Je sais plus à propos de que album/artiste je disais que l’ère de l’Internet avait permis d’innombrables exhumations et réhabilitations, laissant de moins en moins de poches de confidentialité : les Sneetches en font partie. Il faut croire que la pure pop, celle en droite ligne des plus grand orfèvres de la seconde moitié des années 60 (les Zombies, The Left Banke, que le groupe a d’ailleurs tous 2 repris avec brio sinon génie), est condamnée à rester l’apanage de quelques esthètes monomaniaques.
Les Sneetches sont donc un groupe culte, un vrai, à savoir confidentiel et objet de dévotion de la part de ses fans. Sometimes That’s All We Have est leur premier et meilleur album, sans conteste, même si tout ce qu’il ont enregistré est, au minimum, bon. L’écouter c’est l’adopter, je ne sais pas dire mieux : un classique pop immédiat, dans la lignée de ses glorieuses influences donc, mais qui a su coller à son époque (la fin des années 80) via une subtile patine Paisley Underground (ce mouvement de retour aux années 60 ayant pris place en Californie durant les années 80), power pop et new wave.
Un disque de chevet en ce qui me concerne, qui synthétise parfaitement tout ce que j’aime, et un probable album top 10 si je devais me plier à l’exercice. Idem pour la chanson-titre, un de mes morceaux favoris de tous les temps.
Je conseille également tout particulièrement la compilation 1985-1991, qui réunit leur premier EP, Lights Out with the Sneetches! plus quelques inédits et reprises (les Raspberries, le Monochrome Set, si c’est pas la classe absolue ça).
Alors que je n’écoutais pratiquement plus que ça, depuis 3-4 ans j’ai quasiment là aussi laissé tomber l’americana, pour faire court (tout ce qui est folk ou country, alt-country, passé ou contemporain), au profit d’un recentrage pop et continental (France et Angleterre pour faire court là aussi). L’impression sans doute très présomptueuse d’avoir un peu fait le tour de la chose (pour ce qui est des contemporains en tout cas) mais le sentiment aussi que l’argument de l’authenticité ne tient pas vraiment sachant qu’il y a autant d’artificialité dans la musique de Hiss Golden Messenger que dans celle de Franz Ferdinand (pour prendre 2 exemples totalement au hasard). Bref.
Dans le rôle de l’exception qui confirme la règle, Bill Callahan. Il est devenu pour moi un genre d’icône américaine absolue, une sorte d’équivalent underground à Johnny Cash ou Clint Eastwood. Un type qui impose sa présence quand il débarque, dans une pièce ou entre tes 2 oreilles. Il devient de plus en plus beau en vieillissant en plus, ça ajoute une couche supplémentaire à son charisme de dingue.
Cet album est selon moi son chef d’œuvre, clôturant à la fois la vie de Smog et amorçant celle qui le voit se produire sous son nom. Ce disque aurait d’ailleurs dû être signé « Bill Callahan » mais il n’a pas pu l’être pour des raisons contractuelles (il devait encore un album sous le nom de Smog).
Toujours est-il qu’à ce moment-là, Bill Callahan n’est pas seulement désireux de donner un nouveau souffle à sa carrière, il change également de vie. Il quitte la grisaille de Chicago pour la douceur d’Austin au Texas et découvre par la même occasion qu’au-delà des limites de la ville, il n’y a pas encore la ville mais la nature, les arbres, les animaux, les rivières (ces dernières forment une métaphore centrale, essentielle sur bon nombre de ses chansons à partir de cet album). Ca s’entend très nettement, l’atmosphère générale est plus chaude qu’auparavant. C’est aussi le moment où il entame une idylle avec Joanna Newsom : elle constituera le cœur de son premier album sous le nom de Bill Callahan (Woke on a whale heart) mais ça s’entend déjà ici. En somme, le misanthrope désabusé de toujours commence à s’ouvrir au monde en même temps qu’à l’amour : quand on a le talent pour retranscrire ce bouleversement et ce nouvel état d’esprit, ça donne un album de ce calibre, un chef d’oeuvre encore une fois.
J’ai découvert ce disque en 1989, à 16 ans. J’écoutais déjà pas mal de musique : du classic rock comme on pourrait dire aujourd’hui (les Stones, Pink Floyd etc). J’étais surtout un énorme fan de U2. Bon.
En 89 donc, je suis entré en 1ère littéraire dans un internat (1ère A2 comme on disait à l’époque : lettres et langues). C’était un tout petit lycée du Pays Basque profond, on était pas nombreux, l’ambiance était très familiale. On a rapidement créé des liens forts : je me suis notamment lié d’amitié avec une fille très extravertie, du genre qu’on qualifiait à l’époque d’ « un peu fofolle » (j’ignore si on dit ça encore aujourd’hui de ce type de personnes). Très vite et très logiquement là aussi on s’est mis à partager nos goûts musicaux (« t’écoutes quoi comme musique ? ») : elle connaissait déjà par cœur tout ce que j’écoutais, je connaissais parfois à peine ce qu’elle aimait (Cure, ok, c’était le générique des Enfants du rock, mais XTC, Chameleons, Lloyd Cole etc, j’en avais tout bonnement jamais entendu parler).
Pour m’initier, elle m’a fait une K7 d’un de ses groupes préférés, les Smiths. Face A, Rank, l’album live posthume, face B, Strangeways, here we come, le dernier album. Je mis beaucoup de temps à entrer dedans : c’était du rock sans en être, ça ressemblait pas du tout à ce que j’avais l’habitude d’écouter. Je savais vaguement que ça appartenait à un genre précis (l’indie pop) et qu’il y avait même un magazine français dédié. Je ne comprenais pas bien. Et puis cette voix…
En fait le déclic eut lieu avec une autre K7 achetée d’occase quelques semaines plus tard (Hatful of Hollow), sur l’intro carillonnante de This Charming Man et son beat Motown.
A partir de là, tout a changé. Mais vraiment tout. « Les Smiths ont changé ma vie » comme on dit. C’est-à-dire qu’à partir de ce moment là, j’écoute plus du tout de classic rock (j’y reviendrai bien sûr plus tard), mais c’est aussi ma perception du monde et des autres qui changent en profondeur et celui que je suis au moment où je tape ces lignes est encore hautement redevable de cette découverte, pour le pire et pour le meilleur. Et je suis donc devenu un énorme fan des Smiths et de Morrissey en solo.
J’aurais pu choisir n’importe lequel de leurs autres albums, y compris les super compilations Louder than bombs et The World won’t listen mais celui-ci est le plus varié, le plus délicat, le plus touchant, le plus complexe.
Aujourd’hui, mon amie est toujours mon amie. On a des vies différentes et on habite à 800 kms l’un de l’autre donc on se voit beaucoup moins : une fois par an au mieux mais on garde le contact et on a toujours l’un pour l’autre une grande affection. Je sais que je peux compter sur elle et réciproquement. C’est pareil pour les Smiths.
J’ai déjà parlé d’Elliott Smithici et ici, lorsque je me suis remémoré ses 2 concerts auxquels j’ai eu la chance d’assister.
Évidemment, j’aurais pu opter pour Either/Or (qui est en général celui qui est choisi dans les classements de ce type) ou XO mais pour être honnête, même si je les adore, j’ai une nette préférence pour celui-ci : j’aime beaucoup quand un artiste se voit enfin confier les moyens de son ambition, et qu’il se montre à la hauteur. Et Figure 8 est selon moi l’exemple type de ce cas de figure (arf) car c’est l’album sur lequel Elliott Smith peut commencer à donner chair à ses fantasmes beatlesiens en termes de production.
Il avait semble-t-il pour objectif d’aller encore plus loin sur son album suivant (From a basement on the hill) mais évidemment, même si le résultat est intéressant, il est également inabouti et on ne saura donc jamais ce que ça aurait réellement pu donner. Lire à ce sujet, et au sujet d’Elliott Smith en général, l’excellent article que Pitchfork lui a consacré à l’occasion du 10ème anniversaire de sa mort.
J’ai longuement hésité avec leur album précédent, Navy blues, que voici :
Parce que c’est une petite usine à tubes, tout simplement. Mais faut faire des choix là, c’est bientôt la fin, ça devient chaud.
Ce que j’aime dans Between the Bridges, c’est qu’il est varié : y a de la power pop évidemment, puisque Sloan est l’un des prototypes des groupes du genre, y a les MacCartneyrades de Jay Ferguson, y a du rock AM 70s, y a un petit mid-tempo countrysant. Tout ça en 12 titres et 45 minutes : c’est pas un album, c’est un cahier des charges parfaitement rempli.
J’aime bien aussi le côté « boucle » de l’album : tous les titres s’enchaînent les uns aux autres et le dernier reprend le riff du premier ce qui fait que lorsqu’il s’achève et qu’on rappuie sur « play », on obtient une sorte de boucle musicale parfaite. Bon, c’est un détail évidemment, un gadget, mais j’aime bien.
Comme tout ce qu’a fait Sloan entre 1994 et 1999 en vérité et qui me semble sinon irréprochable, au minimum digne d’intérêt. Sloan est un peu l’exception qui confirme l’adage qui veut que « nul n’est prophète en son pays » : très populaire au Canada (son pays donc), il reste relativement méconnu en dehors, sinon pour quelques obsessionnels des riffs nerveux et mélodies accroche-coeur. C’est dommage.
Voici ce que j’avais écrit sur cet album à sa sortie:
» Luke Steele, leader et seul membre permanent de The Sleepy Jackson est de ses personnages dont on fait (peut être?) les légendes, ou tout du moins les chroniques. Discographiques s’entend, mais aussi psychiatriques si on en croit les rumeurs diffusées sur sa personnalité pour le moins tourmentée. Fort heureusement pour lui, et pour nous, sa musique dissipe toute velléité voyeuriste. Oubliez les 2 EPs déjà parus (Caffeine in the Morning Sun et Let your Love Be Love), ils ne sont qu’aimable divertissement en comparaison de ce premier album : beaucoup moins brouillon, plus direct, Steele privilégie une forme de country-pop dont la sincérité exacerbe encore les sentiments évoqués, et parvient à fondre dans un même moule kaléidoscopique George Harrison, les Flaming Lips ou Sparklehorse. A la fois déchirantes et radieuses, ces chansons à la proverbiale générosité constituent tout bonnement un des meilleurs recueils de pop-songs entendues ces dernières années. Magique. »
14 ans plus tard, je ne dirai pas les choses de la même manière mais je serais tout aussi dithyrambique: ce disque est un classique pour moi, tout simplement. J’y reviens très régulièrement et je ne m’en lasse pas. Je trouve même qu’il se bonifie avec le temps.
Un 2ème album a suivi (Personality), un poil en dessous mais très recommandable également, puis Luke Steele s’est lancé dans l’aventure Empire of the Sun avec le succès qu’on sait (non?) : c’est pas inintéressant mais bon…
Present Tense est avec Begin LE disque de sunshine pop ultime. Oui, je suis péremptoire mais c’est pas comme si c’était la 1ère fois et (cette fois) je suis sûr de mon assertion. Je vais donc te renvoyer à l’article que j’ai consacré à l’album de The Millenium pour plus de détails.
Cet album est celui par lequel j’ai découvert le genre, ça a été un véritable choc. Aujourd’hui encore, l’enchaînement des 3 premiers titres (Another time / Song to the magic frog / You Know I’ve Found a Way) représente pour moi une source inépuisable de fascination, d’émerveillement et de bien –être, ce qui se rapproche sans doute le plus d’un idéal de plénitude.
Il y a aurait 1000 pages à écrire sur Todd Rundgren, l’un des personnages les plus intrigants et extravagants de la pop, ainsi que sur son oeuvre foisonnante. Présent partout sans que souvent on le sache (« on » incarnant pourtant ici les amateurs de musique), il a aussi bien joué que composé, interprété ou produit quelques uns des disques majeurs des 45 dernières années. Il est celui, par exemple, qui peut produire aussi bien les New York Dolls qu’XTC sans que ça paraisse incongru. Il est également de ceux pour qui l’utilisation de l’adjectif « culte » semble le plus approprié, à la fois parce qu’il reste, malgré une certaine omniprésence/permanence donc, un artiste relativement confidentiel et un plaisir de connaisseur, et parce que ceux qui l’apprécient lui vouent une indéfectible dévotion (« Todd is God » qu’ils disaient à la grande époque).
Something/Anything? est son album le plus fréquemment cité (avec le plus expérimental A wizard, a true star) et ça me parait normal: il est à la fois le plus accessible, le plus diversifié et le plus abouti. C’est en tout cas mon favori même si j’aurais également pu citer A wizard…, ou The Ballad of Todd Rundgren.
Parmi les artistes apparus dans le sillage du Moon Safari de Air à la fin des années 90, Rob est sans doute le plus méconnu et le secret le mieux gardé encore aujourd’hui. Il fait partie de mes artistes et musiciens favoris; c’est quelqu’un dont le travail me touche infiniment donc je vais un peu développer.
Rob alias Robin Coudert est aujourd’hui compositeur de musiques de film à succès, ou en tout cas de plus en plus sollicité. Ca va de Radiostars au remake de Maniac en passant par Horns d’Alexandre Aja, le Bureau des légendes, la série d’Eric Rochant, ou Made in France, le film polémique de Nicolas Boukhrief. Sa dernière création est la bo de Planetarium, le film de Rebecca Zlotowski avec la Portman et la fille Depp-Paradis. Il est par ailleurs l’officieux 5ème Phoenix puisqu’il accompagne le groupe sur scène aux claviers depuis une dizaine d’années maintenant.
Mais avant ça, dans ce qui ressemble de plus en plus à une autre vie, Rob a signé 2 albums complètement fous de pop sous haute perfusion soft rock 70s : celui-ci est le premier des 2. Voici le single Power Glove qui était censé le propulser au firmament de la pop française, sinon plus :
Guitares Flying V (parfois doublées, pour un effet des plus honteusement délicieux), chœurs féminins à gogo, mélodies au romantisme échevelé : Rob y apparaît comme un disciple extraverti et made in France de Todd Rundgren. Le genre de type aux côtés duquel Sébastien Tellier (dont il est proche et avec lequel il a collaboré) est un modèle de sobriété. Le genre de type aussi, et pour situer encore, à avoir été traumatisé par la b.o. de Polnareff pour la Folie des Grandeurs, par le Por que te vas ? de Jeanette ou les musiques de Shuki Levy.
Véritable manifeste pour une pop à la fois extravagante et lettrée (ceux qui ne savent pas parleront de mauvais goût, les hérétiques) Don’t Kill fut suivi un an plus tard de Satyred Love, deuxième album peut-être encore plus radical.
Après ça, Rob a donc commencé à prendre ses distances avec un mode de création « traditionnel ». Pas forcément par choix personnel d’ailleurs, de mon point de vue en tout cas : il a, à ses débuts, bénéficié du label « French touch » et de la manne financière qui allait avec, mais celle-ci s’est vite tarie. Alors il a produit un peu tout et n’importe qu(o)i, parce qu’il fallait bien bouffer j’imagine : Mélissa Mars (de la comédie musicale sur Mozart. Eh ouais…), Zaza Fournier ou encore, moins alimentaire, le très joli et sous-estimé Enfant du siècle d’Alizée conçu en compagnie de Château Marmont, autre sublime cause perdue de la pop française. On le retrouve encore parfois sur des notes de pochette : il a ainsi mixé le très bel album de JulienBarbagallo, Grand chien (j’y reviendrai), en compagnie de son grand complice Jack Lahana.
Il s’est également lancé dans un projet absolument génial et hors-normes, le Dodécalogue : son objectif était de sortir un EP par mois, un par apôtre (format vinyle + mp3). On pouvait acheter chaque volume séparément, les 12 par anticipation pour les recevoir automatiquement (formule qu’on m’a offerte). On pouvait aussi casser sa tirelire pour qu’il compose un morceau spécialement pour soi ou une personne désignée.
Projet intenable à la fois artistiquement et financièrement, le Dodécalogue a carrément contribué à couler le label qui en fut l’instigateur, Institubes. Seuls les 6 premiers volets ont vu le jour : je possède les 5 sortis en vinyle (le 6ème est uniquement disponible en mp3) et je les chéris, ils sont absolument superbes à la fois sur le fond et sur la forme (très belles pochettes qui trônent fièrement dans mon salon). Le plus souvent, ils creusent la veine la plus mystique, planante et expérimentale de la musique de Rob, mais ils comportent également quelques pop-songs instrumentales au romantisme fulgurant voire déchirant (cf les 2 extraits en conclusion). La suite j’en parle au début de mon billet.
Les 5 exemplaires « physiques » du Dodécalogue de Rob : un projet inachevé donc, et c’est bien dommage.
Il faut écouter la musique et les disques de Rob : c’est un artiste réellement à part, en France mais « à part » tout court. Bien qu’extrêmement référentielle, sa musique ne ressemble à aucune autre. Qu’il adopte la forme electro-acoustique de feu-les grandioses productions des années 70 ou qu’il joue tout sur des claviers analogiques aux sons extravagants (comme sur la bo de Maniac par exemple), elle est d’un romantisme et d’une sincérité incroyable, génératrice d’émotions au sens propre et pur du terme, souvent par la simple puissance d’une ligne mélodique.
Lorsqu’on découvre cet album sans rien savoir de son auteur on est généralement estomaqué :
– qu’il ne s’agisse pas de Paul McCartney.
– qu’Emitt Rhodes ne soit pas, sinon aussi célèbre que McCartney, du moins plus célèbre qu’il ne l’est.
Pour reprendre ce que je disais déjà sur ces 2 artistes, entendre Emitt Rhodes pour la 1ère fois, c’est comme entendre Big Star ou Jobim pour la 1ère fois : on est frappé par le caractère évident, profondément essentiel (au sens où ses 3 disques/artistes semblent n’avoir gardé que l’essence du genre qu’ils pratiquent) de cette musique.
Emitt Rhodes a sorti cette année son premier album en… 43 ans. Je ne l’ai pas écouté et je ne le ferai sans doute pas : j’ai peut-être tort mais j’ai envie de « préserver » ce qu’il a produit il y a plus de 40 ans donc. En tout cas si ce nouveau coup de projecteur a pu permettre à certaines personnes de le découvrir et de se pencher sur ces disques du début des années 70 (dont celui-ci), c’est bien.