Bye-Bye

Ca devait bien finir par arriver à un moment ou un autre. Ça fait un moment que j’y pense en vérité, c’est une envie récurrente depuis… 2 ans je dirais. Nous y voilà donc : le dernier article de Grande remise.

J’aurais bien aimé atte(i)ndre la fin de l’année, pour accomplir un septennat dans son intégralité (mon côté République Française old school je suppose), pour faire un dernier bilan ciné/musique/kiki dur et mou mais non, tant pis. C’est le bon moment.
OK, pour être tout à fait honnête, je n’exclus pas de redonner exceptionnellement vie au blog à cette occasion là et seulement celle-là. Je verrai sur le moment. Mais pour le reste : c’est fini.

« Mais pourquoi ?! PUR-KEU-WAAAAAAA ?!?! » entends-je (?).

Parce que. Déjà.

Pour des raisons personnelles, que je ne dévoilerai donc pas ici.

Et parce que, de la même manière que j’avais plus ou moins arrêté de moi-même mon activité de pigiste dans la presse musicale, j’ai l’impression d’avoir un peu fait le tour de la question. Sentiment de lassitude, besoin d’ « autre chose »… Quoi exactement ? Je ne sais pas bien encore.

Bien sûr, je continue, et je continuerai, à m’enthousiasmer/m’offusquer pour tel ou tel film/série/album, à sourire ou m’émouvoir d’une conversation glanée dans la rue etc. Simplement, je ne ressens plus, ou en tout cas beaucoup moins, le besoin de partager ces enthousiasmes ou ces déceptions ici. Envie d’ « autre chose » encore une fois. D’un autre blog peut-être, avec un autre nom et une nouvelle orientation, de nouveaux thèmes abordés. De la fiction sans doute. Je ne sais pas.

Sans plus de cérémonial, et comme le dit Séb, l’un des héros du blog, « bye-bye » donc et à bientôt, ici, ailleurs, ou encore là-bas.

Bye-bye, et surtout merci à mes fidèles lecteurs, de plus en plus nombreux chaque année depuis le lancement de Grande remise fin 2012. Apprendre via l’interface de statistiques de WordPress, l’hébergeur du blog, que j’avais un ou des lecteurs réguliers en Pologne, au Japon, en Argentine, en Côte d’Ivoire, en Afrique du Sud, en Algérie (pour ne citer que quelques pays « exotiques » ou improbables) ou, pour citer l’exemple le plus récent, à Haïti, aura été une source constante d’étonnement, de joie toute bête et, je ne le cache pas, de fierté.
Merci à toutes et à tous, d’où que vous m’ayez lu et que vous lisiez ces quelques lignes.

On se quitte en musique, comme il se doit, avec le morceau qui a donné son nom au blog.

A vous les studios.

Laurent

En vrac

Dans ma rue : un mec se tient sur le perron de son immeuble, dans l’attente du livreur Uber Eats, ou autre. Je le sais car je vois ce dernier arriver, à vélo donc. Ils se checkent, « salut, ça va ? ouais tranquille » blablabla. Je me suis dit que soit ça lui faisait rien de se faire livrer sa bouffe par un pote, soit il se faisait livrer tellement souvent qu’il avait développé une certaine familiarité, voire même une familiarité certaine à ce niveau là, avec « son » livreur. Je me suis dit que quoi qu’il en soit, ce mec devait être un sacré connard.

 

Il est grand.
Il est blond.
Il a les cheveux longs.
Il est beau (lui).
Il joue de la guitare.
Il vient au bureau en skate.
Il donne du « yes », du « ouais gros » à tout le monde dès son 1er jour.
Le nouveau stagiaire, c’est Hansel.

 

 

Les filles : quand vous pourriez vous envelopper de la tête aux pieds dans le foulard que vous portez au cou, ça s’appelle plus un foulard mais un plaid.
Les garçons : quand vous avez fait tellement de revers au bas de votre chino/slim que vous avez obtenu un pantacourt, c’est que vous avez fait beaucoup trop de revers au bas de votre chino/slim.

 

Depuis plusieurs séances ciné, je me tape l’horrible bande-annonce d’Un homme pressé, le nouveau film de Fabrice Luchini. Et les gens rient, ce qui me désole. Mais ce qui m’attriste encore plus, me met en colère même, c’est que le cinéma français puisse encore produire un tel film (un grand patron insensible retrouve les vraies valeurs suite à un AVC). Quel cynisme, quelle paresse…
Le « gag » final de la bande-annonce symbolise le monde de 2018 à merveille, hélas: Luchini a donc fait un AVC, et se retrouve avec des difficultés de langage (je ne connais pas les termes techniques mais il est dyslexique, il utilise un mot pour un autre etc etc.). Dans cette fameuse scène, il est à la terrasse d’un café et commande « un thé… et un féca ». Le serveur noir marque une pause, un peu interloqué, puis croyant que Luchini utilise un terme de verlan, lui répond en souriant « OK frère ».

Ca, cette scène là en particulier, me paraît absolument ignoble dans sa volonté de créer l’illusion d’un rapprochement, mieux, d’une connivence entre le grand patron issu des beaux quartiers et le modeste serveur noir, issu des quartiers tout court. Illusion qui repose sur un malentendu (le serveur croit que Luchini parle en verlan alors que c’est sa dyslexie qui se manifeste), malentendu qui naît d’un accident (l’AVC de Luchini). MAIS NOM DE DIEU DE BORDEL DE MERDE, QUEL CYNISME.

Les belles gosses

Dans la rue, 2 jeunes filles, entre 13 et 15 ans je dirais, marchent devant moi:

– Non mais moi tu vois quand je dis « moche » c’est moche quoi mais c’est pas genre MOCHE tsé c’est juste quand j’aime pas quelqu’un genre j’la supporte pas, j’dis « elle est moche ». Y a « moche » et puis après y a « moche » mais vraiment LAIDE quoi
– Ouais mais trop c’est comme quand on dit « elle est con », y a genre « con » et puis carrément STUPIDE
– Mais trop mais chais pas mais elle, elle est moche quoi, chais pas comment dire tsé
-…
– Mais en vrai tsé je suis pas mieux qu’elle. Je dirais pas je suis moche mais je me sens genre pas bien quoi
– Non mais ça va, t’es pas…
– Non mais tsé non mais des fois c’est GRAVE quoi tsé je me suis rendu compte quand je parle avec quelqu’un mais genre quand on est super près, faut toujours que j’ai un truc devant moi pour cacher un peu ou chais pas genre je touche mes cheveux ou je regarde mon téléphone mais je me sens trop mais trop mal quoi genre hier avec Ingrid chais pas si t’as vu
– Mais t’as des problèmes d’anxiété des fois?
– Non mais chais pas des fois tu vois je me mets à réfléchir à des trucs et ça me prend trop la tête tu vois hihi je sais c’est débile mais je réfléchis mais TROP quoi c’est comme la fois ou je croyais j’étais bi mais genre j’arrêtais pas d’y penser! J’ai pensé « je suis bi » mais pendant 1 semaine quoi et puis en fait je me suis dit mais c’est trop bizarre quoi. Enfin chais pas t’imagines toi? Tu sors avec une fille enfin chais pas, j’ai pensé « je suis bi » et après je me disais nan mais en fait c’est trop trop bizarre quoi hihi
– Ouais enfin chais pas quand je suis sorti avec Alice ouais parce qu’en fait je suis sortie avec Alice chais plus si je t’ai dit ou pas
– Non tu m’avais pas dit…
– Chuis sortie avec Alice, c’était à l’anniversaire de Ghislain, chais pas c’était bizarre mais pas trop non plus, enfin je me suis pas dit « je suis bi » ou quoi, on est sorti ensemble, ça c’est fait quoi
-…
-…
-…
-…

Elles sont restées silencieuses sur une centaine de mètres puis nos chemins ont bifurqué.

Tous les matins 2

J’ai déménagé il y a un peu moins d’un an. Nouvel itinéraire (en partie), « nouveaux » horaires (je vis plus près du bureau mais comme je suis prêt à partir à la même heure, je fais mon trajet plus tôt), donc nouvelles personnes croisées sur le chemin:

Il y a les mamans qui accompagnent leur(s) enfant(s) à l’école qui se trouve juste à côté de chez moi. Les mamans car très (très) rarement les papas : école privée catholique qui m’a l’air bien gratinée. Quand elles ne sont pas à pied, c’est un défilé de Fiat 500, Austin Mini mais aussi de 4×4, pardon de SUVs comme on dit désormais, EXTRÊMEMENT UTILES en centre ville.

Il y a cette maman en particulier, qui galère avec son petit, la pauvre… Au début de l’année (scolaire, en septembre donc), il faisait sa toute première rentrée j’imagine car elle devait littéralement le traîner par la main sur le trottoir ou le porter alors qu’il se débattait, hurlant qu’il voulait pas y aller. Ca a duré super longtemps cette histoire. Mais maintenant il a pris la confiance, il pète le feu: il fonce à toutes berzingues sur son petit vélo à petites roues et elle doit lui courir après, essoufflée. C’est la seule maman « normale » que j’ai pu voir jusqu’à présent (pas super apprêtée, voire sentant encore la dormite) au milieu d’un contingent de bourgeoises toulousaines sans doute fraîches et dispos dès 7h du matin après leur cours de pilates.

Il y a ce type très mince toujours habillé en noir et souvent en polo manches courtes que je croise à différents endroits de mon trajet (parfois près du bureau, parfois dans ma rue) et j’ai toujours pas réussi à comprendre où il se rendait, quel pouvait bien être son boulot et ça m’énerve. Je vais finir par le suivre un jour.

Il y a le propriétaire du bar L’Autan, un des bars historiques de Toulouse, notamment pour la scène et le public punk. Il balade son chien, un énorme bouledogue anglais qui a du mal à se déplacer tellement il est énorme (probablement un peu âgé aussi). Lui est imposant, tatoué (y compris sur le visage et le crâne qu’il a évidemment entièrement rasé), renfrogné, un peu âgé aussi et ils forment à eux 2 le plus parfait exemple du cliché qui veut qu’un animal domestique et son propriétaire se ressemblent.

Il y a ce moment où je rentre dans le parc situé juste avant le bureau et que j’aime bien

Il y a ce type qui vient probablement de déposer son enfant à la crèche près du bureau (ou alors sa trottinette est beaucoup trop petite pour lui) et qui arbore toujours d’invraisemblables combinaisons de couleur. Je pense immédiatement et systématiquement aux Teletubbies en le voyant.

Il y a toujours cette femme d’âge moyen qui s’habille de manière légère quelle que soit la saison et dont j’ai déjà parlé dans mon premier billet. Aujourd’hui par exemple, je porte un polo, un pull, une veste et je regrette de pas avoir pris mon foulard. Elle marchait tranquilou en débardeur et nus-pieds.

Il y a ce petit mec avec qui je prenais souvent le métro et que je ne croisais plus depuis que j’ai arrêté de le prendre. Je le revois assez régulièrement maintenant. Je dis « petit mec » parce qu’il est vraiment très petit. Je sais que c’est con et condescendant mais les mecs vraiment très petits me font toujours un peu de peine. Lui avait l’air toujours triste de surcroît, même si j’ai bien conscience que ça n’avait sans doute rien à voir avec ça. D’ailleurs il n’était peut-être pas triste, c’était juste son expression visagale. Quoiqu’il en soit, ça faisait un bon moment que je l’avais pas recroisé: pour nos « retrouvailles », il menait un petit groupe de types en costume qui sortaient d’une banque. Il était transformé, à tel point que j’ai mis du temps à le reconnaître mais c’était bien lui : cheveux gominés et coiffés en arrière, beau costume, très sûr de lui cette fois, mais pas dans le bon sens du terme. Si ça se trouve c’est un connard en fait et Randy Newman a raison :

Il y a cette jeune fille qui porte tous les jours une robe plutôt courte, unie ou à imprimé. Tous les jours, été comme hiver. Un jour qu’elle marchait avec une amie, et alors que je l’imaginais volontiers en héroïne rohmerienne, je l’ai entendue parler droit des entreprises avec beaucoup d’entrain.

Il y a ce type à la gueule incroyable, taillée à la serpe, l’œil noir, entre ex-junkie, ex-SDF et ex-exécuteur de basses œuvres dans un pays de l’Est. Toujours vêtu comme un régisseur en charge d’événements et structures complexes (chaussures de randonnée hyper techniques, cargo pants aux nombreuses poches visiblement bien remplies, sac à dos j’ai-fait-le-K2-l’été-dernier) il a l’air super vif, super fit, et marche d’un pas nerveux. Il me fait un peu peur.

J’ACCUSE

Car je n’en puis mais :

– les gens qui, sur un trottoir, marchent à 2 à l’heure et parviennent, alors qu’ils sont parfois plus minces que toi, et donc souvent par le seul truchement de leur démarche, à le bloquer entièrement et à t’empêcher de les dépasser. Alors que t’es dans une situation de stress et de détresse totale, genre coup d’envoi imminent d’un match du Real en Ligue des Champions (c’est un exemple. Pris au hasard). Bonus je-m’arrête-sans-crier-gare-de-sorte-à-ce-que-tu-me-rentres-dedans-ou-que-tu-sois-contraint-de-faire-un-écart-de-gymnaste.

– les gens qui roulent à vélo sur les trottoirs.

– les gens qui roulent à vélo sur les trottoirs et qui te jettent un sale regard signifiant que c’est toi qui les dérange (peine de mort pour ceux là).

– les gens qui, pendant une séance de ciné, sont assis juste derrière ton siège et n’arrêtent pas de taper dedans, volontairement ou pas. Alors que t’es là, juste devant eux. Et qu’ils te voient très bien. Et qu’ils te pissent à la raie, donc.

– les gens qui, pendant une séance de ciné, ne prennent pas la peine de régler l’éclairage de leur écran de téléphone portable au plus bas.

– les gens qui, pendant une séance de ciné, ne prennent pas la peine de couper leur sonnerie.

– les gens qui, pendant une séance de ciné, répondent au téléphone ( = peine de mort).

C’en est trop

– les gens qui mettent l’intégralité de leur message dans l’objet du mail et t’envoient donc un mail vide. Mais comment vivent ces gens? Qu’auraient-ils fait durant l’Occupation? Je pose la question.

– les gens à qui tu fais découvrir un artiste, qui en ont rien à carrer et qui, X mois ou semaines plus tard, se ramènent la gueule enfarinée: « Oh tu connais chanteur-groupe-que-tu-lui-as-fait-découvrir ? C’est gééééééééééniaaaaaaaaaaal, je t’assure, tu devrais écouter ça ».

– les gens qui, dans une salle d’attente ou un lieu public, font profiter absolument tout le monde de leur conversation téléphonique mais te lancent un regard désapprobateur quand tu fais montre de la plus petite réaction à ce qu’ils viennent de dire à leur interlocuteur.

– les gens qui tapent la causette à l’employé.e de caisse du supermarché/du ciné/de-ce-que-tu-veux alors que 45 personnes attendent derrière eux, en vous remerkiaaaaaaaaaaant.

– les gens qui, à la boulangerie, demandent une baguette pas trop cuite/bien cuite (déjà faut être un peu déviant pour demander une baguette bien cuite. Sans doute les mêmes gens qui mangent des pains au raisin au petit-déjeuner ou qui se déplacent en trottinette MAIS PASSONS.) et qui, non-pas-celle-là-non-celle-à-gauche-là-voyons ?-ah-non-pardon-ça-va-pas-oui-celle-là-parfait. Peine de mort en cas de combo 1 seul.e employé.e/9 personnes derrière eux.

– les gens qui, de façon générale, en définitive, et très globalement, ne se plient pas à mes habitudes, desiderata et modes de fonctionnement.

– les gens.

Dans ma rue

(C’est « dans mon quartier » en réalité mais c’était pour reprendre le titre d’une chanson.)

J’ai déménagé il y a quelques mois. J’ai quitté un quartier plutôt populaire quoiqu’en forte voie de gentrification (enfin, comme partout), vivant, avec beaucoup de bars, restaurants, étudiants (le quartier Saint-Aubin) pour un quartier beaucoup plus tranquille, résidentiel et bourgeois (Les Chalets). Pour résumer ça en termes d’accessoires, je suis passé du djembé au trois rangs.

Historiquement, Les Chalets est le quartier de la Résistance à Toulouse: les noms de rues et plaques disséminées ici et là le rappellent encore aujourd’hui. C’est aussi un des quartiers qui a la plus préservé son esprit « village ». Cette singularité pour un quartier situé en plein centre-ville, et l’attachement de ses habitants à son égard est renforcé par le fait que les commerces bénéficient d’une certaine exclusivité: on trouve UN bar, UN restaurant, UNE supérette, UNE pharmacie, UN boulanger (quand j’en comptais 5 par exemple à maximum 200m de mon ancien domicile…).

Peu de commerces, beaucoup d’habitations = peu de monde dans les rues. Je croise quand même quelques personnes intéressantes :

Il y a Yoann Huget

Il joue au Stade Toulousain et en équipe de France (de rugby donc). Il est pas super grand ni super costaud (en même temps il joue arrière ou ailier) mais tu sens le mec bien tonique quand même. C’est pas Chabal mais t’as pas trop envie de le faire chier quoi. Il vit dans ma rue lui, à 2 ou 3 numéros de mon immeuble. Faut que je lui demande une photo un jour, ça fera plaisir à mon frère qui supporte le ST.

Il y a cette vieille dame qui se trimballe toujours 2-3 sacs à main bien remplis, je me demande ce qu’elle peut bien y fourrer. Un jour que je déjeunais avec une amie et son enfant à la boulangerie du quartier (la boulangerie fait aussi des salades, tartes, plat du jour le midi), elle a engagé la conversation au sujet du petit, « et comme il est mignon, et comme il est bien élevé » etc etc. Elle a insisté pour lui offrir le gâteau de son choix au dessert, j’ai trouvé ça incroyablement généreux. J’y repense à chaque fois que je la croise.

Il y a Clément Poitrenaud

Ancien joueur du Stade Toulousain et de l’équipe de France (de rugby aussi). Beau mec : il a gardé la ligne et avec les années, ses traits adolescents se sont un peu estompés, il a gagné en masculinité si je puis dire. Je crois qu’il « fait de la photo » maintenant. Comme c’est original.

Il y a ce grand type toujours tiré à 4 épingles que je croisais parfois dans le quartier où je travaille ou ailleurs en ville. Il a les cheveux très longs, très bien peignés (toujours lâchés), un style vaguement sartorial, il ne passe pas inaperçu avec sa taille et sa démarche caractéristiques (il fait de très grands pas). J’ai été bêtement et inexplicablement content de découvrir qu’il habitait dans ma rue. Et tout aussi bêtement et inexplicablement déçu quand je l’ai croisé il y a quelques semaines: il s’était fait couper les cheveux.

Il y a ces 2 soeurs (jumelles?) un peu hirsutes et au physique un peu ingrat qui me font penser aux 2 soeurs un peu hirsutes et au physique un peu ingrat de Marge Simpson (elles ont quand même l’air un peu plus aimable).

Il y a Jean-Pierre Mader

A la terrasse du bar du quartier

Oui, LE Jean-Pierre Mader. La soixantaine fringante, il est plutôt beau mec. Un jour, à la terrasse du restaurant du quartier, il déjeunait avec le type de Cookie Dingler qui lui disait, très sérieux: « Sabrina, c’est Sabrina« . Lui aussi faut que je lui demande une photo un jour.

Il y a un jeune type toujours à la terrasse du café du quartier (parenthèse: un des plus vieux cafés de Toulouse, une institution). Les premières fois que je le croisais, il était très propre sur lui, cheveux courts, tiré à quatre épingles etc. Et quelques mois plus tard, la métamorphose: les cheveux longs, grisonnants, parfois retenus dans un catogan filasse, un vieux manteau fatigué sur le dos, des chaussures pourraves etc. Il est pas en voie de clochardisation (enfin, je pense et l’espère en tout cas pour lui), il a davantage une allure d’intellectuel/littéreux de l’extrême, qui écrirait ou chercherait l’inspiration au café. Il en est pas à boire de l’absinthe ceci dit, il a toujours une tasse de café devant lui et il vapote. Je le vois en terrasse A CHAQUE FOIS que je passe devant, c’est à dire quasiment tous les jours, été comme hiver, matin, midi ou soir.

Il y a un Chevalier du Fiel

Eric Carrière de son nom. La soixantaine moins fringante lui. En plus il s’habille comme un ado, avec des slims et des t-shirts hyper échancrés en été, il est un peu ridicule. Un jour que je marchais une dizaine de mètres derrière lui, j’ai entendu ce qu’a dit un mec à sa copine juste après qu’il est passé devant eux: « si si je t’assure, je sais plus lequel des 2 c’est mais c’est Chevallier ou Laspalès, l’un ou l’autre ». Faut pas que je lui demande une photo à lui.

Il y a les employées de la boulangerie (que j’adore. La boulangerie. Le pain, les viennoiseries, les tartes, les gâteaux, les sandwiches même, j’aime tout là bas): le boulanger, qui a une bonne tête de boulanger qui aime son métier malgré l’épuisement, les traits tirés et les épaules voûtées; les vendeuses, que ça soit la cagole toulousaine (« quatrevingdjicengtchimes sivouplaieu ») ou la entre-deux-âges (elle pourrait tout aussi bien avoir 32 ans que 46), efficace, toujours aimable sans obséquiosité, pro.
Et puis il y a la petite nouvelle : boulotte, lunettes rondes, incroyablement molle, elle me fait penser à Christophe Bourseiller dans Un éléphant ça trompe énormément. Elle a évidemment et immédiatement gagné toute ma sympathie.

Le râteau

Au cinéma, avant le début de la séance, un couple juste derrière moi:

Thor, le dernier, c’est pas du grand cinéma mais dans une grande salle comme la grande salle à côté là, c’est terrible…
– Ah tu vois, un film que j’attends pour l’an prochain c’est Jurassic Park.
– …
– Oui le nouveau là, ils en refont un, ça a l’air super.
– J’en ai pas entendu parler du tout.
– Ah mais si on a vu l’affiche dans le hall en arrivant !
Jumanji, pas Jurassic Park.
– Ah oui voilà, Jumanji Park !
Jumanji.
– Ca aussi, les Jumanji Park, c’est du grand cinéma…
– …
– Oh en plus j’imagine qu’ils vont faire un hommage à l’acteur décédé là, Robbie Williams.
Ro-BIN Williams.
– Grand acteur, grand acteur…
– …
– Et les enfants du film, ils sont devenus célèbres non ?
– Oui, le gamin je sais pas mais la petite c’est Kirsten Dunst.
– Ah oui voilà, Christine Dust.
Kirsten… Bon, ils sont à la bourre non? Ils avaient dit 20h30.

Vu leur façon de se comporter et de se parler, ça m’avait tout l’air d’un premier rencard Tinder ou Meetic. Et je pense également pouvoir affirmer qu’y en aura pas un deuxième.

L’inégalité sudoripare

J’arrive à la boulangerie, il fait hyper lourd, je suis en nage et pourtant je viens pas de courir un semi-marathon, j’ai fait 10 minutes de vélo pour arriver jusque là ok mais bon, c’est tout plat, je sors du bureau et on a la clim, un peu trop même à mon goût, je dois mettre un pull ou un gilet parfois mais putain il fait super lourd aujourd’hui, je sens bien que mon polo est imprégné de ma sueur, mon front est trempe et là devant moi, ce mec que je croise de temps en temps, il bosse et vit dans le quartier si j’ai bien compris et il est là, impeccable, le petit chino nickel, la chemise seersucker impeccable, la chevelure soyeuse, on dirait qu’il vient de les shampouiner putain, et pourtant il est comme moi, il sort du bureau, il a fait sa journée, je le vois bien, il a ouvert son attaché case devant moi, y a plein de dossiers à l’intérieur et putain, IL SENT BON LE MEC, je te jure c’est pas possible, il sent bon alors qu’on est à la boulangerie, il fait chaud, y a cette odeur de pain et cette chaleur caractéristique des boulangeries mais non, c’est son odeur à lui que je sens, il sent bon, c’est indéniable, il sent le propre, comme s’il sortait de la douche et qu’il venait de prendre des vêtements dans la pile de linge propre alors que moi je suis là, je me sens poisseux, dégueulasse dans mes vêtements pourtant du matin tu vois, je suis tout rouge et tout essoufflé et je comprends pas comment c’est possible qu’il sente bon alors que j’ai qu’une envie c’est de courir chez moi me débarrasser des 2 litres de sueur que mon organisme est en train d’évacuer en temps réel. Je hais l’été mon corps, parfois.

20 euros

Au Carrefour express, devant moi, une femme entre deux âges tenant 2 paniers remplis à ras bord de provisions. Lorsque son tour arrive, elle les pose devant la caissière :

– J’ai que 20 euros, vous pourriez prendre de quoi arriver jusqu’à 20 euros s’il vous plaît ?
– Euh… Oui… Euh… OK, je peux essayer mais je sais pas ce dont vous avez besoin moi.
– Non mais c’est pas grave, j’ai que 20 euros, prenez juste pour 20 euros, n’importe quoi. Mais il faut que ça fasse 20 euros !
– OK…

2 paniers pleins à ras bord donc. Ca va des steaks surgelés aux biscuits apéritifs en passant par l’huile d’olive, les serviettes hygiéniques, les bananes, haricots verts, nettoyant javel, ampoules etc.
La caissière s’efforce de faire passer un maximum d’articles : lorsque l’un d’eux se révèle trop onéreux (l’huile d’olive par exemple), elle l’annule et en fait passer un autre. Elle les sélectionne selon leur nature en plus, mélange l’alimentaire et les produits ménagers. Patiente la nana. Patients nous aussi dans la file d’attente qui s’allonge car tout ça prend quand même un certain temps. La caissière finit par annoncer avec une pointe de fierté bien légitime :

– 20 euros 10 !
– Ah oui mais moi j’ai que 20 euros, je vous avais dit qu’il fallait que ça fasse 20 euros.

Elle tend un billet de 20 euros.

– Oui mais c’est compliqué de tomber tout pile quand même…
– Rhalala mais comment on fait alors, j’ai que 20 euros moi j’ai rien d’autre.

Elle tient toujours son PUTAIN DE BILLET DE 20 EUROS à bout de bras.

– Je vais pas tout recommencer Madame, il commence à y avoir du monde là en plus…
– Mais oui mais j’ai que 20 euros moi.

Là j’explose presque :

– Tenez, voilà les 10 centimes, on va pas y passer la journée non plus.

C’est la caissière qui me remercie, soulagée. La bonne femme dit rien, elle a l’air un poil perchée en fait. Mais surtout très conne, je crois.
J’en pouvais plus : j’aurais pas eu les 10 centimes, je crois que je lui fracassais la bouteille d’huile d’olive sur le crâne.

Mon rêve 5

Cette nuit, j’ai fait passer un genre d’entretien d’embauche aux candidats à l’élection présidentielle. Tcharrément.

Ca se passait dans un immense bâtiment très officiel. Genre cossu et qui impose le respect (colonnes, fenêtres XXL, 54m de hauteur sous plafond) mais austère. Soviétique.

On était plusieurs à le faire passer cet entretien, dont 2 de mes sœurs (j’en ai 3), autour d’une immense table très impressionnante et protocolaire là aussi. Les autres personnes n’étaient pas identifiées/ables. Y avait clairement un côté comité de salut public voire tribunal révolutionnaire : ça rigolait pas beaucoup.

Je sais que tous les candidats sont passés devant nous mais le fragment du rêve dont je me souviens le plus clairement était centré sur Fillon.

Don Draper

Il était assis de l’autre côté de la table, avec quelques uns de ses sbires (non identifiés itou).
Dès qu’il arrive, je suis comme une balle, je lui rentre violemment dans le lard. Un remake de l’intervention de Christine Angot. Et là, pire encore que face à elle, Fillon se démonte pas : non seulement il répond mais il contre-attaque et se montre rapidement très condescendant voire méprisant comme il sait l’être. Il fait le malin, il porte beau (j’aime bien cette expression) et arbore son insupportable petit sourire en coin de pseudo nobliau sûr de son bon droit quand il s’agit de te la mettre bien profond. A tel point que je réalise soudain qu’il a changé de place : il est plus de l’autre côté de la table avec les personnes de son équipe, il préside l’assemblée, seul. Il a tombé la veste, défait un peu sa cravate, limite les pieds sur la table le mec, tranquille.

Là c’est trop pour moi, je me lève avec la ferme intention de le remettre à sa place (dans les 2 sens). Il se lève aussi le bougre, si bien qu’on se retrouve face à face, limite front contre front, c’est ridicule. Et là on a ce bref échange qui entre directement dans mon top 5 des interventions-qui-ont-bien-rabattu-son-caquet-à-mon-interlocuteur-(dans ma tête) :

– M. Fillon, veuillez retourner à votre place je vous prie, ce n’est pas vous qui dirigez les débats ici.
– Je… euh… oui, je… je vous prie de bien vouloir m’excuser.

Il est donc retourné s’asseoir à sa place et on l’a plus entendu. Je crois qu’il a pas eu le poste au final.