Critiques en vrac

Bon, ça aura duré 2 mois, c’est pas mal quand même. Mais voilà, la vie, l’envie, font que j’ai fini par un peu délaisser le blog et donc par laisser tomber la promesse que je m’étais faite de consacrer un billet à tous les films que je verrais en salle. A tous les films et à tous les livres puisque je me suis remis à lire avec avidité, c’est sans doute la meilleure décision que j’ai prise depuis que j’ai renoncé à m’inscrire dans une salle de sport.

Alors je vais faire ça viteuf, histoire de, malgré tout.

Grâce à Dieu

J’ai une relation compliquée avecle cinéma de François Ozon, dont j’aime beaucoup certains films, et dont certains autres me donnent envie de le dénoncer aux autorités compétentes (son précédent par exemple, le ridicule L’Amant double). Mais voilà, régulièrement, le mec calme tout le monde avec une œuvre… indiscutable j’ai envie de dire : Grâce à Dieu est de celles-là. C’est fort, car l’histoire l’est et qu’Ozon la raconte avec une rigueur quasi-documentaire, qu’on ne lui connaissait pas, et c’est fort, car il construit son film de manière géniale, en accordant toute son attention à un personnage (celui interprété par un Melvil Poupaud très « passion Barbour »), pour finalement le délaisser au profit d’un autre (Denis Ménochet), puis d’un 3ème (Swann Arlaud). Il le fait en douceur, dans un glissement harmonieux, sans que les 2 personnages occultés lorsque le 3ème apparaît n’aient quitté notre esprit, et sans que, une fois les 3 héros/victimes réunis, on ait jamais le sentiment d’une construction classique et un peu facile de film-choral.

Ecriture remarquable donc, pour un film qui au final est tout autant un équivalent français à Spotlight (le scandale mis à jour très factuellement) et Zodiac (l’obsession de la vérité qui ronge, le Mal qui gangrène plusieurs personnages), qu’une remarquable et sensible étude de caractères. C’est même un film assez parfait en vérité.

Le Chant du loup

Curieux film, à la fois prévisible et inattendu dans le paysage du cinéma français. Vrai film d’action sans action, ou presque, et sans psychologie (ouf), il semble surfer avec brio sur le succès et la réussite du Bureau des Légendes : oui, on peut rivaliser avec Hollywood sur le terrain du suspense haletant, du moment qu’on ne reste pas sur le même terrain et qu’on utilise d’autres armes. Une réussite donc, malgré quelques maladresses et une utilisation assez curieuse de la musique (la 1ère scène avec Mathieu Kassovitz…).

Celle que vous croyez

Je regrette de pas avoir davantage de temps ni d’envie à consacrer au blog car ce film mériterait un billet à part entière. Plus encore que Doubles vies, qui fait davantage pitié qu’autre chose à force de banale médiocrité, j’ai accueilli Celle que vous croyez comme mon premier vrai mauvais film de 2019. Une catastrophe de chaque seconde ou presque, de la graine de nanar, un nid à frissons de la honte, yeux roulés vers le ciel et soupirs exaspérés. J’ai failli me barrer au bout d’une demie-heure et comme souvent en pareil cas, j’ai eu tort de ne pas le faire. On parle quand même d’un film où le personnage interprété par Juliette Binoche
– tape « insta » dans Google parce qu’elle sait pas ce que c’est « insta »
– danse les yeux fermés
– se caresse dans sa voiture avec son « amant » à l’autre bout du fil

Tout ça dans la 1ère demie-heure hein. Costaud.

On a ri, mais on a ri !

Pour terminer, je note que les 2 seuls films de 2019 que je n’ai vraiment pas aimés jusqu’ici (Doubles vies et Celle que vous croyez donc), sont 2 films consacrés à notre monde moderne de nouvelles technologies/omniprésence des rézosociaux, sur lequel ils posent un regard aussi largué que bourré de lieux communs.

Doubles vies – critique

Alain, la quarantaine, dirige une célèbre maison d’édition, où son ami Léonard, écrivain bohème publie ses romans. La femme d’Alain, Séléna, est la star d’une série télé populaire et Valérie, compagne de Leonard, assiste vaillamment un homme politique. Bien qu’ils soient amis de longue date, Alain s’apprête à refuser le nouveau manuscrit de Léonard… Les relations entre les deux couples, plus entrelacées qu’il n’y paraît, vont se compliquer. (Allociné)

Crise des gilets jaunes, réchauffement climatique, montée du populisme : Olivier Assayas n’élude aucun sujet qui fâche et livre un brûlot incendiaire, un film coup de poing, un uppercut dans la tronche du cinéma français.

Blague à part, je n’aime pas beaucoup Olivier Assayas (et pas beaucoup plus son frère rock critic, Mishka, mais c’est pas le sujet). Je trouve son cinéma appliqué, laborieux même, sans réel talent et donc sans intérêt. Je trouve qu’il n’a jamais rien à dire en vérité, et qu’il le dit mal. Bien sûr, comme tout le monde, il n’est pas à l’abri de la faute de bon goût, et certains de ses films se regardent sans déplaisir (Irma Vep, Demonlover). S’il m’agace autant au fond, c’est que je lui en veux d’être devenu l’incarnation la plus accomplie du cliché tenace que se plaisent à entretenir les contempteurs d’un cinéma français qui, selon eux, ne saurait être que verbeux, chichiteux, parisianiste, bourgeois.

Doubles vies, son dernier film, ne va pas arranger son cas et ceux qui, les pauvres, n’ont jamais pu sentir Rohmer, Truffaut ou Rivette, parleront volontiers d’un film destiné à un public de « gauchiasse boboïsante ».

Je ne rentrerai évidemment pas dans ce débat, qui n’en est d’ailleurs pas un, mais sur un strict plan cinématographique, c’est du pur Assayas: appliqué, laborieux, sans réel talent et (presque) sans intérêt.

Le presque, c’est l’un des volets de ce film double, celui de la comédie sentimentale. Oh, rien de fulgurant, encore moins d’inédit mais une classique histoire d’adultère entre couples amis, servie par une bonne distribution (avec un petit bémol pour Nora Hamzawi mais à sa décharge, pas facile d’exister face à 3 acteurs aussi aguerris et installés que Binoche, Canet et Macaigne).

Le second volet de Doubles vies, celui consacré à une réflexion autour des enjeux contemporains de l’édition, en particulier ceux liés à l’édition numérique, est édifiant. Un catalogue de clichés, de lieux communs, débités lors d’interminables tunnels de dialogues qu’on jurerait compilés à partir d’articles de L’Obs / Libération / Télérama sur le sujet. Et dire qu’Assayas passe pour un cinéaste-clairvoyant-sur-le-sujet-des-nouvelles-technologies… Idem lorsqu’il se hasarde sur le terrain de la création, avec une belle enfilade de clichés, encore, sur la fiction, l’auto-fiction, la réalité qui inspire les romanciers, la violation de l’intimité etc. Clichés éculés en plus. LE gag du film: le personnage interprété par Vincent Macaigne raconte dans son dernier bouquin s’être fait sucer lors d’une séance du Ruban blanc d’Haneke, alors que dans la réalité, il s’agissait de Star Wars, la Menace fantôme. On sent qu’Assayas sent qu’il tient un truc, qu’il s’amuse de sa pseudo-audace, que ça l’excite même peut-être. Misère… De manière générale, les tentatives d’humour sont assez pathétiques, avec toujours cette impression que sa bite (à l’humour) a un goût, qu’il aimerait bien mais qu’il ose pas. Ou qu’il ne sait pas, tout simplement.

Lorsqu’il se hasarde sur le terrain de la politique, Assayas vise (un peu) plus juste, en se reposant sur le personnage touchant et moins manichéen qu’il n’y parait de prime abord interprété par Nora Hamzawi. Là encore, rien de fantastique mais on échappe (un peu) aux lieux communs, à la condamnation  des politiques cyniques et de leurs porte-flingues sans états d’âme. C’est peu, mais au vu des considérations servies par ailleurs, il faut s’en contenter.

Un beau soleil intérieur – critique

Isabelle, divorcée, un enfant, cherche un amour. Enfin un vrai amour.
(Allociné)

Je sais pas pourquoi je suis allé voir ce truc alors qu’en tombant sur l’affiche dans la rue, le titre, la tronche de Binoche et la longue liste d’acteurs autour d’elle je me suis dit « popopopo c’est quoi cette horreur? »

Et en fait c’est pas si terrible que ça. C’est à la fois insupportable et juste, parfois drôle, volontairement et involontairement, parfois touchant, parfois gênant.

A un moment, la Binoche est dans son lit, elle a manifestement pleuré. Elle se redresse un peu, suffisamment pour dévoiler son oreiller taché de larmes et de bave-du-coin-des-lèvres.

A un autre moment, elle et quelques confrères du monde de l’art contemporain (elle est artiste) se rendent dans la Creuse pour un festival. Ils se baladent dans la nature et commencent à pérorer à tour de rôle sur la vraie campagne, ses paysages de rien pourtant magnifiques etc etc (parmi les pédants,  Bruno Podalydès et Bertrand Burgalat notamment). La Binoche explose alors, excédée et les renvoie à leur vanité / fatuité.

Tout ça pour dire qu’Un beau soleil intérieur prête souvent le flanc à la caricature mais qu’il semble en avoir conscience et c’est ce qui le rend intéressant: on a l’impression d’une tension et d’une recherche permanentes du ton juste, de la distance juste, difficile mais tenace, de la même manière qu’Isabelle, le personnage interprété par Juliette Binoche, cherche l’amour, le vrai.

« On a ri mais on a ri ! »

C’est assez courageux quelque part de réaliser un film aussi français, c’est à dire qui place la parole et les atermoiements amoureux au centre des enjeux (je synthétise), tout en en ayant conscience et en essayant donc de proposer quelque chose d’un peu nouveau ou, au moins, d’un peu différent. Pas toujours facile de trouver des variations autour du champ-contre champ, Claire Denis y parvient en scrutant les visages de très près, notamment celui de son actrice principale dont le film pourrait être un portrait en réalité (ce que tendrait à confirmer l’amorce de l’étonnant générique de fin).

Un beau soleil intérieur se termine nettement mieux qu’il n’a débuté, avec un enchaînement de scènes remarquables: d’abord drôle grâce au toujours génial Bruno Podalydès puis touchante avec l’énième confrontation d’Isabelle avec l’un de ses amants et enfin quasiment mythique grâce au gros Gégé, le seul, l’unique, ici dans le rôle pas du tout innocent du révélateur.

A voir donc je pense.
Après évidemment, il faut être capable
1. de se cogner un film qui s’intitule « un beau soleil intérieur ». C’est pas donné à tout le monde.
2. aussi belle soit-elle, et elle est vraiment très belle, de supporter des scènes où la Binoche pleurniche sur fond de jazz chiant. Ca aussi c’est costaud.
Parenthèse: le jazz chiant est signé, comme quasiment toujours chez Claire Denis, Stuart Staples des Tindersticks ici en mode non-mais-sans-déconner : j’ai toujours tenu les Tindersticks pour un des groupes les plus surestimés qui soient mais alors là le mec se surpasse dans l’indigence.

Et c’était pas vraiment une parenthèse car j’ai fini.