Non c’est pas fini. C’est LOIN d’être fini. Ah j’ai pas beaucoup posté l’an dernier mais tu vas en chier maintenant, je te le dis moi !
Kingsman
Life
Après 2 excellents films d’espionnage que j’ai beaucoup aimés (The American avec George Clooney et A Most Wanted Man, dernière apparition à l’écran de Philip Seymour Hoffman, Anton Corbijn revient à un sujet plus personnel ou en tout cas plus proche de sa vie « d’avant », en tant que photographe (de U2 notamment). Il raconte ainsi ce moment où Dennis Stock, anonyme cheville ouvrière de l’industrie hollywoodienne (il travaille principalement en tant que photographe de plateau et d’avant-premières, sur les tapis rouges), rencontre James Dean, dont la carrière est sur le point de décoller (il vient de tourner La fureur de vivre). Stock sent que Dean peut marquer son époque et dans le même temps, lui servir de tremplin. Il le convainc de réaliser une série de photos qui, simultanément à la sortie du film de Nicholas Ray, feront de lui le mythe que l’on connait.
Au-delà de l’évocation d’un moment clé de l’histoire de la pop culture (James Dean a pour ainsi dire inventé l’adolescence), moment que Corbijn retranscrit avec la distance nécessaire (ni trop d’emphase, ni trop de froideur), au-delà également d’un épisode qui fait écho à la propre vie de Corbjin (qui a accompagné lui aussi l’explosion de U2 puisqu’il les a accompagné depuis leur première tournée américaine et a notamment signé la pochette de The Joshua Tree, l’album qui les a fait basculer dans le monde des superstars), Life montre surtout la rencontre de 2 personnes dans un moment à la fois de fragilité et d’espoir pour chacun d’eux. C’est un film qui prend son temps, qui peut sembler un peu atone dans un premier temps mais qui marque davantage que des films plus impressionnants sur le moment. Il repose évidemment sur l’interprétation et l’alchimie entre les 2 acteurs (Robert Pattinson dans le rôle de Dennis Stock, Dane DeHaan dans celui de James Dean) et là aussi, il est irréprochable.
Un film donc, que je conseille particulièrement car j’ai l’impression qu’il est un peu passé inaperçu.

21 nuits avec Pattie
Il faut voir les choses en face : le meilleur des Larrieu est sans doute derrière eux. Quand on les connaissait pas ou peu, qu’ils tournaient avec des acteurs encore émergeant (quand Amalric n’était pas aussi célèbre en gros), qu’ils abordaient la notion de couple avec un regard vraiment neuf.
Depuis plusieurs années maintenant, ils se sont embourgeoisé. Les derniers jours du monde, sans doute leur film le plus coûteux ressemble à un magnifique baroud d’honneur, un geste un peu kamikaze dont ils ont je pense encore du mal à se remettre financièrement.
21 jours avec Pattie est donc à la fois un film bourgeois (Isabelle Carré, Karin Viard, André Dussolier au casting) et un « petit » film (ils ont tourné dans le village tarnais dans lequel, enfants, ils passaient de nombreuses vacances avec leurs parents). Ceci étant dit, on parle des Larrieu là : les longues tirades de Karin Viard dans la première partie, c’est de la pornographie, ni plus, ni moins. Il n’y a qu’eux pour écrire, filmer et mettra ça dans la bouche d’une des actrices les plus « installées » en France aujourd’hui.
Dans sa seconde partie, suivant le fil d’un récit distendu comme toujours chez eux, le film est encore meilleur : il délaisse délibérément le personnage interprété par Viard, qui a fait son ouvrage auprès d’Isabelle Carré, et peut donc laisser celle-ci faire son deuil et revenir à la vie. C’est très finement et sensiblement montré. Très émouvant aussi, avec ce final qui rappelle celui d’Un homme, un vrai, manière de boucler la boucle et de montrer qu’ils sont encore capables de très belles choses.

La tête haute
Les années passant, j’ai de plus en plus de mal avec les films « sociaux ». J’entends par là les films qui essaient de prendre un problème social à bras le corps ou qui prennent pour contexte une situation « délicate », des personnages « abîmés par la vie ». Parce que là ou les Dardenne montrent des personnages abîmés par la vie, on a vite fait d’en montrer d’autres qui sont abîmés par la life, tu vois. Autrement dit de charger la mule, adopter la mauvaise distance, surjouer l’authenticité (coucou La loi du marché).
Exercice ô combien périlleux donc, qu’Emmanuelle Bercot déjoue brillamment : parce que la bonne distance précisément, parce que l’authenticité (le casting, impeccable mélange d’acteurs chevronnés et amateurs) et parce l’ampleur du récit. La tête haute n’est pas une chronique ordinaire de l’inadaptation, de la misère sociale, que sais-je encore: le film se déroule sur une période de plus de 10 ans, ce qui lui confère une dimension de saga. Si j’osais, je dirais même qu’il y a du Dickens là dedans… Bercot a de plus l’intelligence et le talent de ne donner aucune date, aucun marqueur temporel autre que celui des événements de la vie de son héros. Le temps qui passe pour lui, passe pour nous par le montage uniquement et donc par le cinéma. Super film, vraiment.

Shaun le mouton
J’y allais un peu à reculons, regrettant que les studios Aardman se contentent à mes yeux de recycler un personnage existant et capitalisent sur la popularité de ce même personnage, au lieu de créer quelque chose de nouveau. Mais ces gens-là (du studio Aardman) sont vraiment des gens d’une sensibilité et d’une intelligence dingue. Même la « critique » des fashionistas et autres hipsters (entre guillemets car on est davantage dans le gentil brocardage), critique aisée et attendue, est subtile et pleine de bienveillance. Comme quoi on peut très bien faire un film pour les plus petits (mais vraiment les tout petits, un film de bébé, au sens propre) ET les adultes. Coucou Star Wars.
Enfin, Shaun le mouton est la preuve que les studio Aardman appartiennent définitivement au patrimoine britannico-britannique au même titre que les scones, Lewis Carroll, le Boxing Day ou les Kinks. Larmichette inévitable à la fin.

Crazy Amy
Je ne partage pas l’enthousiasme général au sujet de ce film mais je pense que c’est une réussite et ça fait plaisir de voir Judd Apatow revenir à ce qu’il sait faire de mieux : un mélange n’appartenant qu’à lui d’humour trash et d’émotion subtile.
Ne pas réaliser un scenario qu’il a lui même écrit et délocaliser l’action à New-York (et non plus Los Angeles comme tous ses autres films) lui a visiblement fait du bien : il laisse un peu de côté son obsession du couple qu’il a pu si bien traiter mais qui l’a mené dans une impasse lors de son précédent 40 ans, mode d’emploi. C’est encore la question du couple qui taraude son héroïne mais davantage à travers un questionnement et un cheminement personnels : c’est lorsqu’elle aura accompli sa mue de son côté qu’elle sera prête à changer de vie. Et ce sont les scènes familiales (avec sa sœur et leur père) qui créent le plus d’émotion.
Depuis Mes meilleures amies (qu’il n’a pas réalisé mais qu’il a produit avec beaucoup de conviction), Apatow semble davantage intéressé par la description de personnages féminins : voir aussi son implication dans la série Girls. Il s’est dans le même temps un peu détaché de ses poulains (notamment Seth Rogen). Ca l’oblige à se réinventer un peu, c’est intéressant mais du coup je vois davantage Crazy Amy comme un film de transition. A suivre donc.

Pulp – a film about life, death & supermarkets
Les bons documentaires musicaux sont rares parce que
1. les documentaires musicaux sont rares
2. le type derrière la caméra ne pose pas toujours un regard super intéressant sur son sujet.
Exemple type : cette année, j’ai également vu un autre docu au sujet très proche, celui consacré à la reformation d’une autre vieille gloire britannique, les Stones Roses. Et le film est sans intérêt. C’est à dire que j’ai pris du plaisir à le regarder parce que c’est super de voir Ian Brown, John Squire, Mani et Reni rejouer ensemble, parce que c’est toujours émouvant de voir des fans qui n’y croyaient plus pouvoir assister à l’un de leurs concerts, et parce que l’identification marche à fond : j’aime les Stone Roses et j’ai peu ou prou le même âge que leurs fans de la première heure. Mais passé ce plaisir immédiat et purement instinctif, le film n’a aucun intérêt artistique et cinématographique : il est réalisé par un fan absolu (il ne s’en cache pas) et en caricaturant, on pourrait presque dire de lui qu’il s’agit d’un publi-reportage à la gloire du groupe.
Ce que n’est pas Pulp, a film about life, death & supermarkets.
Ca n’est pas faire injure aux Stone Roses, qui ont énormément de qualité et qui sont un groupe que j’adore, que de dire que Pulp est à la base un groupe plus intéressant. Un parcours plus intéressant, une musique plus intéressante (et complexe), des paroles BEAUCOUP plus intéressantes.
A l’occasion de la reformation surprise du groupe en 2012, le réalisateur a donc décidé de se rendre dans la ville de Sheffield, leur ville, le jour du concert des enfants prodigues, afin de recueillir le sentiment des habitants à leur sujet. Le film comporte donc quelques scènes de concerts, quelques paroles des membres du groupe mais surtout des paroles d’anonymes, fans de la première heure, passants, commerçants, association récréatives, vieilles dames, universitaires etc. Le film offre ainsi d’abord un portrait de la ville et, ensuite, en creux, un portrait du groupe. Une ville industrielle dont la rudesse transparaît à chaque plan et dans la personnalité des personnes interrogées, et dont on comprend l’importance qu’elle a pu avoir dans le rapprochement de ces 5 parias sublimes, forcément marginaux dans un tel environnement.
Et en plus de cette approche singulière, il y a évidemment Jarvis, qui bouffe l’écran et donc le documentaire à chacune de ses apparitions, que ça soit sur scène ou lorsqu’il est interrogé par le réalisateur. Cet homme, Jarvis Cocker, a un charisme et une présence incroyables sur scène, une intelligence et un sens de la répartie merveilleux sur scène également mais aussi en dehors. Quand on fait le bilan, il est sans doute le dernier grand songwriter britannique, dans la lignée de Ray Davies, Bowie ou Morrissey.
Evidemment, ça marche sans doute mieux si on apprécie le groupe : Pulp me suit depuis plus de 20 ans (depuis le single My Legendary Girlfriend entendu chez Bernard Lenoir un soir de 1992 pour être précis) et plus le temps passe, plus ce groupe est précieux à mes yeux. Mais je pense que ce film est un modèle de documentaire musical original et stimulant pour quiconque s’intéresse au rock.

Mia Madre
C’est un beau film, émouvant et sans pathos, sur la fin de vie d’une honorable romaine, à travers le regard de son fils ingénieur (interprété par Nanni Moretti lui-même) et de sa fille réalisatrice de cinéma (Margherita Buy). Sans pathos et sans voyeurisme mais avec beaucoup de douceur et de bienveillance.
J’aime la façon dont Moretti ne cherche pas à dire quoi que ce soit d’autre : évidemment, on est tenté de chercher un message ou une mise en abyme dans le personnage de la réalisatrice et de ce tournage d’une fiction militante sur la reprise en main d’une usine, avec la grève et le plan de licenciements qui va avec (un film que le jeune Moretti tournerait aujourd’hui?), mais non, je ne crois pas, c’est inutile. Tout comme sont inutiles les petites séquences comiques censés apporter une respiration : humour de vieux, plus embarrassant qu’autre chose. Mia Madre est réellement bon quand il est « seulement » ce qu’il annonce : un film simple et sensible sur le décès d’une mère.