Encore une grosse présence française dans le haut du tableau. Grande remise, le blog qui gagnera le Tour de France dans les 5 ans.
10. Mikal Cronin – MCIII
Très proche de Ty Segall, qu’il accompagne sur scène en tant que bassiste depuis de nombreuses années, Mikal Cronin pratique en solo une pop power-popisante de plus en plus classique au fil des albums. Ca ne révolutionne donc rien mais c’est très juste, comme on dit d’un footballeur qu’il joue juste : de bonnes chansons, bien produites, bien jouées, bien interprétées. L’album bonbon de l’année.
9. Kurt Vile – B’lieve I’m Goin’ Down
De plus en plus maître de son talent et de son art, Kurt Vile fait désormais partie des murs et des valeurs sûres. Il livre donc un album identique au précédent et probablement au suivant, avec quelques petites touches bien senties pour le différencier et finir de l’affirmer comme un type maître de son talent et de son art : ici un piano (Life Like Mine) ou un banjo (I’m an Outlaw), le premier instrument que son père lui a offert enfant. Plus simple, direct et varié que son génial prédécesseur, B’lieve I’m Goin’ Down est un recueil de chansons davantage qu’un album en vérité. Le disque d’un mec en pleine bourre qui avait pas trop envie de se faire chier ce coup ci mais qui en balance quand même suffisamment pour qu’on comprenne bien qu’il peut tout défoncer quand l’envie lui en prend. L’album smartass de l’année.
8. Liam Hayes – Slurrup
J’ai vu Liam Hayes en concert au début de l’année, c’est un de ses moments forts. A mon année. Et Slurrup est un super album de pop / power pop, plus simple et immédiat que ce qu’il a jamais enregistré jusqu’ici. Il excelle dans la sophistication et l’alambiquage virtuose mais ça lui va bien, aussi.
7. Matthew E White – Fresh Blood
Je l’avais pas super bien classé à l’époque mais rétrospectivement, The Big Inner, le premier album de Matthew E White est vraiment l’un de ceux que je garderai de la décennie en cours. C’est un album tellement beau, tellement fort et tellement inattendu… qu’on ne peut pas s’empêcher d’être déçu par son successeur je pense. C’était inévitable. Entendons nous bien : le mec reste un pourvoyeur de frissons de plaisir hors pair et sa mixture de pop-soul-gospel-blues n’a actuellement pas d’équivalent. Simplement, celui-ci est un poil en deçà de son prédécesseur. L’album pinaillage de l’année.
6. Natalie Prass
Basically, un album de Matthew E. White mais au féminin. C’est enregistré dans son studio, avec ses musiciens, c’est lui qui produit et ça sort sur son label. Cet album est scandaleusement mieux classé que le sien car il a pour lui de n’être pas interprété par un barbu à lunettes et en surpoids. Lève pas les yeux au ciel : si ça n’était pas un argument valable, ça ne serait plus vraiment Grande remise. L’album petit chou de l’année donc.
5. Jacco Gardner – Hypnophobia
J’avais bien aimé Cabinet of Curiosities, son 1er album mais je l’avais trouvé trop léger, trop appliqué et finalement assez inconséquent. Lapin qu’on prit les louanges qu’il avait reçu. Hypnophobia est l’album type du musicien qui a beaucoup joué sur scène et en ressort donc avec un son un poil plus rugueux, plus vif. Sur le fond, aucun bouleversement donc (sunshine-psych-retro-pop) mais sur la forme, c’est bien plus alerte et donc, convaincant selon moi. Classement sans doute beaucoup trop flatteur au regard de ceux qui précédent et de ceux que j’ai laissés de côté mais c’est un album qui me procure énormément de plaisir de la première à la dernière note. Et pourtant le mec est hollandais. J’me comprends.
4. Turzi – C
On le sait, le psychédélisme français, sous des formes très diverses, connait une grande effervescence, des XTCiens Dorian Pimpernel au cinématographique Forever Pavot, en passant par les cérébraux Aquaserge. Et Turzi donc, qui fait quasiment figure de vétéran.
C est en effet le 3ème album du parisien Romain Turzi après A et B. Comme ses 2 prédécesseurs, C est composé de morceaux dont le titre commence par la lettre C (et qui désignent des oiseaux, Coucou en ouverture, Cygne, Cormoran etc.), après des albums aux titres commençant par les lettres A et B (les titres de B sont des villes, Beijing, Baltimore, Buenos Aires etc) . C’est anecdotique bien sûr mais cette suite dans les idées, quasiment mathématique, se traduit également sur le fond : cet album prolonge ce qui a été initié il y a quelques années et qui place Turzi sur la carte des psychédéliciens parisiens, Air, Tellier ou Rob pour ne citer qu’eux (il est d’ailleurs signé sur le label des 2 premiers, Record Makers).
S’il se réfère lui aussi volontiers aux glorieux compositeurs de bo des années 70 (Jean Claude Vannier, Michel Colombier ou Ennio Morricone), il a une approche plus « dure », plus rock que ses collègues de bureau, au diapason de son allure ténébreuse : krautrock ou noise ont régulièrement ses faveurs (la pochette peut ainsi rappeler celle de Goo de Sonic Youth). Toujours moins electro au fil des années, sa musique devient également plus mélodique. C est son album le plus doux et accessible, c’est une merveille.
3. Nicolas Godin – Contrepoint
Nicolas Godin a toujours été mon Air préféré, depuis le début. J’aime beaucoup Jean-Benoît Dunckel bien sûr, et ce qui rend le groupe si unique, c’est précisément cette alchimie, cette complémentarité idéale entre les 2, qui se base sur un partage des tâches bien défini (vu de l’extérieur en tout cas) : à Dunckel l’electro, à Godin l’acoustique. Évidemment, je schématise, on sait bien que McCartney n’était pas responsable de TOUTES les chansons des Beatles les plus cajoleuses et que Lennon n’écrivait pas QUE les chansons tordues. C’est plus subtil que ça. Mais quand même… Et puis je trouve qu’il a une allure et un style terribles et je suis suffisamment superficiel pour que ça soit un argument de poids en faveur ou défaveur d’un musicien. Avec sa belle basse Fender verte, la grosse classe.
Contrepoint donc, présenté comme un genre de concept album autour de certaines œuvres de Bach est son premier projet hors-Air, là où son acolyte a déjà sorti 3 ou 4 albums de son côté, sous divers noms. Mais en vérité on y entend surtout ce qu’on imagine être un condensé des diverses influences et inclinations de Godin depuis qu’il fait de la musique, et qui permettent aux amateurs de retrouver leurs petits dans la discographie de Air. C’est donc un régal, du sinueux et cinématographique Bach Off à la merveille brasilou Clara, en passant par le slow baveux Quei Due (sur un texte d’Alessandro Baricco). 8 titres (seulement : le seul défaut de Contrepoint, c’est sa brièveté), tous très différents les uns des autres dans une même tonalité classieuse, cinématographique et romantique. L’album baron de l’année.
2. Tame Impala – Currents
Longtemps le numero uno évident et naturel. Je sais même pas quoi dire tellement ça coule de source pour moi qu’en ce moment, Kevin Parker est loin, très loin devant tout le monde. Il peut même se permettre, chose qui n’a pas été suffisamment soulignée à mon sens, de totalement bouleverser le son et le style qu’il avait mis plusieurs années à peaufiner et qui avaient trouvé leur apogée dans l’inusable Lonerism. Mais justement, il a bien compris que son chef d’œuvre de psychédélisme 2.0 représentait également une impasse. Donc il a opéré un virage à 180%, tout en restant fidèle à son amour pour les sonorités doucement lysergiques. Currents est ainsi un album qui réinvente Tame Impala et qui invente tout court, l’air de rien, tout en balançant tube sur tube. De la disco-psyche ça avait déjà été fait avant Let It Happen?
Et puis pour la 1ère fois, il chante réellement, mixant sa voix au premier plan, des textes intimes et émotionnellement intenses, très premier degré, décrivant la fin de sa relation amoureuse. Sous sa production hyper synthétique et chiadée comme toujours, Currents est donc un album quasiment aussi « cru » que celui de Sufjan Stevens. Oui oui, j’assume. L’album petit génie de l’année.
1. Tricatel RSVP
C’est un album que j’aime autant que j’ai envie de le mettre en avant. Parce qu’il est bon évidemment, très bon même, parce que c’est un projet à part (il est sous-titré « composition instantanée et improvisation collective » et c’est ce dont il s’agit) et parce que Tricatel bien sûr : la label a fêté ses 20 ans et c’est très exactement la période depuis laquelle il m’accompagne… oh peut-être pas au quotidien, mais en tout cas au rythme de ses sorties. J’ai acheté le Tricatel 001 à sa sortie en 1995 (Valérie Lemercier chante), j’ai donc acheté celui-ci en 2015 (le Tricatel 047), et j’en ai acheté un bon paquet au milieu. Dont quelques uns qui font partie de mon panthéon personnel : tous ceux de Bertrand Burgalat, le Triggers d’April March, le Présence Humaine de Michel Houellebecq.
Je retrouve dans RSVP tout ce qui fait de Tricatel une aventure si unique dans le paysage musical français et qui m’interpelle tant : l’amour de la mélodie bien sûr, de l’arrangement précieux, les textes, uniques là aussi dans la pop française (La piscine dorée), un sens de la subversion unique et à contre-courant, un dandysme revendiqué et une volonté malgré tout de ne jamais laisser personne sur le bord du chemin (le label a souvent été taxé d’élitiste, c’est la critique la plus débile qui soit).
RSVP met à nouveau en valeur les immenses AS Dragon, qui sont apparus en tant que backing band de Burgalat au début des années 2000 il me semble. Ils ont ensuite joué sur tous les disques sortis par le label ou presque, à un moment où celui-ci prenait le risque de s’enfermer dans un excès de préciosité justement. AS Dragon, c’est les petites frappes qui ont permis à Burgalat et à ses protégé(e)s de prendre une tonalité nettement plus soul et qui transforme par exemple ici April March en petite soeur de Donna Summer (Eye of the Sun) ou qui place Fuzati de Klub des Loosers, dans les pas du Présence humaine de Michel Houellebecq (Dernier métro, gi-gan-tesque). AS Dragon, c’est le groupe de rock qui joue de la pop et qui a permis à Tricatel de se muer en implacable machine à danser (à peu près tous les titres de l’album).
Long live AS Dragon donc, long live Bertrand Burgalat, long live Tricatel !
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