La session de rattrapage 9

J’ai encore été malade quelques jours, voici donc une nouvelle salve de films vus ou revus à la maison:

Blue Jasmine

Parmi les derniers Woody, c’est sans doute celui que j’avais le plus envie de voir. C’est chose faite depuis sa diffusion télé il y a peu (un dimanche soir, juste après Anaïs Baydemir).
Bon, c’est pas mal, voire pas mal du tout. Néanmoins j’ai le même sentiment qu’avec son dernier en date, L’Homme Irrationnel : c’est un peu bâclé, pas assez fouillé. C’est pas mal mais ça aurait pu être super. C’est très noir sur le fond mais on a le sentiment qu’il n’ose pas y aller à fond et c’est dommage. Ceci étant, la conclusion est vraiment glaçante mais sa noirceur irrémédiable tombe de manière un peu trop abrupte. Enfin, je trouve.

BLUE-JASMINE
Une qui ne fait pas les choses à moitié en revanche, c’est la Blanchett. Je ne compte pas spécialement parmi ses admirateurs, ni parmi ses détracteurs d’ailleurs, elle m’indiffère plutôt à vrai dire, mais là, elle force le respect. J’ai toujours une certaine admiration pour les acteurs qui n’ont peur ni du ridicule, ni de s’enlaidir ou en tout cas de se montrer sous leur meilleur jour, y compris physiquement (c’est peut-être un peu idiot mais ça n’est pas si fréquent que ça lorsqu’on y regarde de plus près) et là, on peut dire qu’elle y va à fond.

Le Monde de Charlie

Ca c’est vraiment pas terrible, alors que le film bénéficie d’une réputation assez flatteuse. Je dirais même que tant sur le fond que sur la forme, c’est pas gégéne.
Le Monde de Charlie serait donc un teen movie osé et sensible, une réussite du genre. Alors oui, bien sûr, le film fait le portrait des outcasts ou des freaks du lycée, peu importe comment on les désigne, de ceux qui ne sont ni dans l’équipe de football ni dans celle des cheerleaders, qui sont homosexuels et/ou excentriques et/ou fan des Smiths et/ou trop sensibles etc etc. Déjà vu à maintes reprises mais pourquoi pas. C’est sans relief et hyper clicheteux dans la description du malaise adolescent (description à tendance esthétisante) mais bon, passons. Sauf qu’ici, point d’aspiration à la singularité et à la différence, tout ce petit monde aspire au conformisme le plus absolu : une bonne fac, un bon boulot, une bonne maison avec un beau drapeau étoilé planté devant, emballé c’est pesé. Et sur la forme donc, le scenario révèle en bout de course et de manière très putassière le pourquoi du mal-être du héros. Cette manière de ménager le suspense, d’y aller crescendo sur les flashbacks et les indices tout au long du film, de suggérer, enfin, qu’il y a forcément un terrible trauma derrière son inadaptation, et de montrer, au final, en quoi consiste ce trauma, m’est apparu comme un renoncement un peu dégueulasse en même temps qu’une facilité de scenario peu glorieuse.

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En fait, Le Monde de Charlie est la version cinéma édulcorée, mainstream et ratée de la géniale série Freaks and Geeks. Mieux vaut (re)visionner celle-ci donc.

Made in France

Le film maudit. Je rappelle son pitch, qui lui a valu une sortie repoussée puis un direct-to-VOD: « Sam, journaliste indépendant, profite de sa culture musulmane pour infiltrer les milieux intégristes de la banlieue parisienne. Il se rapproche d’un groupe de quatre jeunes qui ont reçu pour mission de créer une cellule djihadiste et semer le chaos au cœur de Paris. » (Allociné)

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Nicolas Boukhrief est un réalisateur-cinéphile intéressant. Ami d’enfance de Christophe Gans, il a été comme lui membre de l’aventure Starfix au milieu des années 80. Moins porté sur la SF et le fantastique sans doute, moins geek en somme, il a une certaine prédilection pour le polar, en phase avec « les enjeux de société » comme on dit. Il semblait être la personne indiquée pour s’attaquer à un sujet aussi casse-gueule. Et en effet, c’est pas mal. Pas manichéen, pas psychologisant, carré, sans fioritures, il applique le traitement qu’il fallait. Maintenant… Difficile de savoir si ces problèmes étaient là dès le départ ou si le film a été remanié dans un second, voire un troisième temps (il a été tourné avant les attentats de Charlie Hebdo et sa sortie en salles était prévue 5 jours après les attentas de novembre) mais il manque sans doute un peu… d' »épaisseur » : longueur, budget, figurants, décors (bon, budget quoi en gros puisque ce dernier induit tout le reste, ou presque). C’est un peu léger. Mais c’est pas mal et c’est à voir malgré tout, davantage en tout cas qu’Un Français, l’autre film polémique de 2015

A Most Violent Year

Ce film à la fois violent, documenté et austère, raconte les déboires d’un jeune chef d’entreprise new-yorkais (impeccable Oscar Isaac même s’il est sans doute un peu trop jeune pour le rôle) pour faire croître son affaire tout en gardant les mains propres : il dirige une entreprise de transport de carburant et voit ses projets d’expansion mis en péril à la fois par le vol régulier de ses camions et de leur chargement et par des autorités judiciaires qui ont décidé d’examiner ses comptes de plus près. Mais lui ne veut rien lâcher, il s’obstine et tient à continuer d’avancer sans pour autant franchir la ligne jaune : on comprend que le père de son épouse (excellente Jessica Chastain, qui vaut décidément mieux que les rôles de beauté diaphane et virginales qu’on lui a longtemps attribués) est membre de la Mafia et il se refuse à ce que ses chauffeurs soient armés pour se défendre.

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L’histoire d’Abel Morales, le personnage interprété par Isaac, c’est celle que tout immigré s’est racontée avant de poser le pied à Staten Island. Le sacro-saint rêve américain, toutes ces histoires glorifiant les self-made men créées par le romancier Horatio Alger au XIXème siècle, imprègnent encore très fortement l’inconscient collectif de ceux qui vivent ou souhaitent aller vivre aux Etats-UnisJC Chandor, le réalisateur, raconte une autre de ces histoires avec ce qu’il faut de sécheresse et d’ampleur à la fois pour en faire une histoire universelle. Si l’écueil scorcesien est habilement contourné grâce au traitement rigoureux, moyennement fun, d’un scenario que le maître aurait très bien pu réaliser, A Most Violent Year n’est pas sans rappeler The Wire : ici aussi, on ausculte l’Histoire de l’Amérique sans jugement et sans encore moins de détours. Et c’est le même constat et goût amer que la conclusion apportent. Ca calme. Excellent film, vraiment.

#37 The High Llamas – Hawaii

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Ah pour disséquer le documentaire sur Zahia, les bouses littéraires ou cinématographiques et les coupes de douille des footballeurs y a du monde mais pour parler d’un disque qui m’a autant marqué… (je dis pas « changé ma vie » mais c’est uniquement parce que j’assume pas le caractère pompeux de la formule. Top 3 des disques-séismes dans l’ordre chronologique de leur découverte : 1 The SmithsHatful of Hollow 2 The High LlamasHawaii 3 The ByrdsSweetheart of the Rodeo).

En tout cas, s’il ne fallait en garder qu’un sur les 100, ça serait celui là. Depuis de nombreuses années maintenant, donc je suis plutôt sûr de mon choix.

Les High Llamas, c’est le groupe qui me parle comme aucun autre, tout simplement. A la fois théorique et immédiat, il réunit absolument tout ce que je cherche dans la musique. Ce disque foisonnant, léger, euphorisant, mélancolique, moderne, nostalgique, d’une élégance rare m’a ouvert sur tellement de nouvelles œuvres et de nouveaux univers, m’a tellement affecté dans ma vie de tous les jours même que ne saurais pas par où commencer si j’avais l’occasion d’en parler à Sean O’Hagan. D’ailleurs je n’ai pas trop su quoi lui dire lorsque j’ai eu la chance d’échanger quelques mots avec lui après un concert. Hawaii, c’est mon Eden musical absolu, la matérialisation sonore de mon Eden tout court.

J’arrête, Sean lui-même a parfaitement résumé l’affaire : « I give up, this litterature is fluff ».

The Vaccines

Les Vaccines, un groupe anglais comme le NME nous en encense 23 chaque semaine : c’est la raison pour laquelle je n’avais jusqu’à il y a quelques jours jeté aucune oreille sur leur musique.

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La première écoute confirme en quelque sorte mon a priori négatif : c’est du pur indie-rock briton comme on en fait depuis Jesus & Mary Chain, en passant par les Smiths, Supergrass, les Libertines. Sauf que voilà… Je ne cite pas ces noms là par hasard : on va quand même attendre un peu avant de dire que le nom des Vaccines peut être accolé à cette belle liste mais ils en sont en tout cas pour l’instant les dignes héritiers.

Les Vaccines c’est l’air de rien le groupe indé qui peut changer ta vie à l’adolescence. Celui qui te fait découvrir ce qu’est le rock indé ; qui te fait ouvrir les yeux sur l’Angleterre, les modes, les chapelles; qui te rend un peu péteux, voire prétentieux; qui te fait changer d’amis, tomber amoureux de filles un peu différentes, pas du tout les mêmes qui te plaisaient jusque-là; qui peut te faire prendre une guitare, une caméra ou un stylo. Qui te fait grandir en somme, en ayant 17 ans pour toujours. Dans mon cas c’était les Smiths, pour d’autres ça aura été Blur ou Pulp, pour les plus jeunes Franz Ferdinand ou encore les Libertines ou The Pains of Being Pure at Heart (US mais c’est du rock anglais).

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Rien de très original donc, de l’indie-pop comme on en faisait en 1985 et comme on continuera à n’en pas douter à en faire en 2065 : mélodique, tranchante, énergique, dansante même. Car la particularité des Vaccines (il en faut bien une, sinon quel intérêt?) est de chercher son inspiration du côté du rock’n’roll, le vrai, celui qui sent bon le lait-fraise, la gomina et les guitares qui font twang. Évidemment, ils en livrent une version complètement filtrée et très 2012 mais ils seraient en quelque sort l’équivalent des américains de Girls ou des Drums, autres groupes très marqués par la musique des 50s. La leur est délibérément joyeuse et entraînante, ce qui n’empêche évidemment pas des instants plus mélancoliques, grâce notamment à des paroles assez futées. Chose de plus en plus rare, le deuxième album est meilleur que le premier.
Les Vaccines donc, que je classerai dans la même catégorie que Best Coast.

Le prochain article de Grande remise sera mon top album 2012. Je sais, c’est cruel de teaser ainsi, j’espère que tu réussiras quand même à dormir un peu d’ici là.