Un incident technique indépendant de ma volonté m’a empêché d’assister à la majeure partie de cette 3ème journée du festival : alors oui, j’ai raté les Allah-Las, oui, ça me fait vraiment chier, et même plus, donc, tout comme mon rendez-vous manqué avec Teenage Fanclub, je veux plus aborder ce sujet jusqu’à ce que je réussisse à les voir sur scène un jour. Capisce ? OK.
J’attaque avec les Sleaford Mods, sensation punk-hop de l’an dernier.
J’entre dans la grande salle alors que ça a déjà commencé : un laptop, un mec en bermuda-casquette derrière, un micro, un mec au look vaguement Mod en effet qui tourne autour. le 1er lance un beat, le second vocifère dans le micro. Et c’est génial. C’est. Génial. Jason Williamson, vieux routier désabusé du music business complètement reinventé/retrouvé avec ce nouveau projet (il a déjà 45 ans quand même), raconte les quotidiens de merde faits de mauvaise dope, de boulots à la con, de bière tiède, de fish and chips avariés. « This song is about your fockin’ manager. And if you’re a fockin’ manager, then this song is about you, you cheeky cunt. » Ce qui est génial c’est que les mecs ne se la racontent pas : quand je dis que le casquetté lance le beat, c’est qu’il lance le beat et c’est tout. Il fait pas semblant de bidouiller quoi que ce soit, il appuie sur une touche et recule d’un pas, se contentant de hocher la tête, une bière dans la main gauche, la droite dans sa poche. Pendant que l’autre fait le spectacle, postillonnant comme un goret en crachant sa bile. Même pas bourré le mec : il tête avec constance et avidité une bouteille de Cristalline. Fockin genius. Je l’ai toujours été évidemment mais en ce moment, je me sens particulièrement anglophile : ce concert, ce groupe, tombent pile poil au bon moment pour moi.
Du coup c’était pas prévu mais je rate le début du show d’Unknown Mortal Orchestra. Pas grave, je les ai déjà vus il y a 2 ans en 1ère partie des Flaming Lips à Villette Sonique. Cette fois, pour se rapprocher des textures et arrangements plus complexes du nouvel album, le trio habituel est accompagné d’un claviériste. Bon, c’était très bien encore une fois : souple et funky, hyper coolos sous le soleil de fin de journée. Toujours aussi virtuose, Ruban Nielson semble désireux à la fois d’élaguer son jeu tout en densifiant ses compositions et ça fonctionne remarquablement bien. Toujours aussi fan du batteur, toujours aussi convaincu que le bassiste pourrait virer sans qu’on s’en rende compte. Pas grand chose à ajouter : le nouvel album est top, ce groupe est top, ce concert était top.

Je vais ensuite faire un tour à The Soft Moon. Je connais que de nom, et le peu que j’ai lu à leur sujet laissait présager que c’était pas DU TOUT pour moi. Et de fait, j’ai tenu 2 chansons je crois. Cold-shoegaze-noise, je sais pas comment qualifier ça mais ça me gonfle profondément. Si le reggae n’existait pas déjà, ça serait mon reggae. Ce qui me gonfle encore plus de surcroît, c’est qu’on disqualifie avec dédain des mecs comme les Allah-Las parce qu’ils ne seraient que de vulgaires retro-fétichistes, tout en encensant ce genre de groupe. Alors que la seule différence entre les 2 c’est qu’ils font une fixette sur une période différente. Point barre final à la ligne.
Foxygen sur la grande scène ensuite.
Alors… Premier album, pop sixties meets Beck meets MGMT. Classique instantané. Tchuerie. Deuxième album sorti l’an dernier, port meets nawak meets Todd Rundgren. Et je suis très indulgent : il est quasiment inécoutable. Ratage complet ? Foutage de gueule délibéré ? Crise d’adolescence ? Sans doute un peu les 3 à la fois. Tout ça pour dire que je ne sais vraiment pas à quoi m’attendre ce soir.
Ils déboulent à 5, sans le chanteur Sam France évidemment, dont on se doute qu’il va se faire mousser au maximum. 5 plus 3 danseuses ! Et ça évidemment c’est très cool parce qu’elles sont quand même un peu coquines les coquines. Ca danse donc lascivement et énergiquement à la fois pendant que le groupe balance un We Are The 21st Century Embassadors of Peace and Magic à rallonge. A rallonge car oui, Sam France se fait bien prier. Il déboule donc après plusieurs minutes sous les vivats du public, nombreux et enthousiaste. Très amaigri, les cheveux décolorés, il ressemble énormément à Christopher Owen, le chanteur de Girls. Et on comprend très vite que Foxygen est là pour assurer un spectacle au sens propre du terme : France en fait des caisses dans son rôle de Jagger 2.0, ça joue des petites saynètes entre les morceaux, les danseuses (qui sont également choristes) assurent le show avec une belle abnégation etc etc. A un moment, faisant mine de s’embrouiller (le groupe est notoirement connu pour ses tournées, disons, chaotiques et Pitchfork avait annoncé l’an dernier qu’il avait splitté, information uniquement démentie par l’annonce surprise du nouvel album), tout le monde quitte carrément la scène pendant de longues minutes, pendant que la sono balance un grésillant San Francisco, leur chanson la plus connue. Qu’ils ne joueront donc pas ce soir en live.
Beaucoup dans le public, sans doute lassés par tant d’hystérie et de cabotinage (Sam France en fait VRAIMENT des caisses, il bouge et saute partout, tout le temps), reculent pour peut-être carrément aller voir ailleurs s’ils n’y sont pas : je comprends. Mais moi ça m’a beaucoup plu : déjà le groupe a l’intelligence de se concentrer sur les chansons de son 1er album; il ne garde ensuite du second que les plus abouties, les rendant encore plus classiques dans leur version live, se rapprochant alors d’un mélange entre les Stones de Black and Blue et le Todd Rundgren de Something/Anything; et puis surtout, je trouve ça mignon cette naïveté, ce désir de proposer un spectacle total, de jouer la carte d’un certain glamour décadent, très hollywoodien. C’est peut-être pas toujours réussi, voire c’est souvent maladroit mais c’est fait avec enthousiasme et sincérité, ça me touche. Le dernier morceau, Everyone Needs Love, est sublime pour les mêmes raisons : un peu naïf, très sincère, beaucoup Rundgren, bien interprété / joué, je ne peux qu’adhérer.
« Everyone needs love / we can make it together », vous avez bien raison les jeunes !
Donc voilà, ça s’est un peu terminé en eau de boudin en ce qui me concerne, plus tôt que prévu en tout cas.
Pas d’interviews finalement, j’ai pas pu avoir ce que je voulais et pour les autres, ça s’est mal goupillé. Ca n’est que partie (Grande) remise. Pouf pouf.
Pas de concerts gratuits non plus ie, les concerts de l’après-midi (le samedi et dimanche, les portes ouvraient à 14h) pour des raisons d’organisation personnelle également. Je jetterai néanmoins une oreille à Johnny Hawaii, Appletop et Only Real qui m’intriguaient pas mal.
Et puis c’est vrai, même si c’est la règle du jeu de toutes les manifestations culturelles de ce type et qu’on le sait pertinemment, on a parfois la sensation de se trouver dans la position du gamin dans la confiserie comme disent les anglo-saxons, ou d’adopter une attitude un peu consumériste pour adopter une tournure nettement plus négative : on veut tout voir, se gaver au maximum de musique, on court d’une scène à l’autre toute la journée de peur de manquer quelque chose d’important (en tout cas, je fonctionne comme ça mais je suis peut-être minoritaire, je ne sais pas).
Et le lieu s’y prête merveilleusement : Tinals, malgré son évolution et sa « progression » (sur le plan quantitatif, fréquentation et nombre de groupes/concerts) reste un festival à taille humaine, artisanal et ses 4 scènes sont réunies dans un périmètre réduit. C’est évidemment très appréciable. Mais je pense que l’année prochaine, je ferai le choix de choisir justement, et de voir moins de concerts peut-être, mais de les voir mieux.
Parce que oui, même si j’ai globalement été moins enthousiasmé par les prestations de cette édition que par celles de l’année dernière, un tel lieu, une telle organisation, une telle programmation, c’est absolument immanquable. Rendez-vous en 2016 donc !