Mud – critique

Il y a les films qu’on aime parce qu’ils ressemblent à un possible prolongement de notre propre existence Les coquillettes) et il y a les films qu’on aime parce qu’ils sont l’incarnation de notre vie rêvée, d’une existence fantasmée. Je n’ai plus 14 ans depuis quelques années, je ne vis pas en Arkansas et je suis bien incapable de remettre en état une épave de bateau de mes propres mains : Mud appartient donc à la seconde catégorie. J’ai en tout cas trouvé là un duo de films parfaits qui devraient se retrouver aux premières places de mon top de fin d’année.J’arrête de parler de moi pour une fois.

Le pitch, rapidement: deux jeunes adolescents tombent par hasard sur un île au milieu du Mississippi, non pas sur Joe l’Indien mais sur un homme en cavale qui se fait mystérieusement appeler Mud (McConaughey). Il leur raconte qu’il a assassiné l’amant de la femme qu’il aime depuis toujours (Reese Witherspoon, en mode cagole de l’Arkansas abîmée par la life), et qui est censée le retrouver. Les deux gamins vont l’aider à remettre en étant un bateau abandonné afin qu’il puisse fuir avec sa belle et échapper à la justice. Mud est un film d’une rare générosité. Un film idéal qui embrasse à la fois la mythologie de l’Americana (la countriste, les casquettes de trucker, les pick up, les bars miteux, les motels lambda : tout est là), les rêves et les désillusions de l’enfance, l’apprentissage de la vie d’homme, de l’amour, la vérité d’une amitié, les réalités de la vie de couple, le rêve, le fantastique, la comédie, le polar. Et l’aventure. L’Aventure, mec.

Un film-somme, un genre de best-of de ce que le cinéma peut offrir de plus vrai, de plus irréel, de plus beau, de plus émouvant. On rit, on pleure, de joie, de tristesse, on a peur, on sursaute, on vibre…Jeff Nichols se rachète ici totalement à mes yeux : Take Shelter manquait foncièrement d’épaisseur romanesque, de croyance en une véritable fiction. Cette fin ouverte que les défenseurs du film louent s’apparentait pour moi à une tiédeur, une impossibilité de trancher de la part du cinéaste qui ne jouait pas vraiment en sa faveur : savait-il lui-même ou il voulait en venir ? Et quand bien même il savait très bien ce qu’il faisait, en quoi cette fin valait-elle mieux que celle du premier petit malin venu et des twists épate-la-galerie qu’on ne peut plus souffrir ? Évidemment, tout cela était supérieurement filmé et mis en scène…

La filiation de Mud avec Take Shelter est évidente mais Nichols semble n’avoir gardé de son précédent film que le meilleur : le contexte, les personnages issus de l’ultra-prolétariat des small towns de l’Amérique profonde et le regard profondément humain et plein d’empathie qu’il porte sur eux, mais surtout l’omniprésence de la nature et le goût pour le fantastique, d’autant plus impressionnant et évocateur qu’il est vu à travers les yeux de 2 jeunes adolescents (sublimes scènes de nuit sur l’île ou au fil de l’eau). Nichols y ajoute donc cet ingrédient qui peut, parfois, éventuellement, moi je dis ça je sais pas hein, s’avérer important : la fiction. Mud n’a pas peur de raconter une histoire (tant et si bien qu’il en raconte plusieurs) et de clore chacune d’elles sans ambiguïté, sans qu’absolument aucun personnage ne soit laissé de côté. Et il a la suprême élégance, la générosité ultime de nous laisser sur… Sur un plan que je ne dévoilerai évidemment pas.
Et j’ai même pas parlé des 2 gamins, fantastiques, de MacConaughey, au-delà de tout éloge…

Va le voir, c’est tout ce que j’ai à ajouter. Ca me fera plaisir et plus important, ça te fera du bien.

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