Je suis le footballeur masqué – critique

LE bouquin évènement, celui qui balance, qui dénonce, qui fait tout péter, qu’au jour d’aujourd’hui on s’arrache dans le milieu footballistico-footballistique des professionnels de la profession.

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Si les révélations ne sont finalement pas si fracassantes, c’est le style qui détonne et qui fait de ce livre un objet effectivement très intéressant.
Qui suit un minimum le foot sait bien en effet que les principaux acteurs, les joueurs, sont de plus en plus obnubilés par l’argent, leur apparence, le sexe, un mode de vie un peu gangsta comme le résume lui-même l’auteur. Alors bien sûr on retrouve tout cela: les soirées quasi orgiaques à Paris (les « provinciaux », joueurs des clubs hors PSG attendent impatiemment le match au Parc des Princes pour cette seule raison), les fringues et looks improbables, les concours de la plus grosse bite voiture dans le vestiaire. Mais aussi le jeu qui prime, malgré tout, et remet les choses et surtout les joueurs à leur place, les primes justement, et les salaires de ces mêmes joueurs (objets de discussions et tensions incessantes dans le vestiaire), les magouilles ridicules de certains agents pour faire monter la côte de leurs protégés pendant le mercato, les entraîneurs compétents, Luis Fernandez les incompétents, ceux qui savent se fondre dans  un groupe pour mieux le mener, ceux qui se placent en dehors du groupe et donc échouent (il cite Laurent Fournier ou encore Paul Le Guen) etc etc.
Extrait:
(sur le professionnalisme)

Il n’y a qu’en France où ça ne se passe pas comme ça (NDA ie les joueurs n’arrivent jamais en retard aux entraînements). En France on n’a pas inculqué ça aux joueurs. C’est ton boulot d’arriver à l’heure. J’ai connu un coach qui avait instauré un truc. Il y avait un papier et tu pointais. Dès que tu arrivais, tu signais le papier. Et à 9h30 tapantes, il sortait et retirait le papier. Celui qui n’avait pas signé était en retard. C’était pour inculquer le respect. Dans cette équipe, il y avait quand même des joueurs d’expérience. Et le vrai pro, il se pointe pas à 9h25 pour dire qu’il est à l’heure. Il arrive à 9h. Et il bosse déjà, ou il fait des soins.

Combien de mecs j’ai vus ne pas faire ces efforts-là… Le plus fou, c’est quand tu vois les gars arriver à l’arrache à 9h29. Bon d’accord, ils sont à l’heure mais t’as envie de leur dire: « Tu ne veux pas arriver une fois un quart d’heure ou vingt minutes plus tôt? Tu fais quoi? Tu attends 9h20 pour partir de chez toi? » Pense à tous ceux qui sont au boulot depuis 8h. Toi, c’est 9h30. Ca va mec, tu as eu le temps de dormir, non?

Ce qui tranche donc, c’est la façon dont le footballeur masqué parle de son quotidien et de son univers : de manière assez crue, pour faire court. Phrases courtes, directes, proximité, familiarité même, le style détonne clairement. Comme il le dit lui-même, il a l’impression de lire des contes de Noël lorsqu’il lit des biographies de sportifs : il a pour objectif de rompre avec ce qu’il considère comme une farce. Et il y parvient sans mal.

« Il ». Mais qui, ‘il »?
C’est évidemment là l’autre intérêt de ce bouquin : la recherche de l’identité de ce footballeur masqué, joueur encore en activité ou très récemment retraité. Même s’il a démenti et qu’il continuera certainement de le faire jusqu’à ce qu’il considère lui-même qu’il y a prescription, ma conviction est qu’il s’agit, comme il a régulièrement été suggéré, d’Edouard Cissé.

Edouard-Cisse
Footballeur modeste mais solide qui n’a jamais réellement brillé mais encore moins déçu, mec plus malin, cultivé et stylé que la moyenne de ses congénères, footballeur « So Foot » éminemment sympathique donc (au même titre, chacun dans un style différent, qu’un Ludovic Obraniak, un Tony Vairelles, un Vikash Dhorasoo ou un Rodéric Filippi pour donner un des derniers exemples en date), il est en effet celui qui, comme son doppleganger littéraire, est passé aussi bien par l’Angleterre que par le PSG des années chaotiques (pré-QSG) ou le Marseille des années Deschamps (qu’il encense d’ailleurs).
Il essaie bien de brouiller les pistes en évoquant des expériences qui ne figurent pas dans son CV (en Russie par exemple) ou en parlant, et balançant même gentiment sur… Edouard Cissé (qu’il traite  de bon élève un peu fayot), il relate très probablement des anecdotes racontées par d’autres footballeurs (Jérôme Rothen est à plusieurs reprises expressément cité mais on peut également penser à Vikash Dhorasoo, encore lui) mais je ne vois pas comment il pourrait ne pas s’agir de lui, trop d’éléments concordent.

Mais finalement, peu importe : ce petit jeu de pistes est sans doute inévitable mais Je suis le footballeur masqué constitue un récit suffisamment alerte et fort en anecdotes croustillantes, doté d’un recul et d’un point de vue suffisamment forts, pour que l’enquête que tout un chacun est tenté de mener se révèle au final accessoire.
Chouette lecture donc, que je conseille : ça se lit tout seul, et très vite.

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