Ca fait donc une semaine maintenant que David Bowie est mort.
Une semaine, le temps qu’il m’a fallu pour digérer un peu, rassembler mes souvenirs et mes pensées et finalement décider de participer moi aussi au déferlement d’hommages en tous genres.
Parce que comme l’a écrit Laurent Chalumeau, cette fois, c’est un mur porteur que l’on perd (il y en avait 6 pour moi : Bob Dylan, Mick Jagger, Paul McCartney, Brian Wilson, Neil Young et David Bowie donc), et parce qu’en ce qui me concerne, il s’agissait d’un mur porteur intime. Dylan et Jagger, je reconnaîtrai l’immense perte évidemment, mais ça ne me touchera pas, tout comme, par exemple, ne m’a pas touchée de manière intime la disparition de Lou Reed il y a un peu plus de 2 ans.
Mais là c’est Bowie.
Le premier 45t qu’on m’ait offert (tu sais ce que c’est un 45t ?), c’était Gaby Oh! Gaby de Bashung. Ca va, y a pire. Je vais pas me la jouer « je chantais déjà le Velvet à 4 ans », j’ai ensuite enquillé les disques pour enfants et les merdes de l’époque, normal. J’avais par exemple une grande passion pour L’Italiano, de Toto Cotugno.
Le premier 45t que je me suis payé avec mon argent de poche fut Let’s Dance. Le second, China Girl. Evidemment, à l’époque, j’ignorais que la chanson figurait initialement sur un album d’Iggy Pop. D’ailleurs j’ignorais qui était Iggy Pop et je m’en foutais. J’aimais simplement ces 2 chansons, surtout China Girl, que je trouvais plus joyeuse avec son motif oriental un peu vulgaire et très séduisant. Let’s Dance, j’adorais aussi mais de manière un peu plus inquiète: « let’s dance », « dansons », ok, mais pourquoi tu le dis d’une voix lugubre alors? Flippant. Mais fascinant parce que je trouvais Bowie très beau.
J’adorais aussi Modern Love ainsi que la video de Ashes to Ashes, SUPER flippante, qui curieusement, était l’une des rares videos régulièrement diffusées à la télévision.
J’ai continué à suivre Bowie durant les années 80 : Absolute Beginners, que j’adorais avec sa mélodie nostalgico-mélancolique, et que j’étais allé voir au ciné, son duo avec Jagger, sa prestation au Live Aid. On écoutait beaucoup les Stones (mes grands frères) et Neil Young (ma grande soeur) à la maison, mais mon éveil personnel au « rock », ce fut David Bowie.
Et puis je l’ai laissé tomber. Je me suis trouvé d’autres groupes/chanteurs, plus adolescents sans doute, et qui me parlaient davantage à l’époque.
Jusqu’à ce soir de 1993, où comme tous les soirs à l’époque, j’écoutais religieusement Bernard Lenoir sur France Inter. Ma nouvelle coqueluche, c’était Suede et son single The Drowners. Gros refrain, grosse guitare acide, glamour, androgynie : c’était, parail-il, un petit revival glam. Et qui dit petit revival glam, dit petit revival Bowie.
Bon. Je savais oui, que Bowie avait fait « autre chose » que Let’s Dance ou China Girl, avant, qu’il avait déjà une place réservée dans l’Histoire du rock mais je ne m’y étais pas encore intéressé.
Et ce soir là donc, chez Bernard Lenoir, pour éduquer un peu les petits cons indés dont je faisais partie, Lenoir a diffusé Starman.
Putain mais c’est CA le glam rock? Mais nom de Dieu de bordel de merde, dans ce cas je veux plus écouter que ça moi ! Ces cordes, ce sens de la mélodie, cette guitare électrique… Et cette guitare acoustique bordel : c’est ça qui me fascinait avant tout dans les disques de Bowie ou T-Rex, à savoir qu’on produise un son aussi électrique tout en mixant la guitare acoustique aussi en avant. Ca me fascinait, littéralement, et ça me fascine toujours.
Bon là, évidemment c’était (re)parti pour la Bowie mania : je crois que le lendemain, en tout cas dans la semaine, je suis allé à la FNAC pour acheter le CD de Ziggy Stardust et je l’ai écouté en boucle pendant des semaines. J’adorais l’injonction au verso de la pochette: « TO BE PLAYED AT MAXIMUM VOLUME ». Je l’adorais parce que c’était pas vraiment du rock, encore moi du hard rock ou du punk rock, et donc pas un truc à écouter à s’en faire exploser les tympans, c’était indubitablement de la pop soit une musique supposément inoffensive et pourtant, oui, la pop pouvait être aussi dangereuse et subversive, et ça devait s’écouter à « MAXIMUM VOLUME », la preuve. J’adorais aussi la guitare de Mick Ronson, la complicité qu’il semblait avoir avec son leader. Cette même année (1993), Mick Ronson produisit l’album de mon héros absolu de l’époque, Morrissey (Your Arsenal), juste avant de mourir à 47 ans seulement le pauvre. La boucle était bouclée.
Le Bowie contemporain de ma redécouverte, celui d’Outside ou Earthling ne m’intéressait pas: j’avais ses années 70 à explorer, je prenais évidemment baffe sur baffe. Le jour où j’ai écouté Hunky Dory pour la 1ère fois putain… Et Sound and Vision… Le mec, en 4 ans, il passe de Ziggy Stardust à Low. Avec 5 albums au miyeu. Evidemment, l’époque était différente mais la cadence frénétique des sorties propre aux années 60 avait commencé à ralentir et puis surtout on parle là de passer, EN 4 ANS, du glam rock de Ziggy Stardust à la proto-new wave de Low en passant par la soul de Young Americans. Et Pin Ups, putain, son album de reprises, tellement sous estimé…
Mis à part ça, la question du genre, de l’identité sexuelle, ne m’a jamais interpellé ni concerné mais j’étais évidemment sensible à ses différentes incarnations, à ses différents looks. Il a été mon éveil à ces questions là également. Tu sais combien je suis sensible à la mise de mes musiciens favoris, ça ne vient pas de nulle part.
Après… Je ne vais pas réécrire mon histoire après sa mort : même si j’ai continué à suivre sa carrière et à écouter ses nouveaux albums, le Bowie des années 2000 ou 2010 ne m’a pas passionné non plus.
Mais peu importe : il était là au tout début, il était encore là lors de mes années de formation, et même quand il n’était plus là tous les jours, il était avec moi, toujours, comme le sont encore Neil, Paul, Brian et quelques autres, plus jeunes. Il continuera à l’être.
Parmi les nombreux hommages qui lui ont été rendus, je retiendrai celui de Jarvis Cocker lors de son émission hebdomadaire du dimanche sur la BBC. 2 heures d’archives, de témoignages et de musique bien sûr. On y entend notamment, à la fin, Bowie magnifiquement résumer son rapport à la musique, la sienne et celle des autres, devant un parterre d’étudiants. Superbe.