La sunshine pop est sans doute le genre que j’ai le plus creusé, sur la période la plus longue. Je ne dirais pas que j’en suis devenu un spécialiste (y a vraiment des psychopathes complètement obsessionnels voire flippants sur le sujet) mais bon, je me débrouille.
C’est à dire que lorsque j’ai découvert ce genre totalement nouveau pour moi (à travers l’album de Sagittarius, Present Tense) ça a été une épiphanie : je pouvais plus écouter autre chose. J’avais pour la première (et unique) fois l’impression que c’est tout un pan de la musique populaire, et pas seulement un artiste ou un groupe, qui me parlait intimement, qui semblait répondre à absolument tout ce qui me plait et que je recherche dans la musique. Et c’est toujours le cas: j’écoute encore les fleurons du genre avec la même passion et le même émerveillement.
Pour resituer rapidement et en quelques mots, la sunshine pop est un genre majoritairement californien (mais pas que), né dans le sillage du Pet Sounds des Beach Boys, et qui mêle donc pop, easy-listening et psychédélisme. Un soupçon de bossa et de soft samba aussi.
Ces détracteurs le disqualifient pour cause d’inconséquence, d’angélisme, d’excès de sucre et de mignoncité. A la même époque, Dylan et compagnie écrivaient la bande-son de la contre-culture, de la lutte pour les droits civiques etc. A contrario, la sunshine pop était perçue comme une manifestation de ce que les anglo-saxons nomment escapism et qu’on pourrait traduire par « volonté d’évasion » au sens de volonté de ne pas se confronter à la réalité. Évidemment, les groupes de sunshine n’ont jamais commenté l’actualité mais ça ne veut pas dire pour autant qu’ils étaient inconséquents: je pense même que c’est un genre assez violent émotionnellement, dans le sens où il a conscience de sa propre finitude. La sunshine pop est la bande-son idéalisée d’un endless summer dont on sait pertinemment qu’il est impossible. Ainsi, son apparente euphorie (bien réelle) cache souvent une profonde mélancolie. C’est sur le premier album de Sagittarius que s’incarne le mieux ce sentiment à mon sens mais sur Begin par exemple, je trouve que 5 A.M synthétise tout ça à merveille : la béatitude absolue, la drogue, la mélancolie.
« Five o’clock in the morning
Life doesn’t seem to be the same
It’s beautiful – beautiful
So remember – remember »
A l’époque où la contestation était en train de devenir une norme, bientôt récupérée par « le système », ces véritables dandys faisaient un pas de côté, ni vraiment dans le mainstream, ni vraiment dans la contre-culture : elle est là la véritable subversion selon moi, chez des gens comme Curt Boettcher, Harper’s Bizarre, Harry Nilsson ou encore Van Dyke Parks mais c’est une autre histoire.
Enfin, si on s’en tient à la forme uniquement, c’est d’une fantaisie et d’une inventivité folles: les maisons de disques avaient du fric à dépenser à l’époque, les musiciens et producteurs avaient les moyens de donner libre court à leur imagination et à leur inspiration en studio.
D’ailleurs, cet album-ci était l’album le plus cher jamais enregistré par Columbia à l’époque. Autre petite précision à son sujet : Begin est un des classiques et des indispensables du genre, ça se discute difficilement il me semble. Je conseillerais néanmoins si tu as envie de t’en porter acquéreur, de te reporter sur le magnifique coffret 3 CDs sorti en 2001 par les indispensables esthètes du label américain Sundazed . Il inclut également l’album de The Ballroom, le groupe qui a donné naissance à The Millennium, ainsi que les premiers enregistrements de Sagittarius (avant leur chef d’oeuvre, Present Tense, sur lequel je reviendrai) le groupe qui a suivi. S’ajoutent enfin quelques morceaux de Curt Boettcher, personnage clé de la scène sunshine pop.