Aujourd’hui, les sous-doués au festival de Cannes.
Je suis donc sur la Croisette, même si ça ressemble beaucoup plus à la campagne qu’à la Croisette mais passons, et je dois interviewer Nicolas Winding Refn, réalisateur de Drive et Neon Demon (entre autres).
Je m’installe dans un fauteuil. Refn débarque assez rapidement. Il est un peu froid, un peu meloneux, exactement comme je l’imagine mais c’est pas grave, I’m a professional.
Je sors un genre de carnet de notes que je fais semblant de consulter car en réalité j’ai aucune question: j’arrive sans avoir rien préparé du tout, en roue libre, sur le modèle d’une rubrique de feu Technikart (?) qui s’intitulait « une interview mal préparée donne toujours un mauvais papier ».
Je continue à faire semblant quelques instants. Je fronce les sourcils, fais mine de cocher ou rayer des trucs mais il est pas con, il flaire un truc pas net. Je décide de jouer franc-jeu : « alors voilà, pour être honnête j’ai rien préparé, je me suis dit que ça serait plus intéressant d’improviser et d’avoir une discussion plutôt qu’une véritable interview » blablabla. Là le mec monte dans les tours comme une balle. Il est scandalisé « mais qu’est ce que c’est que cette mascarade, c’est une plaisanterie, je vais pas en rester là croyez-moi, vous retravaillerez plus jamais » etc etc. Pas content.
Il se lève (mais il me bouscule pas) et entre dans la maison sous le porche de laquelle on était installés mais sans fermer la porte (un détail qui aura son importance).
Moi je bouge pas, je me la joue casual, rilax. Je fais comme si tout ça était normal et que ça me perturbait pas du tout, j’en ai vu d’autres. Je consulte mes fausses notes, mon téléphone etc. Je me retourne quand même discrétos de temps en temps pour voir ce qui se passe et je vois Refn qui s’agite dans l’entrée, expliquant probablement ce qui vient de se passer avec force gestes emphatiques. Je bouge pas.
Là dessus débarque Jean-Marc Barr.
Il me salue et s’installe sur le fauteuil en face de moi même si je suis pas censé l’interviewer, lui. Il est très cool, très souriant, on discute tranquillement. Je me retourne encore une fois pour vérifier où ça en est avec le Refn (il continue à palabrer avec une attachée de presse ou autre) et là je vois Jean-Marc Barr qui s’était donc levé sans que je m’en rende compte, en train de déposer ou ramasser un truc sur le paillasson de la villa, je comprends pas très bien.
Je le regarde et il me fait un petit signe de la main comme pour dire au revoir et se barre précipitamment, presque en courant. Je suis un peu interdit, je rejette donc un oeil au paillasson pour tâcher de comprendre: je constate que Barr vient d’y déposer une boule puante sur le point d’exploser alors que Refn se dirige vers la sortie.
Ni une ni deux, je me lève et je me barre moi aussi en courant, dans le sillage de Jean-Marc.
Et je me réveille.