Jeune femme – critique

Un chat sous le bras, des portes closes, rien dans les poches, voici Paula, de retour à Paris après une longue absence. Au fil des rencontres, la jeune femme est bien décidée à prendre un nouveau départ. Avec panache. (Allociné)

La scène de danse (avec malus réhabilitation-de-chanson-populaire-pourrie) est devenue un passage obligé de tout 1er film français et/ou de tout film français plus ou moins d’auteur (voir tout récemment encore dans Un beau soleil intérieur). Jeune femme échappe à la règle: il en compte 3 (la 1ère survient au bout de 10 petites minutes). C’est dire si le film est caricatural.

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Et caricatural, il l’est, énormément, pendant sa première heure, alignant avec une rigueur quasi scientifique tous les clichés, toutes les scories du premier film d’obédience pialato-cassavetienne: personnage principal borderline censé être attachant (spoiler: elle est juste insupportable), interprété par une jeune actrice qui monte (Laetitia Dosch, dont on voit mal comment elle pourra échapper au César du meilleur espoir féminin), ancrage naturaliste, filmage au-plus-près-des-corps etc etc.

Bon, c’est un premier film, il est caricatural encore une fois, et même s’il est pas mignon et pas sympa, il a l’air sincère donc je veux bien être indulgent. Je suis bien luné, je suis au ciné au lieu d’être au bureau, confortablement installé et je mentirais si je disais que j’ai pas souri à 2-3 reprises.

Mais durant la dernière demie-heure, soit durant le money time, celui où il faut tout donner pour emporter la mise, il aligne tout aussi consciencieusement 3 moments de bravoure à l’envers, comprendre 3 gros frissons de la honte (que je ne dévoilerai évidemment pas) qui le font passer de « caricatural » à « embarrassant ». Le fragile équilibre (selon moi) qui a jusque là fait tenir Jeune femme, se brise irrémédiablement et je ne vois plus qu’un film prévisible, conformiste (conforme à ce qu’on attend d’un premier film français en 2017 s’entend), pénible, j’en passe. Il refuse certaines conventions certes (celles du feelgood movie girly pour faire court) mais seulement pour en adopter d’autres.

C’est donc une déception car je le sentais plutôt bien. Et j’insiste pas car le film a été très bien reçu, la critique est plus qu’élogieuse. « C’est pas toi, c’est moi » on va dire.

Corporate – critique

Emilie Tesson-Hansen est une jeune et brillante responsable des Ressources Humaines, une « killeuse ». Suite à un drame dans son entreprise, une enquête est ouverte. Elle se retrouve en première ligne. Elle doit faire face à la pression de l’inspectrice du travail, mais aussi à sa hiérarchie qui menace de se retourner contre elle. Emilie est bien décidée à sauver sa peau. Jusqu’où restera-t-elle corporate ? (Allociné)

Je n’ai pas vraiment aimé, ni détesté d’ailleurs, et j’ai trouvé ça plutôt raté dans l’ensemble. Mais Corporate me paraît intéressant pour ce qu’il révèle d’un certain cinéma français actuel : ce cinéma « du milieu », qui ne produit pas des films à gros budget (comprendre : pas d’acteur bankable au casting) mais pas non plus de véritables films à petit budget. Il ne caresse pas dans le sens du poil comme le premier, et n’a pas la potentielle radicalité du second. C’est cette position le cul entre 2 budgets qui  génère ses 2 plus gros problèmes selon moi.

Tout d’abord, le scenario : comme dans Pris de court et La mécanique de l’ombre, mais de manière nettement plus flagrante et préjudiciable, ça manque… de travail j’ai envie de dire. C’est cousu de fil blanc, sans déconner… J’ai craint ce dénouement, ultra-prévisible, vu et revu, tout en espérant y échapper, mais non malheureusement. Quelle paresse… Difficile d’en dire davantage sans spoiler mais en gros, « Le cinéma français et le manque de considération pour le scenario », épisode 3256.

Le second gros problème est directement lié au budget : un manque de vraisemblance, d’ « épaisseur » j’ai envie de dire. On a donc pour contexte une (très) grande entreprise, type Orange ou EDF (ou Engie, peu importe). L’action se déroule au siège de la boîte, 900 employés nous dit-on. Des locaux qu’on imagine gigantesques sinon pharaoniques, et beaucoup (beaucoup) d’employés de partout donc. Sauf que non : à l’écran, les 2-3 mêmes décors (le bureau de Céline Sallette, celui de Lambert Wilson, la salle de réunion) et les mêmes 10-15 acteurs/figurants. On le sait, ces derniers coûtent cher. Tourner dans Paris côute cher également, et c’est vite compliqué. Et c’est bien là le problème car du coup, on a l’impression d’évoluer dans une grosse start up alors qu’on est quand même censés toucher du doigt les rouages de la très grande entreprise, comme il en existe à tout casser une dizaine en France. Ca dessert clairement le film selon moi, ça nuit à sa vraisemblance, à son incarnation presque. Ca se regarde mais on a l’impression de voir un téléfilm en salles quoi…

Et c’est dommage car Corporate dit évidemment des choses essentielles et effrayantes. Des choses qu’on ne découvre malheureusement pas mais qu’il est bon de rappeler et que le cinéma aborde frontalement pour la 1ère fois autant que je sache. On pense aux films d’Yves Boisset pour cette volonté, sinon cette manière, de prendre à bras-le-corps et dénoncer les dérives de la société contemporaine et on a sans doute pas complètement tort.

Bon, après, je ne peux pas ne pas parler du 3ème gros défaut du film pour moi, mais pour moi seul peut-être : Céline Sallette. Y a pas, je peux pas cette fille. Et là, son physique de travelleuse et ses yeux qui disent « fais tourner » pour un rôle de DRH dans une très grande entreprise… Encore une fois, c’est très personnel mais j’ai eu beaucoup de mal.

Pris de court – critique

Nathalie est joaillère et vient de s’installer à Paris pour un nouveau travail et une nouvelle vie avec ses deux fils. Mais la direction de la bijouterie change soudainement d’avis et lui annonce que le poste ne sera pas pour elle. Nathalie veut protéger ses enfants et décide de ne rien leur dire. De ce mensonge vont naître d’autres mensonges de part et d’autre. L’engrenage commence…(Allociné)

C’est pas parfait mais j’ai beaucoup aimé.

La 1ère moitié est vraiment formidable : après une courte introduction, bam, Pris de court nous plonge tout de suite dans… la merde j’allais dire, donc je le dis, tant on épouse le point de vue et le coup de bambou essuyé par Nathalie (impeccable, et même un peu plus, Virginie Efira) : elle démarre une nouvelle vie avec ses 2 enfants grâce à un nouveau boulot, sauf que non, l’employeur change d’avis au dernier moment, la mettant dans la panade. Et elle le cache à ses enfants. Je spoile pas: c’est le pitch du film et ça se produit dans les toutes premières minutes.

Là le film, et sa réalisatrice Emmanuelle Cuau, sont très forts car ils nous plongent donc directement dans le vif du sujet après avoir néanmoins eu le temps de camper et de rendre crédibles en quelques plans et quelques échanges ce trio soudé et humain composé d’une mère courage et de ses 2 enfants. Ca tient à rien, à la façon dont Efira fait répéter une question anodine posée par son fils par exemple, mais c’est là et c’est bon.

Pendant une bonne moitié donc, le film reste sur cette ligne : économe, voire sèche, tendue. Il m’a mis la boule au ventre, littéralement, tant je ne voyais pas d’issue à l’engrenage dans lequel Nathalie et Paul, son aîné (un ado de 15 ans) ont mis le doigt. Là aussi la réalisation fait superbement son boulot : un plan qui s’attarde un peu trop, un figurant suspect (?) en arrière plan, un silence un peu trop prolongé, la catastrophe menace.

Et puis… Et puis logiquement, il se passe un truc, UN truc, énorme, qui fait basculer l’intrigue et l’accélère, et doit permettre au personnage interprété par Efira de prendre les devants. C’est là que ça coince un peu selon moi. C’est un problème de scenario et d’écriture: ça manque de vraisemblance, d’inventivité, d’audace même peut-être dans le développement de cet événement et la résolution qu’il nécessite sur un plan narratif. Oh, c’est pas honteux, loin de là et ça m’a pas gâché le film mais ça nous fait rester au niveau d’un bon film français alors qu’on aurait pu avoir droit à un coup de maître.

En cela, Pris de court m’a beaucoup fait penser à cet autre bon film français, genre de « thriller social » lui aussi, sorti en début d’année, La mécanique de l’ombre : la même simplicité, frontalité, la même tension et bim, lorsque le héros doit entrer dans la lumière comme un insecte fou, ça s’étiole un peu, on y croit moins, et le film reste au stade du « bon film » alors qu’il était parti sur des bases très élevées. Problème d’écriture là aussi : la gestion de l’action m’avait semblé à la fois trop sage, peu vraisemblable, pas très excitante.

Ceci étant, je vais encore me répéter mais Pris de court m’a beaucoup plu, c’est une très bonne surprise. Je me répète à dessein car j’imagine qu’il ne va pas rester longtemps à l’affiche, il faut aller le voir.