J’ai raté quelques films qui, d’après ce que j’en ai lu, avaient tout pour figurer dans mon best of (Toni Erdmann, Nocturama, Le fils de Joseph notamment) mais c’est comme ça. En l’état, il s’agit sans doute de la meilleure année ciné depuis que je fais ce type de bilans. Le seul truc qui me manque, c’est une vraie bonne comédie américaine : ça fait 2-3 ans que la galaxie Apatow se repose un peu sur ses lauriers je trouve (j’ai beaucoup aimé Sausage Party mais je la mettrai pas au même niveau que Supergrave, 40 ans, toujours puceau ou 22 Jump Street pour citer un film plus récent).
Avant le top 10, les films que je retiendrai, dans le désordre:
Carol
Un des films les plus plébiscités de l’année, et c’est mérité mais… C’est un peu exagéré je trouve. Oui, c’est beau, c’est fort, c’est excellemment interprété et mis en scène mais je trouve que Todd Haynes a déjà réalisé le même film, en mieux, avec Loin du paradis. Mais c’est évidemment un beau et bon film, assez irréprochable sur la forme autant que sur le fond.
La Tour 2 contrôle infernale
Ca fait plaisir de retrouver Eric et Ramzy ensemble déjà, et en mode débilos, pour une suite largement à la hauteur du premier volet. Mais ce qu’on retient de ce film, c’est évidemment Philippe Katerine dans le rôle du bad guy de service, à la tête des Moustachious : on sait qu’il est très bon comédien, mais jusque là, c’était des films qui lui correspondaient, cohérents avec son univers (Gaz de France par exemple cette année). Là c’est un registre très différent, et il crève littéralement l’écran.
La folle histoire de Max et Léon
Ca a les défauts de ses qualités comme on dit (trop, trop vite, en gros), c’est l’archétype du film de keumiques de télé qui alignent des gags/scènes plutôt que de construire un vrai film et qui invitent tous leurs potes keumiques à la fête (Thomas VDB, Jonathan Cohen, Kyan Kojandhi, Mr Poulpe etc etc) mais ça a aussi les qualités de ses défauts : c’est généreux et ça va vite, ce qui signifie qu’un bon gag succède immédiatement à un mauvais, annulant de facto ce dernier. Et les bons gags sont parfois très bons (ok, les mauvais aussi). C’est, pour conclure, un film qui réclame de l’indulgence et qui l’obtient sans forcer tant il crée enthousiasme et sympathie.
L’économie du couple
A partir de tous les ingrédients utilisés par les keumiques de tout poils (dont les 2 gars ci-dessus) pour leurs parodies de film français (le couple bourgeois, les longues scènes de dialogues, les engueulades, la morosité etc.), Joachim Lafosse fait de L’économie du couple un film (français) modèle, beau, âpre et humain, fuyant tout manichéisme. Les 2 acteurs principaux sont géniaux mais je saluerai évidemment la performance de Cédric Khan, aussi animal et naturel devant que derrière la caméra. Aussi incroyable que ça puisse paraître, il joue également dans l’horrible Un homme à la hauteur, et il en est le seul point positif, de très loin.
Bon, évidemment, quand on voit ces 2 photogrammes tirés de 2 scènes différentes…
L’avenir
Un peu à l’image de L’économie du couple, ça pourrait être une caricature de film français, ou en tout cas, ça pourrait prêter le flanc à la caricature mais c’est fin, sensible, dur aussi par moments, en tout cas très réussi. Et l’air de rien, tout comme le film de Lafosse, c’est assez original car si on considère la séparation du couple comme LE sujet du cinéma d’auteur français (ex-aequo avec la naissance du couple), je ne l’avais jamais vu traité sous ces 2 angles respectifs (concret, pragmatique et prosaïque dans l’Economie du couple, vécu par un couple de seniors ici).

Spotlight

Marie et les Naufragés
Chouette film, moins ouvertement en prise avec une certaine réalité que 2 automnes, 3 hivers (celle des trentenaires parisiens branchés, pour faire court), moins corseté sans doute, plus libre, plus léger aussi, et qui parvient à prendre le large au sens propre comme figuré. Un regret cependant, que Sébastien Tellier n’ait pas accepté de jouer le rôle qui lui était destiné : André Wilms est excellent mais ce rôle, c’est tellement Tellier qu’on ne peut pas se défaire de cette idée, d’autant qu’il signe l’excellente musique du film. Et une réflexion : même en étant un acteur pitoyable, Eric Cantona possède une présence incroyable. Et il est bon, finalement.

Ave, Cesar !
Un Coen mineur, certes, une petite récréation après le chef d’œuvre Inside Llewyn Davis, mais si y a bien un truc qu’on peut pas leur enlever, c’est leur amour de l’âge d’or d’Hollywood, et leur talent pour le recréer. OK, ça fait 2 choses qu’on peut pas leur enlever. Et même 3 : quand ils décident de s’amuser, ils le font avec un enthousiasme et une légèreté communicatives et communiquées à la fois à l’ensemble de leur casting (Clooney, Brolin et Tatum, pour ne citer qu’eux, s’amusent comme des petits fous, ça paraît évident) et aux spectateurs. Ca fait déjà pas mal de choses qu’on peut pas leur enlever non ? Les Coen sont grands, même quand ils font un petit film, je ne le dirai jamais assez.

Captain Fantastic
C’est un joli film là encore, à la fois naïf et plus subtil qu’il n’y parait (en ce sens, il est l’opposé du cynique et médiocre Little Miss Sunshine dont on est tenté de le rapprocher), qui, au-delà de la touchante intrigue familiale, dit avec conviction et sincérité des choses dont on a pris l’habitude de se moquer ou au mieux, de constater avec résignation. En corollaire à ce discours radical pour un film américain, Captain Fantastic montre sur la forme et au détour d’un plan ou d’une séquence fugace comment ce pays est passé, en un clin d’œil lui aussi, de paradis sur terre à enfer aseptisé.
Frantz
Le film était vendu, sa bande-annonce le vendait ainsi en tout cas, comme un film sur le mensonge, la manipulation, la tromperie. Ca n’est pas entièrement faux mais c’est très réducteur : c’est avant tout un film sur le deuil et le retour à la vie, et comme souvent dans ces cas-là (Sous le sable, Ricky, Une nouvelle amie pour ne citer qu’eux), Ozon vise juste. Ca n’est pas du tout un film de petit malin en tout cas, au contraire : c’est à la fois simple, beau et touchant, je ne sais pas quoi dire de plus.
Zootopie
La critique a mis des années, si c’est pas des décennies, à prendre au sérieux l’animation des grands studios mais c’est Pixar qui a décroché le jackpot : tout ce qui sort de chez eux est désormais labellisé « auteur », décrypté avec la plus grande rigueur, topé dans les bilans de fin d’année les plus exigeants et même sélectionné à Cannes. Y compris quand c’est super moyenasse (le très sur-estimé Vice-Versa), ou qu’ils se contentent de recycler leurs plus belles réussites (Monstres Academy, le très paresseux Monde de Dory cette année). Mais Ceux Qui Savent savent que les derniers DA les plus marquants, audacieux et intelligents sortent de chez Disney (Raiponce, La reine des neiges). Zootopie va encore plus loin : en revenant aux basiques (des animaux qui parlent et se comportent comme des humains), en remontant même jusqu’au moralisme de La Fontaine, Zootopie est le film le plus anti-raciste, anti-sexiste, anti-essentialiste de l’année. Y a même un personnage quasi-ouvertement gay (le léopard de l’accueil du commissariat) ! Dans un Disney bordel ! Avec en prime une inventivité visuelle folle, un rythme effréné, un humour irrésistible. J’ai pas fait de classement pour cette liste mais celui-ci frôle le top 10.