J’ai découvert ce disque en 1989, à 16 ans. J’écoutais déjà pas mal de musique : du classic rock comme on pourrait dire aujourd’hui (les Stones, Pink Floyd etc). J’étais surtout un énorme fan de U2. Bon.
En 89 donc, je suis entré en 1ère littéraire dans un internat (1ère A2 comme on disait à l’époque : lettres et langues). C’était un tout petit lycée du Pays Basque profond, on était pas nombreux, l’ambiance était très familiale. On a rapidement créé des liens forts : je me suis notamment lié d’amitié avec une fille très extravertie, du genre qu’on qualifiait à l’époque d’ « un peu fofolle » (j’ignore si on dit ça encore aujourd’hui de ce type de personnes). Très vite et très logiquement là aussi on s’est mis à partager nos goûts musicaux (« t’écoutes quoi comme musique ? ») : elle connaissait déjà par cœur tout ce que j’écoutais, je connaissais parfois à peine ce qu’elle aimait (Cure, ok, c’était le générique des Enfants du rock, mais XTC, Chameleons, Lloyd Cole etc, j’en avais tout bonnement jamais entendu parler).
Pour m’initier, elle m’a fait une K7 d’un de ses groupes préférés, les Smiths. Face A, Rank, l’album live posthume, face B, Strangeways, here we come, le dernier album. Je mis beaucoup de temps à entrer dedans : c’était du rock sans en être, ça ressemblait pas du tout à ce que j’avais l’habitude d’écouter. Je savais vaguement que ça appartenait à un genre précis (l’indie pop) et qu’il y avait même un magazine français dédié. Je ne comprenais pas bien. Et puis cette voix…
En fait le déclic eut lieu avec une autre K7 achetée d’occase quelques semaines plus tard (Hatful of Hollow), sur l’intro carillonnante de This Charming Man et son beat Motown.
A partir de là, tout a changé. Mais vraiment tout. « Les Smiths ont changé ma vie » comme on dit. C’est-à-dire qu’à partir de ce moment là, j’écoute plus du tout de classic rock (j’y reviendrai bien sûr plus tard), mais c’est aussi ma perception du monde et des autres qui changent en profondeur et celui que je suis au moment où je tape ces lignes est encore hautement redevable de cette découverte, pour le pire et pour le meilleur. Et je suis donc devenu un énorme fan des Smiths et de Morrissey en solo.
J’aurais pu choisir n’importe lequel de leurs autres albums, y compris les super compilations Louder than bombs et The World won’t listen mais celui-ci est le plus varié, le plus délicat, le plus touchant, le plus complexe.
Aujourd’hui, mon amie est toujours mon amie. On a des vies différentes et on habite à 800 kms l’un de l’autre donc on se voit beaucoup moins : une fois par an au mieux mais on garde le contact et on a toujours l’un pour l’autre une grande affection. Je sais que je peux compter sur elle et réciproquement. C’est pareil pour les Smiths.