Master of None – saison 2 – critique

Quelques mots sur une série récente, ça faisait longtemps. Pas la meilleure (Better Call Saul ? Je sais pas, on s’en fout évidemment mais putain, qu’est ce que c’est bien…), pas la plus attendue (Twin Peaks nom de Dieu !!!) mais un petit bonbon humble, attachant et moins anecdotique qu’il n’y paraît.

Master of None donc, qui narre les atermoiements, vicissitudes et aventures sentimentalo-professionnelles de son héros et créateur, Aziz Ansari. Stand up comedian comme on dit là-bas (ici on dit « stand-upper » apparemment et oui, c’est complètement con parce qu’un « stand-upper » pour les anglophones, c’est quelqu’un qui se tient simplement debout, par exemple dans un stade), il est devenu célèbre grâce à son rôle de Tom dans Parks and Recreation. Master of None est sa création (et celle de son pote Alan Yang), il l’a écrite, la produit, il l’interpréte, réalise des épisodes parfois, il y a mis beaucoup de sa propre histoire et de ses propres expériences. Il s’y prénomme Dev mais il fait jouer leurs rôles par ses propres parents, tu vois le genre.


Trentenaire, d’origine indienne, il fait donc partie d’une minorité et le point de départ de la série s’est d’essayer de retranscrire ce que cela signifie d’être d’origine indienne donc, mais aussi coréenne (comme Alan Yang, co-créateur de la série), afro-américaine ou encore d’être lesbienne dans le New-York de 2017. Racisme plus ou moins soft, stigmatisation routinière, doutes et questionnements personnels etc. En corollaire, on évoque régulièrement le poids des origines, de la tradition et on s’attarde sur la vie et la place de la génération des parents, voire des grands-parents, avec beaucoup de justesse et de pudeur.


Voir à ce titre le superbe épisode consacré à la pratique religieuse : les parents de Dev sont musulmans pratiquants, pas lui. Lorsque des membres de la famille, fervents pratiquants eux, leur rendent visite pendant quelques jours, les parents surjouent leur foi et encouragent Dev à faire de même, à mentir donc jusqu’à ce que… Je n’en dirai pas plus pour ne pas spoiler mais la façon dont la série traite cette question, universelle, de ce qu’on choisit de dire à nos parents, et de ce que eux savent réellement de nous, me paraît remarquable et très émouvante.

Voir aussi ce très bel épisode qui déroule en plusieurs séquences (plusieurs repas de Thanksgiving) l’évolution du coming-out de la meilleure amie Noire et lesbienne de Dev auprès de sa mère (interprétée par la toujours très belle Angela Bassett). Très sensible là aussi.


Ca c’est l’aspect sociologisant si on peut dire, de Master of None.
La série me paraît également intéressante en ce qu’elle est, plus que n’importe quelle autre il me semble, une série de 2017 (bon, je regarde pas TOUTES les séries, loin de là, pour me permettre de dire ça, j’en regarde même de moins en moins car je sélectionne de plus en plus mais je me renseigne un peu quand même et je sais à peu près ce qui se passe. Enfin, je crois). Sans être véritablement estampillée « millenial » ou « génération Y », Master of None est la série Buzzfeed, Twitter, Instagram, Tinder, Air Bnb, smartphone par excellence : pas de placement ou de name dropping forcené non mais une « intégration » naturelle aux intrigues, à l’univers de chacun des personnages. En 2017, les réseaux sociaux, quels qu’ils soient, les applis de rencontre, quelles qu’elles soient, les smartphones comme extension de notre main, les spoilers, ça n’est plus un sujet en soi, ça n’est pas un élément sur lequel il est nécessaire de s’attarder, c’est simplement acquis, ça fait partie de notre vie, c’est la norme et ça, Master of None l’a compris mieux que quiconque je trouve.

L’arc narratif principal (la love life de Dev, ici tombé en amour pour une ravissante italienne déjà fiancée) mélange brillamment et avec humour ces 2 aspects (3 en réalité : la place des minorités, l’héritage familial, la modernité). C’était déjà le cas au cours de la saison 1 mais c’était fait de manière un peu plus artificielle, moins naturelle. On sent cette fois que la série n’a pas besoin de forcer les choses puisqu’évidemment les bases ont déjà été posées.


Ca lui permet également une plus grande liberté sur la forme : les épisodes (il y en a 10) tournent en général autour de la demie-heure mais l’un d’eux ne dure que 20 minutes, un autre 1 heure (et ça n’est pas le dernier de la saison, contrairement à une pratique répandue qui veut que les 1ers et derniers épisodes soient plus longs que les autres). Y a pas de règles. Master of None tente même des passages un peu audacieux (celui avec les sourds-muets ou la fin d’épisode qui filme en temps réel le trajet de retour chez lui en taxi de Dev sur un morceau de Soft Cell) et se permet un épisode complet, le joli I love New York, qui sort du cadre général et dans lequel les personnages principaux ne font que de la figuration.

Cette même liberté, ce naturel, se retrouvent enfin dans la bande originale, absolument géniale, à la fois populaire et exigeante, constamment surprenante, qui, à l’image des playlists ouvertes à tous les vents actuelles, peut caser des standards italiens des années 60, un titre de D’Angelo, un autre des Walker Brothers puis des Digable Planets, le plus naturellement du monde.

A noter aussi que dans le rôle du nouveau-second-rôle-qui-apporte-un-vent-de-nouveauté-sur-la-série, on a droit à l’excellent Bobby Cannavale et à sa faconde scorcesienne.

Enfin, même si on la voit déjà au-dessus, je ne peux décemment pas ne pas abattre comme argument définitif, tout à fait objectif, inattaquable et intellectuellement supérieur, que la ravissante italienne qui transperce le coeur de Dev, et qui répond au prénom de Francesca (interprétée par Alessandra Mastronardi) c’est elle:

Si tu vois ce que je veux dire.

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