Undercover: Une histoire vraie – critique

À Détroit, dans les années 80, au plus fort de la guerre contre l’épidémie de crack, voici l’histoire vraie d’un père d’origine modeste, Richard Wershe, et de son fils, Rick Jr., un adolescent qui fut informateur pour le compte du FBI, avant de devenir lui-même trafiquant de drogue, et qui, abandonné par ceux qui l’avaient utilisé, fut condamné à finir ses jours en prison. (Allociné)

Le titre original est White Boy Rick, et il est nettement plus digeste que argument fatigant de la sacro-sainte histoire vraie mis en avant dans le titre français. Heureusement, le film en a d’autres (arguments) à faire valoir.

« White Boy Rick« , c’est un gamin de 15 ans, déscolarisé, qui passe ses journées avec Rick Sr, son daron (Matthew McConaughey, moustache/mullet white trash de toutes beautés) refourgueur d’armes à feux à la petite semaine. Rick (junior) se retrouve très vite acoquiné avec les membres, Noirs, des gangs de Detroit, d’où le surnom dont il se retrouve affublé.
Ca c’est la 1ère partie du film, la meilleure : les rues délabrées de Detroit, la galère, les combines, l’exaltation et l’euphorie de l’argent facile et de son corollaire (les filles, les fringues, les soirées en boîte). On a déjà vu/lu ça 1000 fois mais rien à dire, on y est, ça transpire la vraisemblance et on y croit, tout simplement.

Après ça se gâte un petit peu. Rien de grave mais… on a déjà vu/lu ça 1000 fois : « la galère, les combines, l’exaltation et l’euphorie de l’argent facile et de son corollaire » blablabla. C’est pas désagréable, et le film peut se targuer d’une authenticité appréciable, sinon essentielle, dans ce type de récit. Je ne parle pas du fatigant et facile baizdeu oneu trou stori mais des décors, dialogues, interprètes, de ces petits détails qui font qu’on y est, encore une fois. McConau en fait des caisses, il est en voie de DeNiroisation avancée (toujours les mêmes mimiques, toujours les mêmes ficelles) mais ça l’effectue (« il joue trop bien, c’est abusé »: mon voisin à casquette, hypnotisé pendant tout le film, à sa copine nettement moins concentrée), et les 2 acteurs qui jouent ses enfants (Richie Merritt et Bel Powley), excellents, bénéficient en outre d’un bonus visages-frais-et-nouveaux. Le casting en général, curieux et disparate (2 gamins relativement inconnus donc, McConau, Bruce Dern, Jennifer Jason Leigh et une Piper Laurie méconnaissable) est l’un des gros points forts du film.

Il manque pourtant à Undercover un point de vue plus affirmé (malgré une noirceur étonnante et un réalisme très cru), autre chose qu’un déroulé prévisible des étapes attendues de ce type de récit, pour le hisser au-dessus de l’honnête polar. Un point de vue tout court d’ailleurs, sur la situation de Detroit par exemple, ou le système judiciaire américain puisque c’est cette direction que prend le récit dans son denier quart. Yann Demange, le réalisateur (français) a beau citer Serpico (que le personnage de McConaughey regarde à la télé) et faire porter à white boy Rick la même veste de l’armée qu’arborait à plusieurs reprises Al Pacino dans le film de Lumet, on en est loin… Mais son film, aussi mineur soit-il, ne commet pas d’impair et son découpage, certes sans prise de risques, est efficace. « Ca se regarde bien » donc. C’est déjà pas mal je suppose.

Mud – critique

Il y a les films qu’on aime parce qu’ils ressemblent à un possible prolongement de notre propre existence Les coquillettes) et il y a les films qu’on aime parce qu’ils sont l’incarnation de notre vie rêvée, d’une existence fantasmée. Je n’ai plus 14 ans depuis quelques années, je ne vis pas en Arkansas et je suis bien incapable de remettre en état une épave de bateau de mes propres mains : Mud appartient donc à la seconde catégorie. J’ai en tout cas trouvé là un duo de films parfaits qui devraient se retrouver aux premières places de mon top de fin d’année.J’arrête de parler de moi pour une fois.

Le pitch, rapidement: deux jeunes adolescents tombent par hasard sur un île au milieu du Mississippi, non pas sur Joe l’Indien mais sur un homme en cavale qui se fait mystérieusement appeler Mud (McConaughey). Il leur raconte qu’il a assassiné l’amant de la femme qu’il aime depuis toujours (Reese Witherspoon, en mode cagole de l’Arkansas abîmée par la life), et qui est censée le retrouver. Les deux gamins vont l’aider à remettre en étant un bateau abandonné afin qu’il puisse fuir avec sa belle et échapper à la justice. Mud est un film d’une rare générosité. Un film idéal qui embrasse à la fois la mythologie de l’Americana (la countriste, les casquettes de trucker, les pick up, les bars miteux, les motels lambda : tout est là), les rêves et les désillusions de l’enfance, l’apprentissage de la vie d’homme, de l’amour, la vérité d’une amitié, les réalités de la vie de couple, le rêve, le fantastique, la comédie, le polar. Et l’aventure. L’Aventure, mec.

Un film-somme, un genre de best-of de ce que le cinéma peut offrir de plus vrai, de plus irréel, de plus beau, de plus émouvant. On rit, on pleure, de joie, de tristesse, on a peur, on sursaute, on vibre…Jeff Nichols se rachète ici totalement à mes yeux : Take Shelter manquait foncièrement d’épaisseur romanesque, de croyance en une véritable fiction. Cette fin ouverte que les défenseurs du film louent s’apparentait pour moi à une tiédeur, une impossibilité de trancher de la part du cinéaste qui ne jouait pas vraiment en sa faveur : savait-il lui-même ou il voulait en venir ? Et quand bien même il savait très bien ce qu’il faisait, en quoi cette fin valait-elle mieux que celle du premier petit malin venu et des twists épate-la-galerie qu’on ne peut plus souffrir ? Évidemment, tout cela était supérieurement filmé et mis en scène…

La filiation de Mud avec Take Shelter est évidente mais Nichols semble n’avoir gardé de son précédent film que le meilleur : le contexte, les personnages issus de l’ultra-prolétariat des small towns de l’Amérique profonde et le regard profondément humain et plein d’empathie qu’il porte sur eux, mais surtout l’omniprésence de la nature et le goût pour le fantastique, d’autant plus impressionnant et évocateur qu’il est vu à travers les yeux de 2 jeunes adolescents (sublimes scènes de nuit sur l’île ou au fil de l’eau). Nichols y ajoute donc cet ingrédient qui peut, parfois, éventuellement, moi je dis ça je sais pas hein, s’avérer important : la fiction. Mud n’a pas peur de raconter une histoire (tant et si bien qu’il en raconte plusieurs) et de clore chacune d’elles sans ambiguïté, sans qu’absolument aucun personnage ne soit laissé de côté. Et il a la suprême élégance, la générosité ultime de nous laisser sur… Sur un plan que je ne dévoilerai évidemment pas.
Et j’ai même pas parlé des 2 gamins, fantastiques, de MacConaughey, au-delà de tout éloge…

Va le voir, c’est tout ce que j’ai à ajouter. Ca me fera plaisir et plus important, ça te fera du bien.