Benjamin, 17 ans, n’a pas d’autre atout que son imagination débridée. Il adore écrire des histoires qui l’entraînent loin de sa petite vie morne. Quand il apprend que son idole, le légendaire auteur de science-fiction Ronald Chevalier, donnera un cours au Cletus Festival, il y voit la chance de sa vie. Il emporte son meilleur manuscrit, « Yeast Lords : The Bronco Years » et part à la rencontre de son destin.
Sur place, Benjamin fait la connaissance d’autres originaux comme lui, dont la jeune romancière Tabatha, et Lonnie, un cinéaste adolescent qui a déjà plus de 80 « films » à son actif […]. (Allocine.fr)
Ce film est passé totalement inaperçu à sa sortie en 2009. J’ignore s’il a même joué en salles en France.
En tout cas j’avais très envie de le voir à l’époque, avant de l’oublier. Il m’est revenu à l’esprit pour je ne sais quelle raison et je l’ai regardé il y a quelques jours. J’ai adoré.
Jared Hess est le réalisateur d’un film culte aux Etats-Unis et à un degré moindre en Grande-Bretagne, Napoleon Dynamite. Un film à part dans la (longue) série des (grandes) comédies américaines des années 2000-2010 : esthétique white trash à son paroxysme, peu voire pas de gags, pas d’intrigue, un personnage principal peu aimable voire parfaitement désagréable. Il a également réalisé le moins réussi mais très sympathique Super Nacho avec Jack Black en moine-catcheur au grand coeur. Après ce film là, sa carrière comme son inspiration ont décliné, il n’a rien créé de réellement intéressant.
Son truc à Jared Hess, c’est les nerds. Attention, j’ai bien dit les nerds et non les geeks. On retrouve ces derniers absolument partout désormais, ils sont quasiment devenus la norme : le terme est utilisé avec désinvolture dans tous les repas de famille, preuve qu’il est désormais dépassé.
Les nerds, c’est autre chose. Plus ringards, plus obsessionnels, moins exubérants, plus introvertis, plus portés sur les sciences, moins immédiatement attachants. Et peu représentés à l’écran finalement.
Les nerds donc et l’Amérique white trash. Attation là aussi: ne pas comprendre l’Amérique profonde telle qu’on la voit chez Jeff Nichols pour citer un exemple récent, tendance americana mélancolique et stylée du Texas ou du Kentucky. Non, le white trash, le vrai, celui qui ne sera jamais cool, c’est l’Idaho (dont Hess est originaire), l’Utah, l’Iowa, les jeans taille haute, les sweat à imprimés invraisemblables, les vestes à épaulettes, les mullets de la mort, les centre-commerciaux glauquissimes, les déserts culturels.
Partant de là, Jared Hess développe une esthétique extrêmement forte et précise, très immersive, qui serait un pendant minimaliste et plutôt 80s de celle, foisonnante, élégante et fondamentalement 60s de Wes Anderson. Chez les 2, le même souci du détail, la même attention portée à la direction artistique qui vire à la maniaquerie et se fait véritable manifeste.
Les films de Jared Hess sont également intéressants et attachants parce qu’il connait parfaitement l’univers qu’il décrit, ça se sent. Aussi édifiants et ridicules ses personnages soient-ils, il a toujours pour eux une affection non dissimulée. Cette absence totale de cynisme ou de condescendance est évidemment cruciale.
Gentlemen Broncos a ceci de particulier dans sa filmographie qu’il comporte de nombreuses trouées de fiction au cœur de la fiction, au sein desquelles les récits de SF du jeune Benjamin et de son idole Ronald Chevalier sont représentés à l’écran. Des récits totalement délirants, à la poésie purulente et déviante, à la fois ridicules et très inventifs. Ils sont regroupés sous le nom de Yeast Lords et lorsqu’on sait que « yeast » en anglais signifie « levure » mais aussi « champignon » ou « mycose », tout est dit.
La caractérisation des ados est super : Benjamin, le héros, orphelin de père et se coltinant une mère totalement larguée; Tabatha, la girlfriend enthousiaste et craquante qui aidera la héros à s’épanouir; Lonnie, créature latino, sorte de version freak du Pedro de Napoleon Dynamite.
Le reste est à l’avenant. Je retiens surtout Jemaine Clement (membre des géniaux Flight of the Conchords) dans le rôle de Ronald Chevalier, auteur de science-fiction insupportable de prétention et de pédanterie.
Et l’immense Sam Rockwell qui interprète Bronco, le héros des fictions de Benjamin. Ce mec est génial à chacune de ses apparitions, je comprends pas qu’on le voit pas davantage. Ici il incarne une sorte de justicier heroic-fantasy hyper viril et à l’accent redneck totalement incongru dans pareil contexte.
Jared Hess n’a donc rien écrit ni réalisé de notable/valable depuis. Il faut néanmoins (re)voir ses films, et notamment celui-ci, le plus barré, drôle, foisonnant et touchant parmi ses 3 premiers.