reaganiennes et le country-club d’une banlieue cossue du New Jersey, elle ne verse jamais dans la fétichisation des accessoires et donc la nostalgie alors qu’il serait facile d’accentuer, relever, moquer, telle ou telle coupe de cheveu ou tenue aujourd’hui improbable.

L’épisode 7 de la saison 1 est l’un des plus étonnants et résume bien la tonalité et l’équilibre atteint par Red Oaks à partir de sensibilités et d’approches diamétralement opposées: l’intrigue reprend celle de Freaky Friday, avec cette fois David, le jeune homme, qui se retrouve dans la peau de son père et inversement. C’est touchant bien sûr puisqu’une fois les choses rentrées dans l’ordre, chacun sera parvenu à entrer en empathie avec l’autre, mais c’est avant tout drôle et cocasse évidemment. Et là, bim, l’épisode se clôt sur le Marquee Moon de Television… Quel grand écart ! Mais c’est précisément ça le truc : Red Oaks est une série grand public, avec des ressorts grands publics mais écrite/réalisée par des personnes (David Gordon Green, Hal Hartley, Gregg Araki) à la forte sensibilité d’auteur. De même, la bo mêlera aussi bien pop/rock FM lourdingue (putain, Billy OceanLoverboy, fallait la ressortir celle là) que choix plus exigeants (OMD, New Order, Aztec Camera, Woodentops, Talking Heads, Love and Rockets pour n’en citer que quelques uns). Les 2 pôles (l’un populaire, l’autre plus pointu) s’équilibrent à merveille: aucune distance ou ironie ici, pas plus que de facilité ni de concession, simplement l’envie de raconter une histoire éternelle, celle d’un jeune homme qui doit trouver sa place dans le vaste monde.

Cette sincérité, cette justesse constantes, se retrouvent également dans les choix de caractérisation des divers personnages: certes, Red Oaks a pour cadre principal un country club (tennis, golf, piscine, cours d’aerobic, bronzette, mimosas et salades caesar) pour riches résidents d’une banlieue du New Jersey et on s’intéresse à certains de ses clients mais les vrais héros sont les adolescents employés pendant l’été et qui n’ont rien de show biz kids eux: David, le héros, dont le père a subi une crise cardiaque et a dû fermer son cabinet comptable et la mère au foyer a dû reprendre un travail, Wheeler, qui s’occupe seul (?) de ses petits frères et soeurs et de sa grand-mère grabataire, Misty, qui fait tout son possible pour fuir Red, le nouveau mec envahissant de sa mère, qui est du genre à toujours entrer « par accident » dans la salle de bains lorsqu’elle sort de la douche etc. Les années Reagan n’ont pas été fastes pour tout le monde, loin s’en faut, et même si son regard est toujours tendre, Red Oaks est loin de les glorifier .

Si l’équilibre et l’alchimie atteints par la série sont aussi remarquables, c’est aussi en grande partie grâce à son impeccable casting. Il mélange jeunes acteurs plus ou moins novices (Craig Roberts, interprète du héros, jouait par exemple dans Submarine, jolie wesandersonerie anglaise de 2011) et vieux briscards: Richard Kind, notamment vu dans Spin City, Paul Reiser, que j’avais pas revu depuis la sitcom Dingue de toi et Jennifer Grey, oui LA Jennifer Grey de Dirty Dancing. Tous dans des rôles à la fois bien caractérisés et archétypaux là aussi mais toujours subtilement esquissés. A noter également Gina Gershon, jamais aussi à l’aise que dans les rôles d’uber-pétasse.

Red Oaks n’est pas une grande série. C’est pas les Sopranos, c’est pas The Wire. Mais c’est encore mieux en un sens puisque c’est une belle série: drôle, émouvante, attachante. Elle laisse en bouche une sensation douce-amère, un goût sucré teinté de mélancolie, celui des étés parfaits dont on sait qu’ils ne reviendront pas:

« Every time I see your face
It reminds me of the places we used to go
But all I’ve got is a photograph
And I realize you’re not coming back anymore »

The Handmaid’s Tale – critique

Dans une société dystopique et totalitaire au très bas taux de natalité, les femmes sont divisées en trois catégories : les Epouses, qui dominent la maison, les Marthas, qui l’entretiennent, et les Servantes, dont le rôle est la reproduction (Allociné)

Si on fait le bilan, en 2017, et en grossissant le trait certes, il faudra avoir vu la saison 7 de Game of Thrones, la saison 3 de Twin Peaks et The Handmaid’s Tale.

Tu l’as lu un peu partout, The Handmaid’s Tale, c’est l’adaptation du roman dystopique de la canadienne Margaret Atwood. Il décrit la société patriarcale et fasciste établie aux Etats-Unis suite à une catastrophe écologique entraînant l’infertilité de la majorité de la population.

J’ai étudié le roman à la fac (d’anglais) et il m’avait fait très forte impression. A tel point que je m’en souviens encore très bien aujourd’hui soit 20 ans après, alors que j’avais complètement rayé de ma mémoire les cours de linguistique le lendemain des examens. Par exemple.

Le roman est glaçant, effrayant car, comme toute bonne dystopie qui se respecte, très réaliste. Et là où cette adaptation l’emporte, même si elle n’y est pas pour grand-chose au bout du compte, c’est que son « pitch », en 2017, est passé de « réaliste » à « envisageable ». Les flashbacks montrent en effet une Amérique de plus en plus conservatrice, misogyne, homophobe jusqu’au point de bascule fatidique entraînant la naissance de Gilead, la dictature théocratique qui remplace les USA. Toute ressemblance etc. etc.

La description de Gilead et du quotidien des « servantes écarlates » (le titre du roman en vf), ces femmes enrôlées de force pour servir de reproductrices aux couples des classes dirigeantes, vise également dans le mille. Les différentes classes de la société, leurs codes, rituels et costumes, les miliciens omniprésents, la religion qui dicte tout, les supermarchés de type nord-coréen, la « cérémonie » (je spoile pas) etc etc: tout cela est saisissant. Bien sûr, pas besoin de se fouler, la fidélité au bouquin suffit tant celui-ci est puissant mais c’est bien de ne pas en avoir trop fait et d’avoir au contraire gardé une certaine humilité par rapport au matériau de base. On peut lire un peu partout encore une fois que The Handmaid’s Tale est une série anxiogène et c’est juste.

Après… Bah après, je ne participerai pas au concert de louanges car j’ai des réserves, et non des moindres.

Déjà le recours aux flashbacks. Ok, c’était peut-être inévitable et ils sont très bien intégrés mais je sais pas… Un peu ras le cul du procédé. Lost l’a admirablement fait, Orange Is the New Black également, quoique confinant un peu au systématisme, déjà, puis The Leftovers mais cette dernière étant quasiment un spin-off de Lost, on ne peut pas le lui reprocher… Mais bon, ça va là non ? On peut peut-être tenter un autre mode de narration ? Ou au moins éviter celui-là ? Les flashbacks : inévitables peut-être, mais surtout un peu paresseux d’après moi.

L’utilisation de la musique me paraît également un peu convenue. Elle reprend mais après coup et de manière moins efficace là encore, le procédé du « décalage signifiant » utilisé par d’autres séries, Mad Men ou The Leftovers pour ne citer qu’elles : on prend un titre, connu ou pas, mais plutôt connu, allez tiens, de préférence un gros tubasse mais repris et dans un arrangement très surprenant là aussi, un titre en tout cas auquel on n’aurait jamais pensé dans un tel contexte et dont on finit par se dire qu’il s’agissait du meilleur choix possible. Paresseux encore tant ce procédé a été vu et revu. Alors quand le choix de la musique n’est pas pertinent mais au contraire très maladroit (difficile de donner un exemple sans spoiler), c’est carrément craignos.

Je pinaille peut-être un peu, je sais mais j’en arrive à un vrai gros bémol : The Handmaid’s Tale, la série, ne peut pas s’empêcher de céder aux sirènes de l’esthétisme. Et ça ça craint encore. Un max.
Je veux dire, ce que raconte cette histoire, ce qu’elle dit de ce qui pourrait advenir de nos sociétés occidentales est absolument, je me répète, effrayant et glaçant. Une dictature théocratique, des rafles d’enfants, de femmes uniquement caractérisées par leur fertilité, des camps d’asservissement, des exécutions sommaires et exemplaires, des lapidations etc etc. Un futur cauchemardesque. Et pourtant, The Handmaid’s Tale enjolive constamment son esthétique froide et kubrickienne (pour faire court), a un point tel qu’on en arrive à ce que Buzzfeed nous ponde un article tel que celui-ci, comme si on parlait du dernier Spike Jonze ou Sofia Coppola. Sans déconner… Faire de The Handmaid’s Tale une belle série, non seulement ça édulcore fortement son propos mais ça prend le risque de cautionner (involontairement bien sûr) ce que la série entend dénoncer. Non, ça, c’est pas possible, c’est plus que de la maladresse.

Je résume : The Handmaid’s Tale est sans doute plus nécessaire aujourd’hui que jamais, ce qui explique sans doute, quoiqu’en partie, son succès. C’est à voir. Mais à choisir, c’est plutôt à lire.

#50 Séries

Et pour conclure ce top consacré à la rigolade, quelques mots sur mes séries comiques préférées :

Flight of the Conchords

Les parodies/chansons comiques, je suis vraiment pas fan : soit la musique n’est qu’un prétexte et elle est pourrie, soit les textes sont pas drôles. Souvent les 2 à la fois (= la catastrophe).
La première réussite de Flight of the Conchords, c’est que les parodies tiennent la route (elles tendent donc davantage vers le pastiche), les chansons s’écoutent bien, voire très bien. En sus, elles sont toujours très bien intégrées aux différentes intrigues. Rien que ça, ça assure 50% de la réussite du show (même s’il n’y a généralement que 2 courtes chansons par épisode).
Après, le show en lui-même joue évidemment pas mal sur le classique registre des différences culturelles et du fish-out-of-the-water (2 néo-zélandais largués dans New-York) mais il le fait sur un mode subtil, low-key, presque minimaliste, aidé en cela par le jeu très atone des 2 acteurs et plus particulièrement de Jemaine Clement. Y a peu de vannes au final, ou même de gags, ou alors des gags pas-drôles-mais-drôles-en-fait et c’est ce qui fait sa singularité.

Curb Your Enthusiasm – Larry et son nombril

J’ai déjà parlé en détail de la série ici et ici.

Seinfeld

Etre fan de Curb Your Enthusiasm et pas de Seinfeld serait absurde : c’est la matrice, la Genèse, l’Ancien Testament. Indépassable.

The League

Un des innombrables shows estampillés « nouveau Seinfeld » en raison principalement de son absence de véritable intrigue (ou de l’inintérêt fondamental de celle-ci), d’une attention portée aux détails du quotidiens et aux petits travers des comportements humains et enfin d’un mauvais esprit confinant à la misanthropie.
J’ai lâché l’affaire parce que je trouvais plus les épisodes en cours de saison… 5 je crois ? Je sais plus, et ça devrait pas être très bon signe, d’autant que j’ai pas l’intention de reprendre mais les 3 premières saisons sont parmi les trucs les plus grossiers, scandaleux et drôles que j’ai jamais vus. Pour situer, on va dire que ça serait le versant le plus trash et décomplexé de la neo-comédie, et qu’il n’est pas étonnant d’y retrouver un Seth Rogen en roue libre dans un petit rôle intermittent. Vraiment très crade et très drôle – j’insiste car il vaut mieux savoir où on va, c’est pas pour tout le monde.

The Office

Sur le coup ça a été un choc. Le sentiment à la fois d’être face à un truc totalement nouveau et que j’attendais depuis toujours. Le rire, le vrai, le malaise, le vrai aussi, et souvent les 2 ensemble évidemment.
Rétrospectivement, c’est non seulement un jalon, qui ouvre la porte à plein de trucs fantastiques, et à un registre humoristique nouveau, mais on réalise que rien ne va aussi loin que The Office. C’est un coup de génie qu’a réussi Ricky Gervais, un truc rare, parfait de A à Z, comme la plupart des auteurs et créateurs se contentent d’en caresser le souhait et peuvent s’estimer heureux de seulement s’en approcher.
Si la suite a prouvé qu’il avait de la ressource (Extras et Life’s too short, toutes 2 excellentes), elle a aussi démontré que lui non plus n’ira jamais aussi loin et ne fera jamais aussi bien. Mais quand on a pondu un truc pareil, on peut s’arrêter tranquilou, on a fait son travail.
Par ailleurs, c’est bien sûr la meilleure fiction imaginable sur cet enfer à peine déguisé qu’est le monde de l’open space.

Eastbound and Down – Kenny Powers

Voilà par exemple une série qui doit pas mal à The Office. J’ignore si elle a été une source d’inspiration et la filiation n’est pas évidente (si tant est qu’elle existe même) mais disons que The Office a préparé le terrain.
Héros détestable, aussi sûr de lui que pathétique, terriblement humain avant tout évidemment, Kenny Powers serait un genre de David Brent testostéroné, aussi américain que Brent est anglais. Là aussi, je n’en croyais pas mes yeux quand je suis tombé sur cette série et la saison 2 (celle qui se déroule au Mexique) m’a valu des éclats de rire mémorables.

Réflexions sur Twin Peaks

Comme beaucoup j’imagine, je me suis lancé dans le re-visionnage des 2 saisons de Twin Peaks, histoire de me rafraîchir le mémoire avant la diffusion de la 3ème saison.

Déjà, signaler que les meilleures pages sur la série, et sur l’oeuvre de Lynch, sont à lire dans l’indispensable ouvrage que Michel Chion lui a consacré et que voici:

Promis, tu liras jamais rien de mieux ni de plus intelligent sur lui et sur la série. Je me contenterai donc de quelques réflexions personnelles un peu à la va-vite.

– Le générique d’abord. Passée l’émotion, réelle, de le revoir, non pas pour l’écouter comme c’est régulièrement le cas depuis des années, mais pour regarder ce qui lui succède, ce sentiment renouvelé 30 fois (8 pour la saison 1, 22 pour la saison 2) de rentrer à la maison. Evidemment, la série repose en partie sur l’amour, très sincère, que Lynch porte à une certaine Amérique,celle des petites villes et de ses diners qui servent damn fine cups of coffeee et donuts, celle dans laquelle il a grandi. Et ce générique met en son et en images ce que représente Twin Peaks pour ses personnages, puis, à la longue, pour ses fans: un lieu idéalisé, un cocon rassurant qui offrira toujours chaleur et réconfort (et, oui, une damn fine cup of coffee aussi) même après les événements tragiques dont elle est le théâtre.

– Cette émotion procurée par le générique, elle trouve son prolongement dans le pilote de la série. Là encore, Michel Chion en parle mieux que quiconque: ce qui saute aux yeux, ce sont les larmes, abondantes, partagées, dramatisées à l’extrême mais toujours sincères. C’est le sens du grotesque de Lynch qui s’exprime en traduisant le drame qui se joue: le Mal a pénétré ce havre de paix et de bonté que tous croyaient préservé d’un tel drame (la suite démontrera évidemment que les choses n’étaient pas aussi simples que ça).

– Pour en revenir à la musique et à ce thème inoubliable, ce qui m’a frappé c’est que la bo de Twin Peaks dans la saison 1, c’est 4 thèmes en tout et pour tout ! Le générique bien sûr, le thème de Laura Palmer (celui qui clôt chaque épisode), le thème d’Audrey (Sherilyn Fenn), et le thème qui accompagne les scènes plus inquiétantes. J’avais pas souvenir d’une telle économie, d’une telle répétitivité. Ca participe évidemment grandement de l’expérience immersive dans un univers bien codifié et délimité.

– J’ai également été frappé par la langue et ça aussi, ça a été une totale redécouverte: plus désuet que véritablement châtié (même si les jurons et gros mots sont très rares), le parler Twin Peaks est truffé d’expressions qui semblent issues des années 50 et d’une Amérique innocente et bienveillante. Cohérence sur la forme jusqu’au bout puisque par certains aspects, Twin Peaks pourrait être une sorte de Brigadoon du Nord-Ouest des Etats-Unis, une ville figée dans le temps, ici les années 50.

– Enfin, au sujet de la saison 1, j’ai aimé constater à quel point Twin Peaks assumait totalement son côté « soap ». Je sais bien que j’enfonce une porte ouverte car c’est précisément la combinaison soap traditionnel + univers lynchien (pour faire court) qui fait de Twin Peaks cet objet si unique mais l’aspect soap est vraiment très prononcé. Amourettes adolescentes, relations sentimentales contrariées, histoires de famille, intrigues financières etc. : le générique et sa présentation très factuelle des lieux et de l’environnement de la série annonçaient déjà la couleur,  et par bien des aspects, Twin Peaks est un prolongement au 1er degré de soaps tels que Falcon Crest ou Knots Landings (Côte Ouest en France).

– Cette tonalité délibérément senti-menthe à l’eau / rocambolesque sera encore accentuée dans la saison 2 mais pas toujours à bon escient, avec des storylines parfois franchement hasardeuses, voire douteuses : ce qui concerne James notamment (le motard sentimental), et plus précisément son escapade et son aventure avec une femme mariée, ou tout ce qui tourne autour de Josie (Joan Chen) et de la scierie, c’est vraiment n’importe quoi.

– On connaît désormais bien l’histoire :  dans l’esprit de Mark Frost et de David Lynch, il fallait entretenir le mystère au maximum, si ce n’est indéfiniment, et dévoiler qui était l’assassin de Laura Palmer le plus tard possible (sinon jamais, idéalement pour Lynch). D’où une saison 2 très bancale, avec des storylines pas toujours pertinentes donc et un découpage très net : jusqu’à la révélation du tueur, on est dans la lignée de la saison 1, c’est du velours; c’est ensuite que ça part un peu dans tous les sens et que ça tâtonne pour retrouver une véritable direction (cf le point précédent).  Jusqu’à l’épisode 16 très exactement, qui voit la réapparition de Bob et du nain (cette séquence mémorable durant laquelle on le voit danser sur le lit de Josie), et qui marque une reprise en main évidente.

– Jusqu’à cet épisode 22, le dernier de la saison 2, intitulé Beyond Life and Death et réalisé par David Lynch lui-même. Episode culte, quasiment mythique et qui n’a rien perdu de sa beauté, de son mystère et de sa puissance après 25 ans: le quart d’heure (ou quasiment) se déroulant entièrement dans la Black Lodge reste le quart d’heure de télévision le plus radical et fascinant que j’ai jamais vu. Episode enfin, qui annonçait de manière on ne peut plus explicite la saison 3 à laquelle nous allons avoir droit même si évidemment, sur le coup, personne n’a rien vu venir:

Pour conclure sur une note granderemisesque i.e. futile et qui n’interpelle que moi, 3 fun facts:

– quelques épisodes ont été réalisés par Caleb Deschanel, papa de. Mais ça je le savais.

– En revanche, j’avais pas du tout percuté que Eileen Hayward, la femme du docteur, était interprétée par Mary Jo Deschanel, son épouse, et donc maman de:

Y a un truc, c’est sûr.

– Enfin, et là ça m’a scié, j’ai appris que Peggy Lipton, interprète de la belle Norma, propriétaire du Double R, le diner, était la maman de Rashida Jones:

Ici avec Quincy Jones, le papa donc. Dingue.

Dernière chose, promis: me reste à revoir le film, Twin Peaks – Fire Walk With Me. David Lynch lui-même a indiqué qu’il avait une importance capitale pour la saison 3 donc si tu n’as pas eu le temps ou la motivation pour revoir les 30 épisodes des saisons 1 et 2, tu sais ce qu’il te reste à faire.

Plus que 4 jours nom de Dieu !

Master of None – saison 2 – critique

Quelques mots sur une série récente, ça faisait longtemps. Pas la meilleure (Better Call Saul ? Je sais pas, on s’en fout évidemment mais putain, qu’est ce que c’est bien…), pas la plus attendue (Twin Peaks nom de Dieu !!!) mais un petit bonbon humble, attachant et moins anecdotique qu’il n’y paraît.

Master of None donc, qui narre les atermoiements, vicissitudes et aventures sentimentalo-professionnelles de son héros et créateur, Aziz Ansari. Stand up comedian comme on dit là-bas (ici on dit « stand-upper » apparemment et oui, c’est complètement con parce qu’un « stand-upper » pour les anglophones, c’est quelqu’un qui se tient simplement debout, par exemple dans un stade), il est devenu célèbre grâce à son rôle de Tom dans Parks and Recreation. Master of None est sa création (et celle de son pote Alan Yang), il l’a écrite, la produit, il l’interpréte, réalise des épisodes parfois, il y a mis beaucoup de sa propre histoire et de ses propres expériences. Il s’y prénomme Dev mais il fait jouer leurs rôles par ses propres parents, tu vois le genre.


Trentenaire, d’origine indienne, il fait donc partie d’une minorité et le point de départ de la série s’est d’essayer de retranscrire ce que cela signifie d’être d’origine indienne donc, mais aussi coréenne (comme Alan Yang, co-créateur de la série), afro-américaine ou encore d’être lesbienne dans le New-York de 2017. Racisme plus ou moins soft, stigmatisation routinière, doutes et questionnements personnels etc. En corollaire, on évoque régulièrement le poids des origines, de la tradition et on s’attarde sur la vie et la place de la génération des parents, voire des grands-parents, avec beaucoup de justesse et de pudeur.


Voir à ce titre le superbe épisode consacré à la pratique religieuse : les parents de Dev sont musulmans pratiquants, pas lui. Lorsque des membres de la famille, fervents pratiquants eux, leur rendent visite pendant quelques jours, les parents surjouent leur foi et encouragent Dev à faire de même, à mentir donc jusqu’à ce que… Je n’en dirai pas plus pour ne pas spoiler mais la façon dont la série traite cette question, universelle, de ce qu’on choisit de dire à nos parents, et de ce que eux savent réellement de nous, me paraît remarquable et très émouvante.

Voir aussi ce très bel épisode qui déroule en plusieurs séquences (plusieurs repas de Thanksgiving) l’évolution du coming-out de la meilleure amie Noire et lesbienne de Dev auprès de sa mère (interprétée par la toujours très belle Angela Bassett). Très sensible là aussi.


Ca c’est l’aspect sociologisant si on peut dire, de Master of None.
La série me paraît également intéressante en ce qu’elle est, plus que n’importe quelle autre il me semble, une série de 2017 (bon, je regarde pas TOUTES les séries, loin de là, pour me permettre de dire ça, j’en regarde même de moins en moins car je sélectionne de plus en plus mais je me renseigne un peu quand même et je sais à peu près ce qui se passe. Enfin, je crois). Sans être véritablement estampillée « millenial » ou « génération Y », Master of None est la série Buzzfeed, Twitter, Instagram, Tinder, Air Bnb, smartphone par excellence : pas de placement ou de name dropping forcené non mais une « intégration » naturelle aux intrigues, à l’univers de chacun des personnages. En 2017, les réseaux sociaux, quels qu’ils soient, les applis de rencontre, quelles qu’elles soient, les smartphones comme extension de notre main, les spoilers, ça n’est plus un sujet en soi, ça n’est pas un élément sur lequel il est nécessaire de s’attarder, c’est simplement acquis, ça fait partie de notre vie, c’est la norme et ça, Master of None l’a compris mieux que quiconque je trouve.

L’arc narratif principal (la love life de Dev, ici tombé en amour pour une ravissante italienne déjà fiancée) mélange brillamment et avec humour ces 2 aspects (3 en réalité : la place des minorités, l’héritage familial, la modernité). C’était déjà le cas au cours de la saison 1 mais c’était fait de manière un peu plus artificielle, moins naturelle. On sent cette fois que la série n’a pas besoin de forcer les choses puisqu’évidemment les bases ont déjà été posées.


Ca lui permet également une plus grande liberté sur la forme : les épisodes (il y en a 10) tournent en général autour de la demie-heure mais l’un d’eux ne dure que 20 minutes, un autre 1 heure (et ça n’est pas le dernier de la saison, contrairement à une pratique répandue qui veut que les 1ers et derniers épisodes soient plus longs que les autres). Y a pas de règles. Master of None tente même des passages un peu audacieux (celui avec les sourds-muets ou la fin d’épisode qui filme en temps réel le trajet de retour chez lui en taxi de Dev sur un morceau de Soft Cell) et se permet un épisode complet, le joli I love New York, qui sort du cadre général et dans lequel les personnages principaux ne font que de la figuration.

Cette même liberté, ce naturel, se retrouvent enfin dans la bande originale, absolument géniale, à la fois populaire et exigeante, constamment surprenante, qui, à l’image des playlists ouvertes à tous les vents actuelles, peut caser des standards italiens des années 60, un titre de D’Angelo, un autre des Walker Brothers puis des Digable Planets, le plus naturellement du monde.

A noter aussi que dans le rôle du nouveau-second-rôle-qui-apporte-un-vent-de-nouveauté-sur-la-série, on a droit à l’excellent Bobby Cannavale et à sa faconde scorcesienne.

Enfin, même si on la voit déjà au-dessus, je ne peux décemment pas ne pas abattre comme argument définitif, tout à fait objectif, inattaquable et intellectuellement supérieur, que la ravissante italienne qui transperce le coeur de Dev, et qui répond au prénom de Francesca (interprétée par Alessandra Mastronardi) c’est elle:

Si tu vois ce que je veux dire.

1 réflexion pendant l’épisode 6.02 de Game of Thrones

2ème épisode de la saison, 2ème séquence « fuck yeah » donc. Peu importe qu’elle fut attendue, écrite bien à l’avance voire qu’elle se déroulât quasi exactement comme quasi tout le monde le pensait (Lady M. aux manettes) : c’était bon nom de Dieu !
Et puis Tyrion qui revient en force (magnifique scène avec les dragons), Ramsay qui s’affirme encore un peu plus, comme si besoin était, comme LE salopard qui fait pâlir de jalousie Belzébuth,  Luis Suarez et Gordon Ramsay réunis, Daenerys qui est aux abonnées absentes, Jaqen « sexy Jesus » H’Ghar qui fait sa 1ère apparition de la saison : Gaaaaaaaaaaaaame of Thrones baby !!!

46 réflexions devant le season premiere de Game of Thrones

– Tam TatatatAm TatatatAm TatatatAm TatatatAm : Game of Throooooooooooooooooooooooooones!!!

game-of-thrones

– Je suis à bloc.

– Je ne chante absolument pas le générique.

– Le générique le plus long du monde.

– Tam TatatatAm TatatatAm TatatatAm TatatatAm

– Bon, il est mort? Il est pas mort?

– Naaaan il est pas mort.

– A l’heure qu’il est, la trace de sang laissée par son corps sur la neige doit déjà faire l’objet de théories plus improbables les unes que les autres.

– Il est mort putain…

– « She smelled of dog »: Ramsay va essayer de nous faire pleurer. A sa manière, mais quand bien même.

– « Feed her to the hounds » : ok, ça sera pas encore pour cette fois donc.

– Eh ouais misérable petit cafard, tu ne seras jamais qu’un bâtard aux yeux de ton père.

– « It’s too cold, I wont make it, I’ll die » (Sansa et Theon devant la rivière gelée qu’ils doivent traverser)

– Ah ben c’était pas si froid que ça finalement: on les retrouve après un bon gros cut, comme si de rien n’était.

– Oh Theon qui serre Sansa dans ses bras… Première séquence émotion de la saison.

– Voilàààààààààà, c’eeeeeeeeeest ça, envoie Sansa à Châteaunoir, là où elle se retrouvera encore livrée à elle-même. Putain, le calvaire de cette pauvre fille ne connaîtra donc jamais de fin?

– Fuck yeah Lady Brienne!!!!

– Et Podrick!!!

– Défoncez moi tout ça nom de Dieu!!! Youhou!!!

– Ce bon Podrick, non content de savoir manier sa queue, sait donc également manier l’épée. Good boy.

– Je me souvenais plus exactement qui avait poignardé Jon Snow mais les talents de niqueur de Podrick, ça je m’en souviens bien évidemment.

– Nom de Dieu de bordel de merde, c’était bon ça! C’est pas comme si Game of Thrones nous noyait sous les séquences jouissives pour le spectateur ET pour nos personnages favoris…

Sansa semble désormais entre de bonnes mains : le bout du tunnel?

Cersei mon amour.

Port-Royal, cité la plus puissante de tout Westeros mais j’ai le sentiment qu’à chaque fois qu’un bateau y accoste ou en part, ça se passe dans ce petit port de rien du tout.

– The neverending loose… Mais ça va chiiiiiiiiiiiieeeeeeeeeeeeer maintenant que Jaime est rentré!

– C’est quoi cette histoire de sorcière en revanche? Complètement oublié ce truc…

– On s’en fout un peu de la reine Margaeri non? J’avais complètement oublié son existence à elle aussi.

– Vas-y pour démêler ses cheveux quand elle sortira de prison.

– Aaaaaaaaaaalleeeez, 1er décanillage d’un personnage important (le roi de Dorne)

– Mais quelle salope celle-là nom de Dieu.

– Fais chier je l’aimais bien lui. Fragile, sensé, sensible: il pouvait pas faire long feu mais sa mort est quand même super inattendue.

– Et allez, deuxième dézingage (son fils). Un peu gratuite cette scène en revanche.

VarysTyrion: ça ronronne gentiment entre les 2 esthètes.

JorahDaario, l’amoureux malheureux / l’amant comblé, duo classique. A voir.

– C’est l’île de Skye ça non? Première fois en 51 épisodes qu’un décor naturel aussi aisément identifiable est filmé.

– Elle me gonfle Daenerys, en fait.

– Elle est longue cette séquence… Me gonflent les Dothraki, aussi.

– Yeaaaaaaaaaah Lady M.

– J’ai compris : Lady Melisandre va ressusciter Jon Snow par la seule puissance de sa nudité. Habile.

– L’intro de Let’s Go Away For A While / le but d’Iniesta en finale de la coupe du monde / la place du Pantheon à Rome / les seins de Carice Van Houten.

– Mmmmh… c’est quoi ce reflet bizarre dans le miroir?

– Hein????

– Nom de Dieu de bordel de merde.

Shining.

– Et elle se fout sous la couette, tranquilou.

Bon ben c’était super! Un épisode de reprise assez exemplaire, qui expose tous les enjeux, de tous les personnages principaux, de manière extrêmement méthodique, avec une grande logique (Chateaunoir, puis Sansa, puis Ramsay etc etc pour revenir à Chateaunoir en guise de conclusion) et un super sens du rythme. Exemplaire.
Ca m’a fait tout de drôle de ne pas pouvoir enquiller un 2ème épisode en suivant et l’attente qui naît sur le générique de fin rend évident que cette série est une putain de grande réussite sur cet aspect précis, essentiel : une fois achevé, on attend avec énormément d’impatience l’épisode de la semaine suivante. C’est l’essence même d’une série feuilletonnante et c’est ça qui est bon !