#91 Teenage Fanclub – Bandwagonesque

Je parle de Teenage Fanclub ici, à l’occasion de leur concert toulousain.

Bandwagonesque est un album fondamental pour moi, il figure parmi les 4 ou 5 auxquels je pense en premier lorsqu’on me demande quels sont mes favoris. C’est un album assez « simple », dans le sens où il est assez basique, c’est pas Pet Sounds… Malgré ça et malgré le fait que je le connaisse dans ces moindres recoins depuis longtemps, 25 ans après, et après des centaines d’écoute, il parvient encore à m’élever, m’émouvoir, m’exciter. C’est dû à mon attachement très subjectif et un peu irrationnel évidemment mais je pense qu’il a aussi une qualité « objective » dans la production qui fait qu’il n’a pas vieilli et qu’il n’est pas vraiment ancré dans son époque, qu’il s’écoute aussi bien en 1992 qu’en 2005 ou 2017. Un classique donc.

Enfin, même si on ne peut pas dire que Teenage Fanclub soit passé à la postérité pour la qualité de ses textes, j’aime beaucoup ce qui se joue ici : il y a quelque chose de profondément adolescent, dans ce que l’adjectif peut avoir de plus noble, dans les sentiments évoqués et dans la manière simple voire rudimentaire, dont ils sont évoqués : « There are things / I want to say / But I don’t know / If they would be to you » sur Alcoholiday par exemple ou encore « Saw you there with long blonde hair / Eyes of blue, oh baby / I love you / When you’re walking (I love your walk) / When you’re talking (I love your talk) » sur Sidewinder, je trouve ça juste et touchant.

Mais de toutes façons j’arrive plus à juger ce disque avec un minimum de recul, je l’aime de manière un peu irrationnelle encore une fois.

#90 T-Rex: The Slider


Quand il faut n’en retenir qu’un, il s’agit très souvent d’Electric Warrior. Ca se tient, c’est un excellent album, le premier véritablement glam de T-Rex, et il contient 2 de leurs tubes les plus connus, Get it on et Life’s a gas. Ceci étant, on retrouve ici Metal Guru et Telegram Sam qui dans le genre gros tubes se posent un peu là (peu de passages musicaux me mettent autant en joie que les couplets de Telegram Sam).

Electric Warrior est super mais je lui préfère son successeur car c’est selon moi leur album le plus homogène et surtout celui qui capte le mieux le « son » T-Rex, à la fois simple, pur et puissant : une batterie lourde et aérienne, des guitares sèches d’une limpidité dingue, une guitare électrique de faune en rut, quelques cordes, des chœurs un brin hystériques. Il faut ici saluer le travail de l’immense Tony Visconti, qui aura donc enregistré les 2 artistes les plus emblématiques du glam-rock, David Bowie et Marc Bolan, sans que leurs albums sonnent de la même manière. Du grand art.

Moins intellectualisél, littéraire et théâtral que celui de Bowie, le glam-rock de T-Rex, qu’il soit boogie lubrique ou folk sentimental, est profondément enfantin (mais pas puéril pour autant). Il retranscrit comme peu d’autres la joie, la tristesse, le sentiment amoureux (ou plutôt le désir) dans ce qu’ils ont de plus pur et d’essentiel: « I’m just a man / I understand the wind and all the things that make the children cry » sur Spaceball Ricochet. Il a été réhabilité depuis (n’oublions pas que T-Rex a longtemps été méprisé, et l’est encore parfois, car jugé comme un groupe pour jeunes ados) mais il faut dire, et redire que Marc Bolan était un parolier brillant, aux visions poétiques naïves et ludiques.

#88 Super Furry Animals – Phantom Power

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Phantom Power est sans doute l’album le plus accessible des SFA (avec Rings Around the World, que j’aurais voulu faire figurer dans ce classement mais bon). C’est aussi l’album sur lequel ils regardent le plus ostensiblement de l’autre côté de l’Atlantique, avec des sonorités plus chaleureuses (la batterie très Stax) et des influences countrysantes qui lui confèrent une tonalité très douce et parfois mélancolique (indépassable Hello Sunshine en ouverture).

Du coup, je me dois de citer ce qui figurerait sans problème dans ce top si elle avait été publiée officiellement, à savoir la Peel session que le groupe a enregistré à la sortie de l’album. Ils y jouent pas mal de titres de Phantom Power bien sûr, ainsi que de Mwng, leur album en gallois, accompagnés d’une pedal-steel. Les anciens titres sont également légèrement remaniés avec une sensibilité plus soft et folk et c’est absolument sublime (il faut par exemple entendre la géniale version de Demons avec ce nouvel arrangement). Loin de moi l’idée de t’encourager à braver le glaive de la justice mais ça se trouve assez facilement. A bon entendeur…

#87 Super Furry Animals – Radiator

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J’ai déjà parlé à plusieurs reprises, notamment ici, de ce qui est un de mes groupes fétiches.

Radiator est un album particulièrement apprécié à la fois des fans et des critiques et c’est logique tant on y retrouve tout ce qui fait des Super Furry Animals un groupe aussi roboratif et exhaustif : énergie brute héritée à la fois du punk et du glam, psychédélisme, délicatesse pop, il y a tout dans Radiator. Il y a même, chose rare en ce qui les concerne, une pochette décente.

#86 The Stone Roses

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Lorsque l’album sort (en 1989), je n’ai “que” 16 ans et je n’ai tout simplement jamais entendu parler du groupe. J’ai des goûts beaucoup plus mainstream. J’ai 16 ans, dans le Pays Basque profond, à la fin des années 80 quoi.

L’année suivante, une camarade de lycée me fait découvrir les Smiths: c’est le choc, le tournant du match. J’en ai parlé récemment, ici, j’insiste pas.
Très vite, en lisant des articles par-ci par-là, je découvre que les Smiths et les Stone Roses sont pas vraiment copains. Qu’ils seraient même plutôt antithétiques. Évidemment, en bon fan qui se respecte, qui plus est converti de fraîche date (les pires), j’ai une confiance aveugle en Morrissey, je ne prends donc même pas la peine de jeter une oreille à l’objet du délit : un album d’une profonde vacuité qui fait l’apologie de la drogue et de la dance music la plus superficielle et inconséquente blablabla. Bon. Ca dure comme ça pas mal de temps.

Quelques années plus tard, je finis par l’écouter ce disque, juste avant la sortie de Second Coming, leur second album (j’adore Love Spreads, le single du grand retour). Et là évidemment, je suis un peu sur le cul. Parce qu’en lieu et place d’un album de dance-music à la Primal Scream ou Happy Mondays, j’entends un groupe probablement obsédé par les sixties et, au hasard, les Byrds. Sacré Morrissey. Et puis ce John Squire, il était pas censé être un guitar hero, le fils spirituel de Jimmy Page? Bizarre parce que j’entendais surtout un guitariste fin et délicat, tout en arpèges carillonnants… L’a pô compris…

Je l’ai immédiatement aimé ce disque: 11 titres, 11 tubes. Je déconne pas, revoie la tracklist :  11 tubes. Ou 12 si t’as la version US avec Elephant Stone. Après… On s’en fout que Ian Brown ne sache pas chanter, que John Squire soit bouffi d’orgueil et de came, que Second Coming soit à moitié inécoutable (et je suis gentil) ou même que Morrissey ait partiellement raison quant à sa vision du groupe : The Stone Roses est de ces albums qui encapsulent en 45 minutes environ ce qu’a été, ce qu’est et ce que sera la pop anglaise. Comme ont pu le faire auparavant (t’étouffe pas, je les mets pas sur un pied d’égalité pour autant), les Kinks, Bowie, The Jam, plus tard Blur et Oasis. Ou les Smiths.

#85 Kelley Stoltz – Circular Sounds

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Kelley Stoltz
fait partie avec Jim Noir et Gruff Rhys (Super Furry Animals) de mes héros de l’ombre, esthètes pop aussi absolus que confidentiels. C’est un hasard (enfin, non, évidemment, mais ça n’est pas un choix conscient) mais ils partagent tous les 3 le même amour de l’orfèvrerie et du travail effectué en solitaire (sauf pour Gruff Rhys lorsqu’il est avec les SFA évidemment), en véritables Géo Trouvetou des home studios et rois de la débrouille. Et même s’il est américain, Stoltz est un anglophile convaincu.

Enorme fan d’Echo and the Bunnymen dont il a intégralement repris l’album Crocodiles (renommé Crockodials pour l’occasion), et qu’il a aujourd’hui rejoint en tant que guitariste de tournée, il semble sur cet album-ci s’être mis en tête de recréer les Kinks à lui tout seul, un peu à l’instar d’Elliott Smith avec les Beatles.

Circular Sounds est donc un album aussi mordant qu’enjôleur, aussi garage que chiadé, aussi électrique qu’acoustique. C’est selon moi le meilleur album de son auteur, même si tous les autres sont tout aussi recommandables, notamment le précédent, Below the Branches et les 2 suivants, To Dreamers et Double Exposure. Sur le tout dernier, In Triangle Time, un peu en dessous selon moi, il revient à ses premières amours new wave, évoquant même Bowie par moments.

#84 Stereolab – Dots and Loops

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Jusqu’à Emperor Tomato Ketchup, son album précédent celui-ci, Stereolab est presque considéré comme une incongruité, une excentricité à la monomanie (la fixette sur les claviers analogiques) tantôt amusante tantôt agaçante. Un groupe pas vraiment pris au sérieux en tout cas, sauf par quelques auditeurs hardcore de Bernard Lenoir sur France Inter.

Mais à partir d’Emperor… donc, Stereolab rééquilibre un peu son krautrock minimaliste et yéyé teinté d’exotica au profit de cette dernière, tout en conservant son penchant pour les aphorismes situationnistes et les mélodies atones. Il s’assouplit, ralentit le tempo, qu’il varie d’ailleurs de plus en plus souvent, parfois au sein d’un même morceau. Surtout, il fait de plus en plus de place à Sean O’Hagan (High Llamas) qui devient quasiment membre du groupe à part entière pendant plusieurs années (John McEntire de Tortoise est également du virage pris alors, en tant que producteur). Pour synthétiser : Stereolab ouvre un peu la fenêtre et accède à l’âge adulte.

Cette nouvelle manière trouve selon moi son épanouissement sur Dots and Loops, qui ressemble à s’y m’éprendre au résultat d’une fusion StereolabHigh Llamas (les albums de la même époque de ces derniers, Cold and Bouncy et Snowbug sont en retour pas mal influencés par le son de Stereolab).

Avec un titre indépassable, les 17 minutes de Refractions in the Plastic Pulse et son mantra metaphysique (« Ce qui est n’est pas clos, du point de vue le plus essentiel »).

Immense chef d’œuvre absolu de tous les temps.

#83 Steely Dan – Can’t Buy a Thrill

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J’ignore ce qu’il en est maintenant mais pour les gens de ma génération, et peut-être la suivante, lorsqu’on commençait à s’intéresser de près à l’indie-pop ou qu’on faisait partie de la génération Inrockuptibles pour faire court (aujourd’hui on dirait plutôt la « génération Pitchfork » j’imagine), Steely Dan comptait parmi les énormes fautes de goût, les groupes absolument tabous. Steely Dan c’était le rock FM dans toute sa vulgarité dégoulinante, des mecs cokés jusqu’à la moelle qui passaient 4 ans en studio pour peaufiner un son de caisse claire, des frères d’armes des Doobie BrothersToto, Asia ou autres formations de la même engeance (quitte à tout mélanger). Donc on y jette même pas une oreille.

Et puis on vieillit, on s’assouplit, on retire peu à peu ses œillères. On élargit son univers musical. On lit des articles, des groupes ou artistes qu’on apprécie parlent de Steely Dan et on découvre que… ben c’est pas vraiment ce qu’on avait imaginé. C’est même un truc assez précis, un truc de connaisseur, d’esthète. Et on écoute, finalement.

J’y suis venu via les High Llamas des 3 premiers albums (jusqu’à Gideon Gaye inclus). Sean O’Hagan citait le groupe comme une influence diffuse mais importante, j’ai donc jeté une oreille. Et ça m’a bien plu; j’ai compris (je crois) en quoi le groupe avait été une influence pour mes favoris et j’ai peu à peu apprécié le groupe, ça a été progressif, il a fallu appréhender cette musique totalement nouvelle pour moi. Et puis j’ai commencé à écouter les paroles, terribles ! mais c’est fou ça, cette musique hyper léchée et ses paroles hyper subversives, ça devrait pas aller ensemble mais si, et c’est ça qui est génial dans Steely Dan bien sûr (entre autres).

Ceci étant, c’est progressif comme je disais : on vient généralement à Steely Dan par Pretzel Logic, leur album le plus accessible, ou par celui-ci, puis on avance pas à pas, tranquillement, on n’arrive pas tout de suite à Gaucho ou Aja.
Mais une fois qu’on est mordu… Quel délice… Avec toujours cette sensation de goûter à quelque chose d’un peu sale, d’un peu déviant. Et maintenant, quand on entend quelqu’un dire que Steely Dan « c’est nul, c’est du rock californien de merde », on répond pas toujours parce que ça serait trop compliqué. On se contente d’un petit sourire en coin : ça viendra, tôt ou tard, et toi aussi tu sauras.

#82 Spiritualized – Let It Come Down

 

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Le chef d’oeuvre de Spiritualized, c’est évidemment Ladies and Gentlemen, We Are Floating in Space, . Un album très identifiable à sa pochette, façon boîte de médicaments, qu’on retrouve souvent dans les classements des meilleurs albums de tous les temps:

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Mais Let It Come Down, l’album qui le suit dans la discographie du groupe, est celui via lequel je suis venu à lui donc voilà.

C’est à peu près le même puisque Spiritualized est ce genre de groupe qui enregistre pratiquement le même album à chaque fois, avec quelques petites variations. Ici, LA variation, c’est que Jason Pierce aka Jason Spaceman (ex Spacemen 3 faut il le rappeler), était manifestement en pleine crise de mégalomanie car Let It Come Down n’est pas un album mais un péplum. Comprendre : c’est HENAAAAAAAAAAAUUUUUUUUUUURME. Cordes, cuivres, choristes : c’est pas des musiciens qui ont été embauchés mais des villages entiers. Énorme.

Et c’est parfait : s’il y a bien un groupe et une musique qui s’accommodent parfaitement d’un certain gigantisme, c’est le space-rock de Spiritualized. Let It Come Down est donc son album le plus spectorien (j’ai du mal à dire « leur album » tellement le groupe est le prolongement de son leader; il a beau s’entourer de 346 personnes, il reste le seul maître à bord), via par exemple le quasi-pastiche Do It All Over Again. Une de ses chansons les plus ouvertement positives aussi, c’est suffisamment rare pour être souligné (« I gotta hope for the best and the best looks good now baby »).

Mais c’est sans doute sur Out of Sight et ses paroles pleines de jeux de mots et marabout-bouts de ficelles (« If I am good I could add years to my life / I would rather add some life to my years ») que le gigantisme de Let It Come Down se fait le mieux entendre. Sans doute le titre le plus impressionnant de l’album, et celui que je préfère:

Raaaaaaah cet harmonica qui brise le mur de cuivres à la fin… Un péplum je te dis.

Sinon, que dire ? Spiritualized c’est une musique souvent maximaliste donc, comme ici, mais finalement très simple et pure : inspiration biblique, parallèles constants entre les Saintes Ecritures, la toxicomanie et le sentiment amoureux, sur fond de soul-pop-gospel-space-rock. Une musique spiritualisée.

Et comme toujours, le packaging de cet album était très soigné, avec une édition limitée, genre de boîtier en relief, très réussie :

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Le compact-disque lui-même est doré, c’est super classe.