Jean a quitté sa famille et sa Bourgogne natale il y a dix ans pour faire le tour du monde. En apprenant la mort imminente de son père, il revient dans la terre de son enfance. Il retrouve sa sœur, Juliette, et son frère, Jérémie. Leur père meurt juste avant le début des vendanges. En l’espace d’un an, au rythme des saisons qui s’enchaînent, ces 3 jeunes adultes vont retrouver ou réinventer leur fraternité, s’épanouissant et mûrissant en même temps que le vin qu’ils fabriquent.(Allociné)
Motivé par une première expérience concluante pour l’avant-première de Marie-Francine, le nouveau film de Valérie Lemercier, je me suis donc rendu à celle de Ce qui nous lie, le nouveau film de Cédric Klapisch. Un cinéaste pour lequel j’ai une estime toute relative : hormis Le péril jeune, pour lequel je garde une affection et une tendresse intactes, et, à un degré moindre, le sympathique Riens du tout, je n’aime aucun de ses films. Pour rester poli.
L’AP avait lieu dans la même salle et, grosse surprise, beaucoup plus de monde : Klapisch fait donc davantage recette que Lemercier. Ca me troue un peu le cul pour être honnête. Beaucoup plus de jeunes adultes aussi, le public de Lemercier était nettement plus âgé : sans doute des fans de L’Auberge espagnole qui ont découvert le film et son réalisateur adolescents ou jeunes étudiants.
Bon, le film. Horrible, ou pas loin. Je veux bien accorder un truc à Klapisch : c’est un excellent directeur d’acteurs, doublé d’un dialoguiste parfois brillant. Les 2 ensemble, ça donne quelques scènes au naturel confondant, et qui font mouche. Pio Marmaï prend ainsi avantageusement le relais de Romain Duris, comédien fétiche de Klapisch (trop vieux pour le rôle), Ana Girardot et François Civil sont également très bons. Mais le reste bordel…
Comme il l’expliquera lui-même par la suite, il voulait rompre avec sa routine, quitter la ville. Mais tel ces neo-ruraux qui cherchent coûte que coûte à retrouver le parfum et leurs réflexes citadins une fois installés à la campagne, Klapisch greffe ses tics de cinéaste urbain sur un cadre viticole : jump cuts de merde, time lapses de merde, pseudo-trip hop de merde pour la bo. Il en résulte un genre de pub Herta 2.0, dans laquelle le pinot se substituerait au jambon.
C’est l’aspect le plus désagréable du film : sous des atours généreux, altruistes, sympathiques, Ce qui nous lie loue en réalité les valeurs éternelles de la terre, du patrimoine, du labeur patient, de la famille. Et qué s’appellério Klapisch s’y révèle en Valls ou Cazeneuve du cinéma français, des types qui se disent de gauche mais tendent méchamment vers le centre, voire plus. A base d’aphorismes tiédasses du type « L’amour c’est comme le vin, ça demande du temps » ou « C’est au moment où la terre nous appartient qu’on réalise qu’en fait, c’est nous qui lui appartenons » (c’est réellement ce que dit le personnage de Jean, interprété par Pio Marmaï). Il aurait pu ajouter que « tant va la cruche à l’eau qu’à la fin, elle se casse », on y aurait vu que du feu.
Et le pire c’est qu’il a réussi à me faire monter les larmes à un moment ce con : les histoires de relation père-fils contrariées (Marmaï a quitté le domaine familial pendant 10 ans et revient à la demande de son père sur son lit d’hôpital), les histoires de fratrie compliquées, ça me touche toujours beaucoup. Mais purée, les gros sabots… Jusqu’à l’impardonnable, LE truc démago et putassier par excellence : le coup du personnage adulte qui dialogue avec son personnage enfant. Frisson de la honte. Là c’est carrément du Marc Lévy ou du Guillaume Musso (je crois d’ailleurs que c’est le pitch de l’un de ses romans).
Allez j’arrête là : Klapisch et ses réflexes de clippeur des années 90 à la campagne, c’est un gros beurk.
Le réalisateur était donc présent à l’issue de la projection pour répondre aux questions du public.

Public évidemment très enthousiaste : un film bon comme le bon pain, pétri de bons sentiments et de bon mobilier en chêne massif, ça marche toujours. Contrairement à l’avant-première du film de Lemercier, aucune question ou intervention embarrassante, au contraire : des réflexions pertinentes, sur les personnages, le scenario, la mise en scène. Et un Cédric Klapisch conforme à l’image qu’on se fait de lui : un type foncièrement sympathique qui répond avec précision et exhaustivité, s’explique en détail sur sa démarche et ses intentions. Un peu un robinet d’eau tiède à l’image de son film mais ça serait faire preuve de malhonnêteté que de ne pas lui accorder sincérité et générosité.