#98 Neil Young – Everybody Knows This Is Nowhere

La fin (du top) approche et j’arrive pas à conclure. La peur de gagner, tel le tennisman français qui dispose de 2 balles de match au 4ème set. Je vais tacher de pas faire sous moi et de pas me prendre un 6-0 au 5ème set.

Bon, Neil Young, normal. On est plus dans la catégorie « les 100 meilleurs disques de rock », « les indispensables de la cdthèque » ou je ne sais quoi, c’est les Tables de la Loi ici.
Voilà, fin du billet. Je vois pas ce que je pourrais dire d’intéressant qui n’ait déjà été dit à son sujet ou au sujet de cet album.

#23 Richard Davies – Telegraph

richard davies - telegraph
Pour situer un peu les choses, Richard Davies est une moitié de Cardinal, sa moitié lennonesque disons. Je parlerai de l’autre moitié du groupe, Eric Matthews, en temps voulu.
Ici pourtant, Davies est en mode laid-back, quelque part entre Lou Reed et Neil Young (tu commences à situer le niveau là ?). Ce qui frappe le plus c’est l’aisance, l’évidence avec laquelle ce disque s’impose dès la première écoute. La triplette d’ouverture… La triplette d’ouverture. Écoute et tu comprendras.

Du coup cet album est l’un de ceux auxquels je pense et me réfère spontanément lorsqu’on me demande de citer un album pop américain modèle. 10 chansons, 38 minutes, pas un gramme de superflu. Un disque de musique à dominante acoustique sans être folk pour autant, à la fois classieuse, douce, ouvragée mais un peu rugueuse aussi, disons campagnarde ou rustique sans être country non plus. Les pieds bien ancrés au sol dans des bottes mais la tête dans les étoiles.

J’aime bien cette pochette qui ressemble à rien aussi. Enfin, qui m’évoque une cabane rescapée de la période de la ruée vers l’or par exemple (Telegraph), ce qui finit de placer cet album, dans ma tête en tout cas, parmi la liste des classiques du rock américain (même si Davies est australien).

Je me sens confus, je m’arrête là.
Cet album est un classique instantané, c’est tout ce qu’il faut retenir de ce billet.

Neil Young & Crazy Horse, Big Festival – Stade Aguilera, Biarritz

Jonathan Wilson + Neil Young à l’affiche de cette nouvelle édition du Big Festival sur la côte basque, chez moi, dans l’endroit que j’aime le plus au monde! Et dire qu’il y a encore un mois, j’ignorais complètement qu’ils seraient à l’affiche de ce festival… C’est grâce à mon boulot que je suis tombé par hasard sur l’info. Il aura au moins servi à ça…

Surprise : je me gare très facilement non loin du stade Aguilera où a lieu le concert : j’ai beau connaitre le coin et savoir où trouver une place, ça me parait un peu suspect. J’aurai la confirmation le lendemain que mon impression visuelle n’était pas erronée et qu’il n’y avait pas tant de monde que ça : 8000 personnes pour un tel concert, ça me parait assez moyen.

J’arrive alors que John Berkhout a déjà commencé : ce sont les traditionnels « régionaux de l’étape » du festival, des basques donc (basques espagnols pour être plus précis), qui jouent une espèce d’indie-folk délicate et sans grande originalité. Le leader s’adressait au public en basque entre les morceaux.

Le public justement : pour la 1ère fois depuis très longtemps, je ne fais pas partie des plus âgés. Même si, comme me l’a si bien dit une de mes collègues récemment, je ne suis pas vieux car je suis « jeune dans ma tête ». Je l’ai évidemment giflée et dénoncée aux autorités compétentes sur le champ.
Le public donc, est plutôt varié comme je m’y attendais. Deuxième surprise néanmoins : enooooooooooooooooooooormément d’espagnols (basques espagnols là encore). Ils sont toujours très nombreux dans la région mais là ils sont très clairement majoritaires. J’apprends en discutant avec une nana que la tournée de Young ne passe pas par l’Espagne cette fois, ceci expliquant cela. Pour le reste : des jeunes nappy biarrots (bermuda rose, pull sur les épaules et grosse mèche), leurs parents endimanchés, des vieux babs qui roulent des joints et des fans de Johnny.

2013-07-18 19.37.35
Jolie casquette

Je m’approche des premiers rangs pour ne rien manquer de la prestation de Jonathan Wilson, dont le 1er album, Gentle Spirit m’a conquis il y a 2 ans. Proclamé « new king of Laurel Canyon » par la presse anglo-saxonne, il est l’un des plus dignes héritiers actuels de Neil Young et sa présence à l’affiche relève de la plus parfaite évidence.

Son quintet déboule nonchalamment sur scène, super cool, en total look Laurel Canyon 1971. A côté de moi, celui qui semble être le chef d’une bande d’ados excités (i.e. celui a déjà roulé une pelle à une fille) s’écrit « ouais John Lennon ! » : je l’ai évidemment giflé et dénoncé aux autorités compétentes sur le champ.

Wilson a une dégaine d’enfer : grand, mince, cheveux longs, Ray-Bans, boots en daim, chemise à motif navajo, il cartonne.

Jonathan Wilson - Big Festival, BiarritzJonathan Wilson - Big Festival, BiarritzJonathan Wilson - Big Festival, Biarritz

More cowbell!!
More cowbell!!

Jonathan Wilson - Big Festival, Biarritz
Évidemment, sa musique sur scène est plus musclée que sur son album même si elle ne perd rien ou pas grand chose de son caractère atmosphérique: elle évoque un croisement improbable entre les Black Crowes actuels et Pink Floyd. Il a joué peu de morceaux de son dernier album au bout du compte, privilégiant les nouvelles compositions. Il a joué peu de morceaux tout court d’ailleurs : il a tendance à les étirer au maximum, un peu trop parfois ; c’est d’ailleurs également le seul reproche que je formulerais au sujet de son disque. Jonathan, si tu me lis, et je sais que tu me lis, sois plus concis. Gotta make it shorter dude ! Je pinaille, c’était vraiment excellent. Esprit Calif’ à mort, cruisin’ music classieuse, avec ce qu’il faut de mystère et de mélancolie pour se singulariser. J’avais un peu peur que sa douce voix ne supporte pas l’épreuve de la scène mais pas du tout: là aussi, il parvient à « épaissir » un peu le trait sans rien perdre de sa subtilité ni de sa douceur.
Très pro, le groupe fait abstraction apparente de son passage prématuré (ils ne sont que 3ème sur l’affiche) et de l’indifférence hallucinante du public à son arrivée. Ils sont pro mais sans doute sûrs de leur force aussi : ils assurent comme des brutes, avec classe et compétence et conquièrent logiquement l’audience peu à peu. Tant et si bien qu’ils finiront sous une belle ovation qui m’a fait bien plaisir, avec le sublime Valley of the Silver Moon. Super concert, vraiment, qui laisse présager un excellent nouvel album.

Place à Gary Clark Jr, qui a donc les honneurs de la véritable première partie. Jamais entendu parler de ce mec pourtant (genre, je connais absolument tout tu vois)… Bon, c’était pas désagréable m’enfin… Blues électrique dont on pense de prime abord qu’il pourrait pencher du côté des Black Keys sauf qu’on déchante très rapidement, c’est beaucoup plus gras et démonstratif. Un côté Ben Harper finalement. Vite fatigant. Ca m’a d’autant plus fait regretter que Jonathan Wilson n’ouvre pas pour Neil Young : il aurait été parfait dans le soleil couchant… Au lieu de ça, le gars Clark se touche méchamment la nouille et enchaîne les solos à rallonge. Gros succès auprès du public.

Gary Clark Jr - Big Festival, BiarritzGary Clark Jr - Big Festival, BiarritzGary Clark Jr - Big Festival, Biarritz
Entracte. Au moment où je veux me rapprocher de la scène (j’avais reculé pour Gary Clark), je constate que le public est déjà en place et les premiers rangs serrés. Du coup je suis bien placé mais un peu trop loin à mon goût. Quel couillon…

Ca s’affaire désormais méchamment sur scène où une armée de roadies installe le matos de Crazy Horse (et non « le matos du Crazy Horse » : ça serait pas tout à fait le même matos). Là ça commence à sérieusement monter en moi quand même…

Bon parce qu’enfin… Neil Young… Autant j’admire certains artistes, autant certains d’entre eux sont même des « héros », des types que j’admire énormément, autant là… On bascule dans une autre catégorie : McCartney, Eastwood, Sean O’Hagan. Et lui.

Je ne vais pas m’étendre, je ne veux pas verser dans le sentimentalisme et je n’ai de toutes façons pas envie d’expliquer ce que cet homme représente pour moi ni de raconter à quel point il a pu m’aider et m’aide encore. Je dirais donc juste que j’étais extrêmement ému à l’idée de pouvoir enfin le voir sur scène. Et, voir le logo du groupe être hissé à l’arrière de la scène une fois le gros du matos installé, n’a pas arrangé les choses.

22h40, les lumières s’éteignent enfin.
C’est ridicule mais à ce moment-là je suis un peu ailleurs: je ne sais plus sur quelle musique ni comment ça s’est passé exactement (ni même s’ils sont arrivés en musique d’ailleurs) mais je vois tout d’un coup 4 vieux types arpenter la scène : l’un d’eux, qui s’installe derrière la batterie, porte une casquette à l’envers. Un autre, un peu fort, porte un t-shirt sans manches à l’effigie de Jimi Hendrix. Pathétiques les vioques… Un 3ème, arborant un chapeau à large bord, s’empare d’une Les Paul noire.
Et là je sais pas ce qui se passe mais au premier accord de guitare, les 4 vieux se transforment comme par enchantement en Neil Young & Crazy Horse.
Ils jouent l’intro de Love and Only Love et c’est parti pour 2h15 de masterclass.

Setlist :

Love and Only Love donc : ouverture impeccable, très électrique, qui donne le ton d’emblée. Le groupe se fige dès l’intro dans sa configuration fétiche, devenue sa marque de fabrique sur scène : Sampedro, Talbot et Young regroupés devant la batterie de Molina. Ils sont parfois si proches les uns des autres qu’on jurerait qu’ils se touchent…Un gang. Dont on comprend très vite qu’il se serre les coudes, qu’il s’isole pour mieux s’immerger dans sa musique certes mais aussi qu’il agit ainsi pour décupler sa puissance et bien tabasser son public. Dans ces moments-là, qui se reproduisent très régulièrement et dont on se fout de savoir s’ils sont calculés ou s’ils sont toujours vécus aussi intensément par le groupe après toutes ces années, ces mecs sont beaux. Ils sont vieux, ridés, flapis, ne ressemblent à rien (enfin, si : Billy Talbot et Ralph Molina, à 2 pizzaiolo à la retraite de Little Italy), mais ils sont Crazy Horse, et ils sont beaux. Neil est un peu voûté, grimaçant, il bouge un peu maladroitement et fait la gueule, comme toujours mais il se donne déjà sans compter sur Old Black, sa guitare fétiche. Il a évidemment un charisme de dingue. Et cette voix…
« Poncho » Sampedro est déjà souriant, il communique avec le public au premier rang. Talbot est toujours très concentré et il est toujours aussi cocasse de voir un batteur aussi « basique » que Molina derrière une batterie aussi imposante.
Je ne dirais pas qu’ils sont immédiatement en place, ça serait leur faire injure : ces mecs-là sont nés en place. En tout cas ça démarre très, très fort.

Powderfinger : je me doutais qu’ils la joueraient mais malgré une interprétation un peu en-dedans à mon sens, j’ai été complètement cueilli. Ca frise l’irrationnel de manière un peu ridicule là (encore), je me dis que merde, j’y suis… Les « ooooooooouh » de Crazy Horse, putain…

Psychedelic Pill: simple, efficace, un parfait morceau de transition. Parce que juste après, ça déconne pas.

Walk Like a Giant : premier grand moment de la soirée. Epique, dantesque, déchirant. « I used to walk like a giant on the land, now I feel like a leaf floating in a stream ». La fin s’étire de manière totalement improbable, aux frontières de l’expérimental : on se croirait sur Arc, son album uniquement composé de larsens de fins de morceaux. Certaines personnes autour de moi commencent à se dire qu’elles n’auront peut-être pas droit à un concert-best of.

Hole in the Sky : après l’orage, le début de l’éclaircie.

Heart of Gold : début de l’intermède acoustique. Le public est ravi (sans doute un peu rassuré aussi) et reprend toutes les paroles en chœur. Je n’aime pas beaucoup cette chanson (pas par snobisme : j’adore la plupart de ses « tubes ») mais gros frisson lorsqu’il souffle dans son harmonica : c’est encore une image de la mythologie youngienne qui s’anime devant nous…

Human Highway : très chouette interprétation de ce chouette morceau tiré du chouette et sous-estimé Comes a Time

Blowin’ in the Wind : alors là… LE grand moment œcuménique du concert. Grosse émotion chez les vieux de la vieille. Pour moi on est à la limite de la faute de goût. Je veux dire, il a quand même quelques albums derrière lui le mec, c’est pas comme s’il manquait de matière… Et il nous reprend ce… truc… OK OK, je connais son importance m’enfin. J’étais à 2 doigts de le gifler et de le dénoncer aux autorités compétentes.

Singer Without a Song : joli moment avec Neil au piano et Crazy Horse au complet sur scène (et non « le Crazy Horse au complet sur scène »: ça ferait beaucoup plus de monde. Et de nichons, oui, je sais que tu l’as pensé.)

Ramada Inn : LE grand moment du concert pour moi. Neil Young & Crazy Horse mon vieux. Dingue de se dire que ce morceau date de l’an dernier, qu’il n’est pas un classique datant de 30 ou 40 ans. Les solos de Neil sont tous d’une inventivité et d’une violence folles, le beat de Crazy Horse absolument dément. Du psychédélisme électrique à l’état pur. A partir de là le groupe communique beaucoup, sourit, semble bien. Il finira donc le concert totalement furibard, bien décidé à nous laminer avec une triplette d’enfer.

Surfer Joe and Moe the Sleaze, de l’album Re-a-ctor !!

Sedan Delivery, complètement hystérique

Rockin in a Free World : public totalement déchainé, Neil est hilare ( !)

Ils quittent la scène. Tellement de basques espagnols dans le public qu’on ne crie pas « une autre, une autre ! » mais « beste bat ! beste bat ! » son équivalent basque.
Rappel donc :

Mr Soul : puuuuuuuuuuuuuuuuuuutain ! Alors celle-là je m’y attendais pas ! Revisitée par Crazy Horse, c’est presque du punk rock. C’est encore un peu plus la folie chez les purs et durs à ce moment-là.

Hey Hey My My (Into the Black) : l’épaisseur, la lourdeur du riff putain, je peux presque le toucher. Là c’est comme pour Powderfinger, t’as beau te douter que tu vas y avoir droit, t’es cueilli et tu fonds.

Et c’est fini.

Ils s’attardent sur la scène pour saluer le public, très chaleureusement, tout sourires. 2h15 de pur rock électrique, psychédélique et mélodique, interprété de façon MA-GIS-TRA-LE. Je regarde autour de moi: nous sommes plusieurs à être un peu sonnés.

Ils n’ont pas joué Cinnamon Girl ni Everybody Knows This Is Nowhere comme je l’espérais mais si je commence à lister celles que j’aurais aimé entendre, t’en as encore pour 4000 signes à me supporter.
Non, la setlist était parfaite, faisant la part belle à Psychedelic Pill, un disque sorti l’an dernier. Après 44 ans de carrière (avec Crazy Horse). A 68 ans. Neil Young putain…

Neil Young & Crazy Horse - Big Festival, BiarritzNeil Young & Crazy Horse - Big Festival, BiarritzNeil Young & Crazy Horse - Big Festival, BiarritzNeil Young & Crazy Horse - Big Festival, BiarritzNeil Young & Crazy Horse - Big Festival, BiarritzNeil Young & Crazy Horse - Big Festival, BiarritzNeil Young & Crazy Horse - Big Festival, Biarritz