Comme beaucoup j’imagine, je me suis lancé dans le re-visionnage des 2 saisons de Twin Peaks, histoire de me rafraîchir le mémoire avant la diffusion de la 3ème saison.
Déjà, signaler que les meilleures pages sur la série, et sur l’oeuvre de Lynch, sont à lire dans l’indispensable ouvrage que Michel Chion lui a consacré et que voici:
Promis, tu liras jamais rien de mieux ni de plus intelligent sur lui et sur la série. Je me contenterai donc de quelques réflexions personnelles un peu à la va-vite.
– Le générique d’abord. Passée l’émotion, réelle, de le revoir, non pas pour l’écouter comme c’est régulièrement le cas depuis des années, mais pour regarder ce qui lui succède, ce sentiment renouvelé 30 fois (8 pour la saison 1, 22 pour la saison 2) de rentrer à la maison. Evidemment, la série repose en partie sur l’amour, très sincère, que Lynch porte à une certaine Amérique,celle des petites villes et de ses diners qui servent damn fine cups of coffeee et donuts, celle dans laquelle il a grandi. Et ce générique met en son et en images ce que représente Twin Peaks pour ses personnages, puis, à la longue, pour ses fans: un lieu idéalisé, un cocon rassurant qui offrira toujours chaleur et réconfort (et, oui, une damn fine cup of coffee aussi) même après les événements tragiques dont elle est le théâtre.
– Cette émotion procurée par le générique, elle trouve son prolongement dans le pilote de la série. Là encore, Michel Chion en parle mieux que quiconque: ce qui saute aux yeux, ce sont les larmes, abondantes, partagées, dramatisées à l’extrême mais toujours sincères. C’est le sens du grotesque de Lynch qui s’exprime en traduisant le drame qui se joue: le Mal a pénétré ce havre de paix et de bonté que tous croyaient préservé d’un tel drame (la suite démontrera évidemment que les choses n’étaient pas aussi simples que ça).
– Pour en revenir à la musique et à ce thème inoubliable, ce qui m’a frappé c’est que la bo de Twin Peaks dans la saison 1, c’est 4 thèmes en tout et pour tout ! Le générique bien sûr, le thème de Laura Palmer (celui qui clôt chaque épisode), le thème d’Audrey (Sherilyn Fenn), et le thème qui accompagne les scènes plus inquiétantes. J’avais pas souvenir d’une telle économie, d’une telle répétitivité. Ca participe évidemment grandement de l’expérience immersive dans un univers bien codifié et délimité.
– J’ai également été frappé par la langue et ça aussi, ça a été une totale redécouverte: plus désuet que véritablement châtié (même si les jurons et gros mots sont très rares), le parler Twin Peaks est truffé d’expressions qui semblent issues des années 50 et d’une Amérique innocente et bienveillante. Cohérence sur la forme jusqu’au bout puisque par certains aspects, Twin Peaks pourrait être une sorte de Brigadoon du Nord-Ouest des Etats-Unis, une ville figée dans le temps, ici les années 50.
– Enfin, au sujet de la saison 1, j’ai aimé constater à quel point Twin Peaks assumait totalement son côté « soap ». Je sais bien que j’enfonce une porte ouverte car c’est précisément la combinaison soap traditionnel + univers lynchien (pour faire court) qui fait de Twin Peaks cet objet si unique mais l’aspect soap est vraiment très prononcé. Amourettes adolescentes, relations sentimentales contrariées, histoires de famille, intrigues financières etc. : le générique et sa présentation très factuelle des lieux et de l’environnement de la série annonçaient déjà la couleur, et par bien des aspects, Twin Peaks est un prolongement au 1er degré de soaps tels que Falcon Crest ou Knots Landings (Côte Ouest en France).
– Cette tonalité délibérément senti-menthe à l’eau / rocambolesque sera encore accentuée dans la saison 2 mais pas toujours à bon escient, avec des storylines parfois franchement hasardeuses, voire douteuses : ce qui concerne James notamment (le motard sentimental), et plus précisément son escapade et son aventure avec une femme mariée, ou tout ce qui tourne autour de Josie (Joan Chen) et de la scierie, c’est vraiment n’importe quoi.
– On connaît désormais bien l’histoire : dans l’esprit de Mark Frost et de David Lynch, il fallait entretenir le mystère au maximum, si ce n’est indéfiniment, et dévoiler qui était l’assassin de Laura Palmer le plus tard possible (sinon jamais, idéalement pour Lynch). D’où une saison 2 très bancale, avec des storylines pas toujours pertinentes donc et un découpage très net : jusqu’à la révélation du tueur, on est dans la lignée de la saison 1, c’est du velours; c’est ensuite que ça part un peu dans tous les sens et que ça tâtonne pour retrouver une véritable direction (cf le point précédent). Jusqu’à l’épisode 16 très exactement, qui voit la réapparition de Bob et du nain (cette séquence mémorable durant laquelle on le voit danser sur le lit de Josie), et qui marque une reprise en main évidente.
– Jusqu’à cet épisode 22, le dernier de la saison 2, intitulé Beyond Life and Death et réalisé par David Lynch lui-même. Episode culte, quasiment mythique et qui n’a rien perdu de sa beauté, de son mystère et de sa puissance après 25 ans: le quart d’heure (ou quasiment) se déroulant entièrement dans la Black Lodge reste le quart d’heure de télévision le plus radical et fascinant que j’ai jamais vu. Episode enfin, qui annonçait de manière on ne peut plus explicite la saison 3 à laquelle nous allons avoir droit même si évidemment, sur le coup, personne n’a rien vu venir:
Pour conclure sur une note granderemisesque i.e. futile et qui n’interpelle que moi, 3 fun facts:
– quelques épisodes ont été réalisés par Caleb Deschanel, papa de. Mais ça je le savais.
– En revanche, j’avais pas du tout percuté que Eileen Hayward, la femme du docteur, était interprétée par Mary Jo Deschanel, son épouse, et donc maman de:
Y a un truc, c’est sûr.
– Enfin, et là ça m’a scié, j’ai appris que Peggy Lipton, interprète de la belle Norma, propriétaire du Double R, le diner, était la maman de Rashida Jones:
Ici avec Quincy Jones, le papa donc. Dingue.
Dernière chose, promis: me reste à revoir le film, Twin Peaks – Fire Walk With Me. David Lynch lui-même a indiqué qu’il avait une importance capitale pour la saison 3 donc si tu n’as pas eu le temps ou la motivation pour revoir les 30 épisodes des saisons 1 et 2, tu sais ce qu’il te reste à faire.
Plus que 4 jours nom de Dieu !