Doubles vies – critique

Alain, la quarantaine, dirige une célèbre maison d’édition, où son ami Léonard, écrivain bohème publie ses romans. La femme d’Alain, Séléna, est la star d’une série télé populaire et Valérie, compagne de Leonard, assiste vaillamment un homme politique. Bien qu’ils soient amis de longue date, Alain s’apprête à refuser le nouveau manuscrit de Léonard… Les relations entre les deux couples, plus entrelacées qu’il n’y paraît, vont se compliquer. (Allociné)

Crise des gilets jaunes, réchauffement climatique, montée du populisme : Olivier Assayas n’élude aucun sujet qui fâche et livre un brûlot incendiaire, un film coup de poing, un uppercut dans la tronche du cinéma français.

Blague à part, je n’aime pas beaucoup Olivier Assayas (et pas beaucoup plus son frère rock critic, Mishka, mais c’est pas le sujet). Je trouve son cinéma appliqué, laborieux même, sans réel talent et donc sans intérêt. Je trouve qu’il n’a jamais rien à dire en vérité, et qu’il le dit mal. Bien sûr, comme tout le monde, il n’est pas à l’abri de la faute de bon goût, et certains de ses films se regardent sans déplaisir (Irma Vep, Demonlover). S’il m’agace autant au fond, c’est que je lui en veux d’être devenu l’incarnation la plus accomplie du cliché tenace que se plaisent à entretenir les contempteurs d’un cinéma français qui, selon eux, ne saurait être que verbeux, chichiteux, parisianiste, bourgeois.

Doubles vies, son dernier film, ne va pas arranger son cas et ceux qui, les pauvres, n’ont jamais pu sentir Rohmer, Truffaut ou Rivette, parleront volontiers d’un film destiné à un public de « gauchiasse boboïsante ».

Je ne rentrerai évidemment pas dans ce débat, qui n’en est d’ailleurs pas un, mais sur un strict plan cinématographique, c’est du pur Assayas: appliqué, laborieux, sans réel talent et (presque) sans intérêt.

Le presque, c’est l’un des volets de ce film double, celui de la comédie sentimentale. Oh, rien de fulgurant, encore moins d’inédit mais une classique histoire d’adultère entre couples amis, servie par une bonne distribution (avec un petit bémol pour Nora Hamzawi mais à sa décharge, pas facile d’exister face à 3 acteurs aussi aguerris et installés que Binoche, Canet et Macaigne).

Le second volet de Doubles vies, celui consacré à une réflexion autour des enjeux contemporains de l’édition, en particulier ceux liés à l’édition numérique, est édifiant. Un catalogue de clichés, de lieux communs, débités lors d’interminables tunnels de dialogues qu’on jurerait compilés à partir d’articles de L’Obs / Libération / Télérama sur le sujet. Et dire qu’Assayas passe pour un cinéaste-clairvoyant-sur-le-sujet-des-nouvelles-technologies… Idem lorsqu’il se hasarde sur le terrain de la création, avec une belle enfilade de clichés, encore, sur la fiction, l’auto-fiction, la réalité qui inspire les romanciers, la violation de l’intimité etc. Clichés éculés en plus. LE gag du film: le personnage interprété par Vincent Macaigne raconte dans son dernier bouquin s’être fait sucer lors d’une séance du Ruban blanc d’Haneke, alors que dans la réalité, il s’agissait de Star Wars, la Menace fantôme. On sent qu’Assayas sent qu’il tient un truc, qu’il s’amuse de sa pseudo-audace, que ça l’excite même peut-être. Misère… De manière générale, les tentatives d’humour sont assez pathétiques, avec toujours cette impression que sa bite (à l’humour) a un goût, qu’il aimerait bien mais qu’il ose pas. Ou qu’il ne sait pas, tout simplement.

Lorsqu’il se hasarde sur le terrain de la politique, Assayas vise (un peu) plus juste, en se reposant sur le personnage touchant et moins manichéen qu’il n’y parait de prime abord interprété par Nora Hamzawi. Là encore, rien de fantastique mais on échappe (un peu) aux lieux communs, à la condamnation  des politiques cyniques et de leurs porte-flingues sans états d’âme. C’est peu, mais au vu des considérations servies par ailleurs, il faut s’en contenter.

L’Heure de la sortie – critique

Lorsque Pierre Hoffman intègre le prestigieux collège de Saint Joseph il décèle, chez les 3e 1, une hostilité diffuse et une violence sourde. Est-ce parce que leur professeur de français vient de se jeter par la fenêtre en plein cours ? Parce qu’ils sont une classe pilote d’enfants surdoués ? Parce qu’ils semblent terrifiés par la menace écologique et avoir perdu tout espoir en l’avenir ? De la curiosité à l’obsession, Pierre va tenter de percer leur secret… (Allociné)

Sébastien Marnier s’est révélé en 2016 avec un impeccable Irréprochable : ancrage réalistico-contemporain (le personnage interprété par Marina Foïs perdait son boulot parisien et se voyait contrainte de retourner au bercail, en province), tension psychologique (une Marina Foïs inquiétante), atmosphère proto-fantastique diffuse (globalement), facture soignée (Zombie Zombie pour la bande originale), un coup de maître pour un coup d’essai. A la fois opaque (elle ne dévoile rien de l’intrigue ni des enjeux) et transparente (on comprend tout de suite qu’on aura droit aux mêmes ingrédients que dans Irréprochable), la bande annonce de L’Heure de la sortie m’a sacrément fait envie (et oui, j’arrête avec les parenthèses).

Et je n’ai pas été déçu : oubliées les quelques menues réserves relevées à la fin de la séance, je ne retiens qu’un film maîtrisé de bout en bout, profondément immersif, accessible sans concessions (pour autant que je sache). On pourrait dire en guise de synthèse ou d’introduction, que L’Heure de la sortie est à la fois la copie conforme et le miroir inversé d’Irréprochable : la forme est déjà clairement identifiable mais cette fois, le spectateur est guidé vers l’autre point de vue, celui de l’observateur. Comme si, dans Irréprochable, on avait suivi Jérémie Elkaïm plutôt que Marina Foïs.

Ici encore, c’est l’écriture qui impressionne avant tout, notamment celle du personnage interprété par un excellent Laurent Lafitte : sa sexualité, sa confession (on peut le supposer), ses névroses, sont esquissées sans jamais être appuyées, dans le but non seulement de brosser un personnage, créer des (fausses) pistes sur lesquelles engager le spectateur mais surtout de trouver une cohérence dont la « plénitude » se révélera dans la conclusion. Et là évidemment je n’en dirai pas davantage.

On peut certes reprocher quelques facilités, notamment avant le dernier acte, dans la matérialisation de la parano du personnage de Laurent Lafitte. Certes. Mais ce sont des détails. Ce dernier acte justement, délivre le climax promis, d’autant plus excitant qu’on pourrait le qualifier de double.  Et là évidemment blablabla.

Difficile de parler de ce film sans rien spoiler du tout… En tout cas, moi j’ai du mal à le faire. Le 1er acte, l’exposition, particulièrement savoureuse et souvent drôle, mérite elle aussi d’être découverte aussi vierge d’information que possible. J’ajouterai donc simplement que si les 2 réalisations de Sébastien Marnier impressionnent autant par leur maîtrise que par leur unité, L’Heure de la sortie offre le petit bonus indispensable à un 2ème film digne de ce nom: la marque d’une évolution, un signe que le gars en a encore sous la pédale, en agrégeant à son récit intime un propos plus sociétal, des résonances avec l’actualité.

Mais, définitivement, je n’en dirai pas davantage: allez simplement le voir.

L’Amour est une fête – avant-première Gaumont Wilson

Paris, 1982. Patrons d’un peep show, Le Mirodrome, criblés de dettes, Franck et Serge ont l’idée de produire des petits films pornographiques avec leurs danseuses pour relancer leur établissement. Le succès est au rendez-vous et ne tarde pas à attirer l’attention de leurs concurrents. Un soir, des hommes cagoulés détruisent le Mirodrome. Ruinés, Franck et Serge sont contraints de faire affaire avec leurs rivaux. Mais ce que ces derniers ignorent, c’est que nos deux « entrepreneurs » sont des enquêteurs chargés de procéder à un coup de filet dans le business du « X » parisien. C’est le début d’une aventure dans le cinéma pornographique du début des années quatre-vingt qui va les entraîner loin. Très loin…(Allociné)

On le sait, les films sont rarement tournés dans l’ordre de leur scenario. Et il est encore plus rare que ce dernier se développe ou soit modifié au cours du tournage. Pourtant, j’ai eu cette sensation (complètement erronée donc, surtout connaissant un type aussi expérimenté et rompu aux règles cinématographiques que Cédric Anger) lors de la projection de L’Amour est une fête.
D’abord un peu entre 2 eaux, ou plutôt entre 2 genres (polar et comédie) et entre 2 humeurs (morose et débonnaire), le film choisit peu à peu son camp, comme s’il se laissait contaminer par les ondes positives qu’il diffuse, pour avancer franchement vers la lumière (au sens propre, tu comprendras quand tu auras vu le film). C’est tout le talent du réalisateur bien sûr, également auteur du scénario comme toujours, que d’avoir su mettre en place une telle progression et ménager une forme de suspense quant à nos attentes et à notre réception de son film : on peut légitimement penser au terme de son 1er tiers que le film va s’engager sur un chemin tortueux, en tout cas plus sombre que ce à quoi on pouvait s’attendre. Et puis pas du tout, donc.

Virage à 180° donc, ou presque, pour Cédric Anger, après 3 premiers films graves et notamment un précédent, La prochaine fois je viserai le cœur, très étouffant : L’Amour est une fête est une comédie, au sens propre.

Sur le fond, c’est un très joli et touchant hommage au monde du cinéma porno d’antan, comprendre d’avant le numérique, internet et les scènes tournées à la chaîne dans des chambres d’hôtel de Budapest. Un monde dans lequel il était, c’est ce qu’on dit en tout cas, et qu’on nous raconte volontiers, encore possible de s’amuser et d’apporter un certain soin, un certain savoir-faire aux films produits (réalisateurs cinéphiles, scénarios un peu écrits, utilisation de la pellicule, acteurs et actrices nourrissant encore l’espoir de passer du X au cinéma traditionnel). Hommage aussi touchant que sincère, également incarné via le caméo de 2 des stars de l’époque, Alban Ceray et Marylin Jess (les Vrais savent). Voir, aussi, la belle affiche du film, sensuelle et 70s. C’est le côté Boogie Nights du film (mais ça s’arrête là pour les similitudes, Anger s’en expliquera d’ailleurs très bien).

J’ai des réserves, notamment sur l’aspect purement comique du film (j’ai pas toujours trouvé ça très drôle, et le fait d’avoir vu le film dans une salle pleine et très enthousiaste dès les toutes 1ères secondes, un contexte très « avant-première » donc, se révèle souvent encore plus trompeur ; je pense notamment à toute la séquence du retour de Gilles Lellouche auprès de sa famille que j’ai trouvée franchement embarrassante), mais c’est un film tendre et touchant, nourri d’une certaine mélancolie et d’une petite dose de nostalgie, sans pour autant verser dans le passéisme, infusant une douce euphorie, un sentiment positif. A ranger dans la catégorie film-sourire-aux-lèvres.

L’équipe du film s’est déplacée en nombre pour le défendre : sur la photo ci-dessous, et de gauche à droite, les actrices Camille Razat, Elisa Bachir Bey et… Valeria Nicov ? j’ai oublié de qui il s’agissait…; le réalisateur Cédric Anger; et les acteurs Xavier Alcan et Gilles Lellouche. Mention spéciale d’ailleurs pour tout le casting féminin, très sexy, et filmé de façon appropriée par Anger, sans une once de vulgarité ou de putasserie.

Guillaume Canet n’était pas du voyage, au grand dam d’une large partie féminine et trentenaire du public, manifestement en attente. Elles se sont consolées avec Lellouche, aussi sympathique et vanneur qu’on l’imagine.
Marrant d’avoir enchaîné 2 AP en 3 jours : sur le coup, j’ai trouvé Mathieu Sapin confus et plat pour parler de son film (Le Poulain), avec le recul, les prises de parole de Cédric Anger se s’ont révélées encore plus cruelles pour lui. D’abord critique aux Cahiers du cinéma, puis scénariste (notamment pour Xavier Beauvois, acteur dans L’Amour est fête et génial dans le rôle d’un réalisateur de films porno), Anger a beaucoup de recul sur son métier, son film et il en parle très bien.
Séance de questions-réponses un peu courte faute, étrangement, de questions de la part du public d’autant que la salle était pleine, c’est dommage de pas en avoir profité : j’ai évidemment pensé à plein de questions SUPER intéressantes à peine sorti de la salle. Mais chouette soirée donc, et un film que je conseille.

Le Poulain – avant-première Gaumont Toulouse

Arnaud Jaurès, 25 ans, novice en politique, intègre par un concours de circonstances l’équipe de campagne d’un candidat à l’élection présidentielle. Il devient l’assistant de Agnès Karadzic, directrice de la communication, une femme de pouvoir et d’expérience qui l’attire et le fascine.
Sans l’épargner, elle l’initie aux tactiques de campagne, et à ses côtés il observe les coups de théâtre et les rivalités au sein de l’équipe, abandonnant peu à peu sa naïveté pour gravir les échelons, jusqu’à un poste très stratégique. (Allociné)

Mathieu Sapin est d’abord connu pour son travail d’illustrateur et dessinateur de BD. En 2012, il a suivi la campagne de François Hollande pour la primaire socialiste, puis s’est vu accrédité à l’Elysée pour en dessiner les coulisses (suite à l’élection d’Hollande donc). Il a tiré 2 albums de cette expérience, et aujourd’hui, un film (en 2016, il a été nommé Chevalier des arts et des lettres mais je suppose que ça n’a AUCUN RAPPORT avec ce qui précède).

Le Poulain décrit donc les arcanes à la fois d’une élection et de l’exercice du pouvoir, à travers la trajectoire d’un jeune assistant qui se retrouve au milieu de tous ces requins qui pensent qu’à leur sale djeule de petits énarques de merde : la question sera posée à Sapin à l’issue du film (« vous avez pas peur que ce genre de films détourne encore plus les gens de la politique ? ») et il confirmera que bon, c’est quand même un milieu où, on va pas se mentir, il faut bouffer les autres avant d’être bouffé soi-même. Dont acte.

Le film est donc relativement prévisible. Ce milieu qui fascine ( ?) autant qu’il dégoûte, on ne le connaît pas à moins d’y appartenir et pourtant, on sait parfaitement à quoi s’en tenir : coups bas, volte-face, trahisons, compromis etc., le film montre tout ça, pas de surprises. Il choisit de le faire sur un mode comique, via la satire. C’est là que le bât blesse pour moi : les dialogues ou situations sont eux aussi très (trop) prévisibles et sans surprises, pour ne pas dire carrément paresseux (le coup du SMS incendiaire envoyé par erreur à la personne qu’on incendie, c’est pas possible, on a pas le droit).

Le Poulain se suit néanmoins sans déplaisir (j’ai quand même soufflé et levé les yeux au ciel à plusieurs reprises), peut-être en raison de sa prévisibilité précisément, qui le rend confortable, mais aussi grâce à sa distribution, irréprochable pour le coup : Alexandra Lamy en requine volontariste, Gilles Cohen en gentil candidat un peu dépassé, Katerine en fantasque théoricien de l’ombre, tous sont épatants. Finnegan « Mike » Oldfield prête lui sa maladresse et son visage juvénile encore neuf sur les écrans au personnage du « poulain », catapulté du jour au lendemain en tant qu’assistant du personnage interprété par Alexandra Lamy, et qui apprend, puis maîtrise rapidement les rouages de ce monde qui lui était pourtant totalement inconnu.

A l’issue de la projection, traditionnelle séance de questions-réponses entre le public très grand public et le réalisateur, Mathieu Sapin donc, et son interprète principale, Alexandra Lamy.  Evidemment, les gens sont là pour elle : elle se fait méthodiquement mitrailler en silence par les téléphones portables.

Elle arrivait manifestement de la salle de sport.

Séance courte et sans grand intérêt : elle a pas grand-chose à dire sur ce rôle relativement banal et transparent de femme-forte-qui-n’est-pas-une-salope-car-elle-doit-exister-comme-elle-peut-dans-un-milieu-d’hommes et j’ai trouvé que Mathieu Sapin défendait son film de manière assez maladroite et confuse, se perdant parfois dans de longues phrases pour raconter des anecdotes peu intéressantes. Et quoi de plus chiant qu’une personne qui ne sait pas raconter une anecdote sans intérêt ?

Quand même, la traditionnelle, elle aussi, question nawak de la part d’un spectateur (y en a toujours une) : « il serait possible de connaître les cachets des acteurs sur le film ? ». Oui, bien sûr, et puis on en profitera pour te glisser le fin mot sur l’assassinat de JFK par la même occasion. Les gens…

Brillantissime – critique

J’en vois des merdes chaque année. J’avoue sans mal que j’y prends parfois un certain plaisir (pervers ou masochiste, peu importe comment on le qualifie). Et sans vouloir me dédouaner ni me justifier, j’y trouve un intérêt : à choisir, vaut mieux voir uniquement des bons films évidemment mais je pense que c’est important de voir des bouses de temps à autre, pas trop souvent non plus, faut doser, mais il faut en voir pour pleinement réaliser, ou se souvenir, à quel point c’est difficile de réaliser un film. Avoir quelque chose à raconter, quelque chose de léger ou de grave, de divertissant, d’intime etc., écrire des scènes, des situations, des personnages, des dialogues, choisir toute une équipe autour de soi, des comédiens, les diriger, utiliser (ou pas) de la musique/des chansons etc etc. C’est difficile de tout réussir, et quand on y parvient, ou plutôt quand on constate que le réalisateur ou l’équipe du film, y est parvenue, c’est merveilleux bien sûr, et c’est la raison pour laquelle on continue à aller au cinéma et à aimer certains films avec passion.

Des merdes, j’en vois donc, notamment dans ce genre à part entière qu’est devenu «la comédie française grand public ». Un genre hier régulièrement noble et enthousiasmant, qui l’est de moins en moins malheureusement pour plein de raisons qu’il serait intéressant d’analyser ou de lister mais c’est pas l’objet (perso, je pense que ça a commencé à sérieusement merder lorsque le moindre comicaillon issu de Canal Plus s’est senti pousser des ailes et s’est cru légitime sur  le grand écran).

Toujours est-il que « la comédie française grand public » est devenue tellement merdique dans sa globalité que nombre de papiers ont tenté d’analyser le phénomène. On peut même dire qu’il s’agit désormais d’une des marottes perverses des cinéphiles et cinéphages : jusqu’où peut-on descendre plus bas ? Quand est-ce qu’on va arrêter de prendre les gens pour des cons ? Pourquoi Franck Dubosc n’a-t-il pas les rôles qu’il mérite ? etc etc. Voir notamment l’excellent top réalisé chaque année par les gens de Slate (clique ici), qui permet à la fois de bien choisir les merdes qu’on va s’infliger avec une délectation masochiste, ou à l’inverse qui permet de mettre en lumière des films noyés au milieu du flot de sorties hebdomadaires et/ou qu’on aurait négligé pour délit de sale affiche. C’est par exemple grâce à ce top que je suis allé voir le génial Le Nouveau, une des plus belles réussites de ces dernières années, ou le très sympathique La Colle sorti l’an dernier).

Tout ça pour dire que j’ai eu beau me taper une palanquée de daubasses innommables, j’étais pas préparé à ça : Brillantissime, le 1er film écrit et réalisé par Michèle Laroque.

Honnêtement, j’ai halluciné. Sérieux ! Pour 2 raisons essentiellement.

Tout d’abord, l’ego trip : honnêtement là encore, on peut arrêter de se foutre de la gueule de Tom Cruise, Kanye West, Mariah Carey ou Cristiano Ronaldo parce que c’est des petits joueurs à côté de Mme Baroin. Brillantissime, c’est tout simplement une ode à Michèle Laroque, par Michèle Laroque. Elle est de tous les plans : cheveux attachés, lâchés, robe décolletée, robe de soirée, talons hauts, plats, manteau pied de poule, pyjama etc etc. Tout y passe. D’ailleurs on a droit à une séquence d’essayage de fringues à la Pretty Woman  (ça situe le niveau d’originalité du truc déjà). En outre, ses amis, les gens qu’elle croise dans la rue (à Nice, ville où elle est née et a grandi), les commerçants, tout le monde lui répète combien elle est belle, fraîche, séduisante (je mens pas, c’est dans le film !). Hallucinant. Et du coup le titre prend une dimension intéressante puisqu’il s’agit manifestement de premier degré.

Là par exemple, elle se balade avec des fleurs offertes par les commerçants parce que « tchi’est trop belle ma chériiiiiiie! » Very Dick. Rivers, un niçois lui aussi. Putain de boucle bouclée.

L’autre raison c’est… comment dire… Y a rien dans Brillantissime. Mais quand je dis « rien » c’est vraiment RIEN : je parle pas de tension dramatique ou d’enjeux de quelque nature que ce soit évidemment, on en est pas là, mais pas de gags, pas de répliques, pas de séquence qui fasse non pas mouche, on en est pas là du tout non plus, mais qui suscite un tant soit peu d’intérêt. Rien. Nib. Nada. Ca se résume à une succession de scènes mal écrites, mal filmées, mal jouées (putain, les mecs, les acteurs je veux dire, Kad Merad, Gérard Darmon et Pascal Elbé, ne font AUCUN effort, c’est dingue) qui tombent irrémédiablement à plat. A tel point que c’est ce qui m’a tenu en éveil: « ah c’est fini là, c’était la chute? » « Non mais c’est pas le climax de la scène ça quand même?!  » etc etc.
A un moment, sur les conseils de sa gynéco, ou de sa sexologue, je sais plus, j’ai commencé à plier mon linge à ce moment là parce que faut quand même pas déconner même si ça dure seulement 1h20, elle va s’acheter des sex toys dans un sex shop. Cocasse ! Elle a honte évidemment, alors elle porte un imper avec le col relevé, des lunettes de soleil pour passer inaperçue. Et quand elle arrive à la caisse, elle dit que c’est pour faire une blague à une collègue. Voilà, c’est une scène du film et c’est le gag de cette scène.

Cette scène est particulièrement embarrassante. En vérité, j’ai absolument rien compris à ce qu’elle avait essayé d’y faire.

Je passe sur les incroyables facilités scénaristiques ou les largesses prises avec la vraisemblance: j’en suis pas un forcené et je m’accommode aisément de la convention du grand-appart-sur-l’île-Saint-Louis-payé-avec-un-salaire-de-prof dans les comédies, d’autant plus lorsqu’elles sont réussies. Mais là, non seulement la nana vit dans un T56 à Nice avec vue sur la Méditerranée mais lorsque son mari la quitte (c’est ça le pitch du film: elle se fait larguer à 50 ans, elle doit se reconstruire)… ben rien,  tranquilou, elle a pas besoin de bosser, ou de se remettre à bosser, ou à trouver du pognon, tout roule sans qu’il soit jamais fait la moindre mention des contraintes matérielles. OK, à ce niveau de nullité, c’est un détail mais à ce niveau de nullité, c’est aussi une circonstance aggravante.

Sa fille, qui joue le rôle de sa fille. Auto-fiction ! Et un joli pyjama qu’elle porte A MERVEILLE.

Taxi 5, que j’ai trouvé absolument immonde et devant lequel j’ai rapidement jeté l’éponge, je peux comprendre: y a des nains, des gros, du caca, Gastambide touille tout ça a minima, pour flatter les plus bas instincts de son public mais y a au moins quelques ingrédients, des gags/répliques clairement identifiables, dont on voit bien qu’ils sont censés êtres drôles. Qu’est ce que j’ai fait au bon Dieu ? je ne comprends que trop bien… Mais ici: rien, encore une fois. J’insiste: le néant total ! Bordel, à qui s’adresse ce film ? Qui peut bien trouver ça sympa, mignon, drôle (puisque c’est manifestement ce que cherche à atteindre Laroque)? Qui a aimé ce film ? Sérieusement, à ce stade là, ça m’intéresse. En même temps, après ce que je viens de dire, je comprendrais que vous vous manifestiez pas. Mais si, svp, prenez un pseudo et confiez-vous, racontez-moi ce que vous avez aimé dans ce film. Vous verrez, vous vous sentirez beaucoup mieux après vous être libérés de ce poids.

Françoise Fabian. Ma nuit chez Maud (soupir).

Cerise sur le gâteau: alors que j’étais déjà scandalisé, révolté que des producteurs aient pu accepter de financer un truc pareil (non mais sans déconner hein, ça m’a mis hors de moi !), j’apprends que le film a été (en partie) crowdfundé
Mais putain les gens, merde quoi ! Vous avez filé du pognon à Laroque pour qu’elle puisse monter son ego trip de merde puis vous raquez à nouveau pour aller voir le film ? (puisqu’en contrepartie, y a juste le nom des contributeurs au générique du film). « J’avais envie de créer une communauté de gens qui ne font pas ce métier et les embarquer sur la planète cinéma. J’avais envie de partager ça » a déclaré Michèle Laroque. « La planète cinéma »… Putain, les gens…

Sa fille joue dans un groupe de rock qui ferait passer Calogero pour Iggy Pop. D’ailleurs les gens sont assis dans la salle de concert (véridique).

Avec tout ça, c’est un des films que je retiendrai cette année, avec Phantom Thread, Under the Silver Lake, Mes Provinciales. Mieux : c’est sans doute le pire truc que j’ai vu depuis des années.
Il est possible que j’ai piqué ta curiosité et que tu aies envie de le voir maintenant mais il faut pas : c’est pas Taxi 5 ou Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu (pour citer à nouveau 2 exemples de comédies édifiantes selon moi), 2 films qu’on peut juger intéressants pour ce qu’ils révèlent de notre époque, de l’humour actuel, de la société française même, pourquoi pas. C’est juste terriblement nul et triste, un long spot d’auto-promo vide et complaisant.

Budapest – avant-première Gaumont Wilson, Toulouse

Vincent et Arnaud ont beau avoir fait la plus grande école de commerce française, ils s’ennuient ferme dans leur travail. 
L’un, Vincent, travaille avec acharnement pour une multinationale sans aucune reconnaissance. L’autre, Arnaud, stagne dans la société du père de sa femme, Audrey. A l’occasion de l’enterrement de vie de garçon d’un de leurs amis, qui est un vrai échec, ils font la rencontre d’une strip-teaseuse qui leur parle de Budapest. Vincent a alors une idée qui va changer leur vie : créer une entreprise qui organise des enterrements de vie de garçon dans cette ville de débauche, où les boîtes de nuit pullulent, l’alcool coule à flots et la démesure est au rendez-vous.
Après avoir abandonné leur emploi, et emprunté beaucoup d’argent, Vincent et Arnaud se lancent. Avec l’aide de Georgio, un expatrié qui leur a fait découvrir les « trésors cachés » de Budapest, ils créent l’agence de voyage « Crazy Trips ».
Après des débuts hésitants, « Crazy Trips » envoie de plus en plus de clients à Budapest, pour y faire la fête arrosée à la palinka, danser enchaînés à des stripteaseuses, mais aussi profiter de certaines activités offertes par ce pays d’ex-URSS comme conduire des tanks et tirer à la kalachnikov sur des cibles. Mais cette aventure entrepreneuriale va bouleverser l’existence de Vincent et Arnaud. Car cette nouvelle vie entre Paris et Budapest mettra à l’épreuve à la fois leur amitié fraternelle, mais aussi leur couple. Et ils vont se confronter aux risques du métier…(Allociné)

Trop long ce pitch…

En quelques mots pour les impatients : Budapest raconte l’histoire (vraie) de 2 amis qui décident d’organiser des séjours-EVG à Budapest parce que c’est moins cher et donc plus rentable qu’à Paris, Londres ou même Berlin (« c’est Berlin mais gratos! » dit à un moment le personnage interprété par Jonathan Cohen).

On va pas se mentir : malgré toute la sympathie que peuvent inspirer ses 3 interprètes principaux, elle fait peur cette bande-annonce. Genre de Very Bad Trip à la française tro délir, elle laisse en outre craindre sinon une apologie, du moins une utilisation/mise en scène légère de l’un des trucs les plus beaufs et cons devenus à la mode ces dernières années : les « packs » EVG (séjours enterrement de vie de garçon incluant vol, hôtel, activités, beuverie etc etc). Bonus glauquerie si organisé dans un pays de l’Est, avec tout ce que ça implique en termes de fantasmes cheap et malsains.

Mais, justement, il est là le truc : les 3 interprètes principaux. Manu Payet, Monsieur Poulpe, Jonathan Cohen, soit 3 des meilleurs keumiques/acteurs de comédie apparus ces dernières années en France. C’est évidemment pour eux avant tout que je me suis rendu à l’avant-première de Budapest, avec malgré tout l’espoir également que le film ne serait pas

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exactement conforme à sa bande-annonce.

Eh ben j’ai pas été déçu : sans être exempte de lourdeurs, longueurs, facilités voire complaisances, Budapest est une comédie qui réserve régulièrement de très bons gags/moments/répliques. Pas tout à fait le véhicule hétéro-beauf redouté donc.

Pas tout à fait mais un peu quand même : Payet (qui a co-écrit le film et devait le réaliser à la base; c’est finalement, et étonnamment Xavier Gens, réalisateur notamment de Hitman, qui s’y est collé) explique à son issue avoir voulu raconter une success story française et ça n’est évidemment pas un hasard s’il a choisi l’histoire des 2 fondateurs de Crazy Nights (rebaptisé en « Crazy Trips » dans le film) plutôt que celle de Michel et Augustin (comme il lui a été suggéré par une spectatrice). Il l’a dit lui-même avec humour et honnêteté, les conflits et enjeux au centre du projet de 2 gars qui montent ce type d’entreprise sont un poil plus intéressants que ceux de 2 types qui se demandent avant tout s’il faut rajouter du beurre ou du chocolat dans leurs cookies.

Donc Budapest se met en mode success story et ne remet pas vraiment en cause le fait que les mecs se fassent du blé en alimentant les fantasmes à base de putes de l’Est (disons les choses comme elles sont) de jeunes mecs en mal de sensation fortes ( ?) … mais un peu malgré tout : c’est là que le film se montre plus fin que ce qu’on peut légitimement craindre à la lecture de son pitch et en voyant sa bande annonce. En effet, cette dernière occulte notamment les personnages des 2 compagnes des héros (excellentes Alice Belaidi et Alix Poisson, interprètes des épouses de Manu Payet et Jonathan Cohen respectivement). Elles apportent constamment un contrepoint aussi salutaire que pertinent, révélateur du fait que les auteurs et le réalisateur ne sont pas dupes ni complices. D’ailleurs, au bout du compte, Budapest ne joue finalement pas tant que ça sur les clichés des bonnasses-du-Danube et c’est évidemment à mettre à son crédit. Voir également la peinture assez fine de l’évolution, en parallèle des 2 couples (même si celle du couple Cohen/Poisson n’échappe pas à certains clichés justement).

J’aurais bien aimé leur poser la question ceci dit, pour avoir le fin mot de l’histoire (au-delà du fait que c’est sans doute un bon terreau pour une comédie, ils en pensent quoi au fond des EVGs de ce genre?), j’étais dans les starting-blocks mais j’étais évidemment pas le seul, tous les spectateurs qui le souhaitaient n’ont pas pu avoir la parole, loin s’en faut.

Ceci étant, fin de la parenthèse fond-du-film: ça reste une pure comédie et dans ce registre seul, Budapest réserve de très bons moments dus notamment à l’abattage, à la complicité évidente et au talent de ses 3 interprètes principaux, encore eux. Comme dans Radiostars ou Situation amoureuse c’est compliqué, autres comédies auxquelles Payet a largement contribué et dans le registre desquelles Budapest se situe par bien des aspects, on sent le mec vraiment à l’aise dans les scènes à 2 ou 3 qui racontent l’amitié, la complicité, à base de petits détails anodins, de petites annotations qui mises bout à bout créent un ton et font la valeur de son écriture. Enfin, tout ça pour dire que le mec a du talent, c’est évident, et qu’il a trouvé en Jonathan Cohen et Monsieur Poulpe (dans un registre davantage électron libre) des partenaires de jeu idéaux.

Bonne surprise donc même si je conseillerais pas le film à tout le monde: c’est parfois très cru, de manière très naturelle d’ailleurs, encore un bon point, mais du coup ça plaira évidemment pas à tout le monde.

Après la séance, Manu Payet et Monsieur Poulpe se sont livrés au traditionnel exercice des questions-réponses avec le public : malgré la lassitude de fin de tournée (qu’ils ont eux-mêmes confessée), ils n’en ont rien laissé paraître et se sont montrés égaux à l’image qu’on peut avoir d’eux à savoir disponibles, drôles, alertes. Ils nous ont même gratifié d’un mini-sketch sur le mode vrai-faux incident en direct live, très drôle. Questions sur le film pour faire gagner quelques cadeaux, vannage des spectateurs, auto-vannage, ils ont fait le show et c’était aussi réussi qu’agréable.

Après 45 bonnes minutes, ils se sont livrés au désormais traditionnel exercice des selfies avec le public. Très pros sans en avoir l’air là aussi.
Chouette soirée donc.

Mes provinciales – critique

Étienne monte à Paris pour faire des études de cinéma à l’université. Il y rencontre Mathias et Jean-Noël qui nourrissent la même passion que lui. Mais l’année qui s’écoule va bousculer leurs illusions… (Allociné)

Quelques mots, rapidement encore, pour mettre un peu en lumière un film qui ne doit plus jouer dans beaucoup de salles j’imagine. Et c’est bien dommage car c’est tout simplement l’un des plus beaux de l’année pour l’instant.

Ce qui m’a le plus impressionné dans Mes provinciales, c’est qu’il parvient à la fois à représenter une somme, à plusieurs niveaux, tout en gardant une fulgurance, une fraîcheur, incroyables.

On pense bien sûr « Nouvelle vague » en premier lieu, et on a raison : entre Truffaut, Eustache, Rohmer ou même Garrel, Jean-Paul Civeyrac ne veut pas choisir.

On pense ensuite « roman », au sens large, noble et XIXème du terme: entre Les Illusions perdues et L’Eductation sentimentale, entre Balzac et Flaubert, pourquoi choisir là aussi lorsqu’on a suffisamment de talent pour tout embrasser dans un même élan?

XIXème toujours, Mes provinciales a tout du bildungsroman parfait: le héros qui monte à Paris depuis sa province pour s’y construire une nouvelle vie, plus grande et plus belle que celle à laquelle il était censé aspirer (Etienne, interprété avec le recul et la fausse passivité adéquates par l’excellent Andranic Manet, sorte de fusion Carl Barat/Julian Casablancas), ses amours, ses amis, ses rencontres, sa formation etc. Cette année que l’on passe à ces côtés (le film dure 2h15, indispensable, pas un plan, pas une seconde de trop) va tout lui faire appréhender et bouleverser: les idéaux auxquels on s’accroche coûte que coûte puis les petits arrangements avec soi-même, l’espoir, l’exaltation, l’amour, l’amitié, la Vie, la Mort. Et les illusions perdues, encore.


Si le film est pétri de références, il n’en garde pas moins comme je le disais en préambule, une fraîcheur incroyable: ça n’est évidemment pas dû au seul ancrage contemporain du film (on skype, on visionne les classiques du cinéma russe sur son PC portable), plutôt à l’association de cet ancrage avec un classicisme voire un universalisme évident et assumé, puisque Mes provinciales raconte rien moins que la grâce et le malheur de la jeunesse. Il faut donc aussi évoquer la mise en scène, faite de blocs plus ou moins étirés, qui s’attache toujours à coller au plus près des visages et du texte avec fièvre et douceur à la fois.

Il faut aller voir ce film ultra-romantique, au sens premier et noble du terme là encore, traversé de fulgurances sublimes, porteur d’une ferveur, d’une incandescence dingues (« Chaque jour je vis de foi, de courage et meurs chaque nuit aux feux de l’extase » pour reprendre la citation de Novalis sur l’affiche), et, c’est presque accessoire finalement alors que c’est son point de départ, d’un immense amour du cinéma. Je dis « un des plus beaux films de l’année » mais c’est sans doute un peu plus que ça en vérité.

La Nuit a dévoré le monde – critique

En se réveillant ce matin dans cet appartement où la veille encore la fête battait son plein Sam doit se rendre à l’évidence : il est tout seul et des morts vivants ont envahi les rues de Paris. Terrorisé, il va devoir se protéger et s’organiser pour continuer à vivre. Mais Sam est-il vraiment le seul survivant ? (Allociné)

Quelques mots rapido, comme j’en prends l’habitude, pour conseiller d’aller voir un film qui ne restera pas longtemps à l’affiche. Un film de zombies. Un film français de zombies.

Tout est là évidemment: c’est clairement pas The Walking Dead. Mais si La Nuit a dévoré le monde ne mise pas tout sur la carte horrifique/suspense/gore, cet aspect là est quand même bien traité. Comprendre: le film n’est pas seulement une rumination minimaliste parisianisto-Femis, il est également crédible dans ses quelques séquences/passages obligés du genre (les zombies eux-mêmes, un Paris vidé de ses habitants et livré à ces mêmes zombies, les attaques de zombies, le dégommage de zombies etc).

Cependant, j’y viens, le véritable intérêt du film est ailleurs : Sam est « bloqué » dans un appartement parisien et on va passer 1h30 en sa seule compagnie, ou presque. Parti-pris minimaliste donc, intimiste, voire austère, fort quoiqu’il en soit, qui fait de La Nuit a dévoré le monde un drame psychologique davantage qu’un survival.

Quand t’as bien l’intention de te faire la personne qui a choisi les rideaux

S’il fait le pari de ne pas singer ni marcher dans les pas d’Hollywood, une gageure mine de rien lorsqu’on réalise un film de genre, c’est pourtant bien à 2 films américains que La Nuit a dévoré le monde fait le plus penser. En premier lieu Seul au monde : les enjeux sont exactement les mêmes pour les personnages interprétés par Tom Hanks et Anders Danielsen Lie. Une fois la panique et la sidération sinon évacués, du moins sous contrôle, il faut survivre et surtout, organiser sa survie (trouver la nourriture, la rationner, s’aménager un cocon, se laver, s’occuper, tâcher de ne pas devenir fou, envisager un futur peut-être? etc). Mais comme on est en France et qu’on est pas des forcenés du placement de produit, c’est Denis Lavant, The Actor, qui interprète Wilson.

On pense aussi à cet autre beau film post-apocalypse, Je suis une légende, qui est quasiment cité par le personnage de Sam (avec cette fois un chat à la place du chien).
On peut penser à pas mal d’autres œuvres je suppose mais aucune ne s’impose comme une influence ou une référence majeure et ça c’est toujours une bonne chose: La Nuit a dévoré le monde se révèle peu à peu comme un film singulier, à la fois film de zombies donc, méditation existentielle, étude de caractère, parabole sur le protectionnisme et la peur de l’Autre, que sais-je encore.

Il vaut mieux le savoir avant d’aller voir le film: vu leurs réactions pendant et après la séance, pas mal de personnes dans la salle ont manifestement été surprises par la lenteur, la dimension contemplative et relativement anti-spectaculaire du film. Mais sachant cela, il faut aller voir La Nuit a dévoré le monde car il offre une vraie proposition de cinéma, qui se déploie sur la longueur, avec cohérence et conviction.

Pronostics César 2018

Cette année, j’ai décidé non pas de dissoudre l’Assemblée Nationale mais de livrer mes pronostics sur les nominations aux César dont la cérémonie aura lieu demain soir. Débrief de la cérémonie (présentée cette année par le sympathique Manu Payet, déjà un bon point par rapport à l’an dernier) si j’ai le temps pendant le weekend.
J’ai pas vu tous les films (Patients? Le film de Grand Corps Malade? Sans déconner?) mais le jour où on pourra pas critiquer sans savoir, ça sera le début de la fin.

  • Meilleur film :
    120 Battements par minute
    Au Revoir là-haut
    Barbara
    Le Brio
    Patients
    Petit Paysan
    Le Sens de la fête

Souhait: Petit paysan, haut la main. Un film très « cinéma français 2018 » en plus, qui colle vraiment à son époque je trouve. Ce qui peut-être perçu comme un défaut aussi, je te l’accorde.
Vainqueur probable: 120 Bpm. Sans appel je suppose.

 

  • Meilleure actrice :
    Jeanne Balibar (Barbara)
    Juliette Binoche (Un beau soleil intérieur)
    Emmanuelle Devos (Numéro Un)
    Marina Foïs (L’Atelier)
    Charlotte Gainsbourg (La Promesse de l’Aube)
    Doria Tillier (Monsieur & Madame Adelman)
    Karine Viard (Jalouse)

Souhait: que Doria Tillier ne soit pas nommée (non mais sans déconner… direct « meilleure actrice », sans passer par la case « meilleur espoir féminin »? En vertu de quoi? J’ai rien contre elle mais c’est n’importe quoi) et que Nicolas Bedos n’ait jamais existé. Mais c’est pas la question. Je dirais donc Juliette Binoche, sur des critères purement hetero-beaufs.
Vainqueur probable: Balibar l’a pas déjà eu? Si oui, Binoche, sinon ça sera Balibarbara. Biopic, biopic d’auteur, faux-biopic d’auteur, faux biopic d’auteur d’artiste inattaquable, faux biopic d’auteur d’artiste inattaquable réalisé par son ex, n’en jetez plus.

Malgré une scène de danse AVEC LES YEUX FERMES

 

  • Meilleur acteur :
    Swann Arlaud (Petit Paysan)
    Daniel Auteuil (Le Brio)
    Jean-Pierre Bacri (Le Sens de la fête)
    Albert Dupontel (Au Revoir là-haut)
    Guillaume Canet (Rock’n’Roll)
    Louis Garrel (Le Redoutable)
    Reda Kateb (Django)

Souhait: Swann Arlaud, à la fois charismatique, naturel et interprète. Prestation de haut vol.
Vainqueur probable: Bacri, pour une forme de consécration. En plus il sera pas là, donc les réacs diront encore « et voilà, bravo la France, les mecs sont payés des fortunes et ils font la gueule, pas foutus de se déplacer » et blablabla. Et tout le monde est content.

L’Homme qui a vu la bête

 

  • Meilleure actrice dans un second rôle :
    Laure Calamy (Ava)
    Anaïs Demoustier (La Villa)
    Sara Giraudeau (Petit Paysan)
    Adèle Haenel (120 Battements par minute)
    Mélanie Thierry (Au Revoir là-haut)

Souhait: Laure Calamy, assez insupportable en mère borderline mais ça serait une belle reconnaissance pour cette actrice toujours impeccable chez tout le monde.
Vainqueur probable: les yeux grands ouverts d’Adèle Haenel.

 

  • Meilleur acteur dans un second rôle :
    Niels Arestrup (Au Revoir là-haut)
    Laurent Lafitte (Au Revoir là-haut)
    Gilles Lellouche (Le Sens de la fête)
    Vincent Macaigne (Le Sens de la fête)
    Antoine Reinartz (120 Battements par minute)

Souhait: Macaigne, même s’il macaignise à mort dans ce rôle (et film) paresseux.
Vainqueur probable: Macaigne, en mode adoubement-par-l’establishment-du-chien-fou-longtemps-underground.

 

  • Meilleur espoir féminin :
    Iris Bry (Les Gardiennes)
    Laetitita Dosch (Jeune Femme)
    Eye Haidara (Le Sens de la fête)
    Camélia Jordana (Le Brio)
    Garance Marillier (Grave)

Souhait: Iris Bry, une vraie révélation pour le coup, bluffante dans un rôle super grave qu’elle endosse avec une innocence et un aplomb remarquables.
Vainqueur probable: Laetitia Dosch pour ce que je pressens être LE grand moment de gêne de la soirée lors de son discours de remerciement (à moins bien sûr qu’on ait droit à la présence de Marion Cotillard pour une raison x ou y). Sinon Camelia Jordana, qui le mériterait tant elle est remarquable dans un rôle pas facile qui prêtait le flanc à la caricature.

Et pas de nomination pour Laura Smet… LAETITIA SALOPE !!!

 

  • Meilleur espoir masculin :
    Benjamin Lavernhe (Le Sens de la fête)
    Finnegan Oldfield (Marvin ou la belle éducation)
    Pablo Pauly (Patients)
    Nauel Pérez Biscayart (120 battements par minute)
    Arnaud Valois (120 battements par minute)

Souhait: aucun.
Vainqueur probable: Nauel Pérez Biscayart, vainqueur quasi annoncé; les autres, inutile de vous déplacer.

 

  • Meilleure réalisation :
    120 Battements par minute
    Au Revoir là-haut
    Barbara
    Grave
    Petit Paysan
    Le Redoutable
    Le Sens de la fête

Souhait: Je vais pas tout attribuer à Petit paysan… Grave est un peu trop Femis à mon goût et je n’ai pas aimé Barbara mais je salue le vrai parti-pris de ce dernier. Alors va pour Amalric.
Vainqueur probable: 120 Bpm (baîllements)

 

  • Meilleur film étranger :
    Le Caire Confidentiel
    Dunkerque
    L’échange des princesses
    Faute d’amour
    La La Land
    Noces
    The Square

Souhait: La La Land… Ah non pardon, je m’ai trompé, Dunkerque.
Vainqueur probable: La La Land. Ah non pardon, je m’ai trompé, The Square.

 

  • Meilleur premier film :
    Grave
    Jeune femme
    Monsieur & Madame Adelman
    Patients
    Petit Paysan

Souhait: qu’on fasse monter Nicolas Bedos sur scène pour lui faire croire qu’il a gagné puis qu’on lui dise « haha mais va crever grosse merde! » et qu’on l’éjecte à grands coups de pieds au cul. Sinon, Petit Paysan, qui d’autre sans déconner?
Vainqueur probable: Grave, pour montrer qu’on sait s’encanailler dans l’establishment.

Ce type me rend violent.

 

  • Meilleur scénario original :
    120 Battements par minute
    Barbara
    Grave
    Petit Paysan
    Le Sens de la fête

Souhait: dois-je vraiment le préciser?
Vainqueur probable: Le sens de la fête, pour montrer qu’on sait être populaire dans l’establishment. Et qu’on soutient l’effort national.

 

  • Meilleure adaptation :
    Au Revoir là-haut
    Les Gardiennes
    Patients
    La Promesse de l’aube
    Le Redoutable

J’ai lu aucun des bouquins donc je me prononcerai pas. C’est le Dupontel qui l’aura j’imagine.

 

  • Meilleur musique originale :
    120 Battements par minute
    Au Revoir là-haut
    Grave
    Petit Paysan
    Visages Villages

Souhait et vainqueur probable: 120 Bpm, Arnaud Rebotini, irréprochable.

 

  • Meilleur son :
    120 Battements par minute
    Au Revoir là-haut
    Barbara
    Grave
    Le Sens de la fête

Pas d’avis sur celui là.

 

  • Meilleur film d’animation :
    Le Grand méchant renard et autres contes
    Sahara
    Zombillénium

Je n’ai vu que Le Grand méchant renard qui est plutôt original et mignon.

 

  • Meilleur court-métrage d’animation :
    Le futur sera chauve
    I want Pluto to be a planet again
    Le jardin de minuit
    Pépé le Morse

J’en ai vu aucun

 

  • Meilleur film documentaire :
    12 jours
    A voix haute, la force de la parole
    Carré 35
    I am no your negro
    Visages Villages

Idem

 

  • Meilleur film de court-métrage :
    Les Bigorneaux
    Le Bleu blanc rouge de mes cheveux
    Debout Kinshasa
    Marlon
    Les Misérables

Pareil que Miguel

 

  • Meilleur montage :
    120 Battements par minute
    Au Revoir là-haut
    Barbara
    Petit Paysan
    Le Sens de la fête

M’en cogne un peu mais celui du Sens de la fête donne au film son rythme assez impeccable.

 

  • Meilleure photographie :
    120 Battements par minute
    Au Revoir là-haut
    Barbara
    Les Gardiennes
    Le Redoutable

Souhait: Les Gardiennes, qui parvient à évoquer L’Angelus de Millet et à s’en affranchir en même temps. Superbe travail de la grande Caroline Champetier.
Vainqueur probable: Au Revoir là-haut

 

  • Meilleurs décors :
    120 Battements par minute
    Au Revoir là-haut, Barbara
    La Promesse de l’aube
    Le Redoutable

Souhait: Le Redoutable, parce que la reconstitution est impeccable et parce que ça ferait chier pas mal de monde que le film reparte malgré tout avec une récompense.
Vainqueur probable: Au Revoir là-haut. La rédaction (et la lecture peut-être) de ce billet ressemble au visionnage de la cérémonie: tu démarres plein d’enthousiasme, assez rapidement tu trouves le temps long et tu finis en expédiant les dernières catégories.

 

  • Meilleurs costumes :
    120 Battements par minutes
    Au Revoir là-haut
    Barbara
    Les Gardiennes
    La promesse de l’aube

C’est une blague d’avoir nommé 120 Bpm? M’en fous un peu sinon. C’est le Dupontel qui l’aura évidemment.

Revenge – critique

Trois riches chefs d’entreprise quarantenaires, mariés et bons pères de famille se retrouvent pour leur partie de chasse annuelle dans une zone désertique de canyons. Un moyen pour eux d’évacuer leur stress et d’affirmer leur virilité armes à la main. Mais cette fois, l’un d’eux est venu avec sa jeune maîtresse, une lolita ultra sexy qui attise rapidement la convoitise des deux autres… Les choses dérapent… Dans l’enfer du désert, la jeune femme laissée pour morte reprend vie… Et la partie de chasse se transforme en une impitoyable chasse à l’homme… (Allociné)

Pas trop le temps donc juste quelques mots viteuf pour, je l’espère, t’encourager à aller voir ce film distribué dans les grands circuits mais qui ne restera sans doute pas très longtemps en salles.

Revenge appartient au genre rape and revenge: une fille se fait violer, elle se venge. Il sort évidemment à point nommé si je puis dire, d’autant qu’il est écrit et réalisé par une femme (Coralie Fargeat). Mais c’est presque anecdotique au vu de ce qu’il propose: franche série B avec quelques ponctuations carrément Z, Revenge s’adresse à un public averti. C’est violent. Très violent. Gore, au sens propre. J’avais un petit creux en entrant dans la salle, je prévoyais une bonne petite viennoiserie à la sortie: nope. Nope nope nope. Ah ça m’a bien retourné le bide…

Mais Revenge vaut davantage que son étiquette gore-attrape-geeks-déviants: objet pop et contemporain, film féministe bien sûr, mais surtout extrêmement chiadé dans sa mise en scène, il tire à merveille parti à la fois de ses sublimes décors naturels extérieurs (le désert) et intérieurs (cette magnifique villa de luxe perdue au milieu… du désert). C’est vraiment super bien découpé et monté.

Revenge n’est pas exempt de défauts: les scènes de dialogue notamment, ne sont pas les plus convaincantes, de même que la direction d’acteurs. Ni les acteurs eux-mêmes…
Mais il faut le voir car c’est un vrai film de genre bien crade qui ne verse ni dans la complaisance, ni à l’inverse dans l’auteurisme Femis. Un sens visuel et un sens du cinéma tout simplement, déjà bien affirmés, celui de la réalisatrice Coralie Fargeat donc, clairement à suivre.
Mais attention encore une fois: c’est vraiment gore.