Portlandia est une série un peu à part. Parce qu’elle n’est pas un feuilleton, déjà; plutôt une succession de vignettes, avec quelques personnages récurrents, et une pseudo intrigue qui tient parfois vaguement lieu d’épine dorsale sur un épisode. Aucune continuité en revanche. Carrie Brownstein et Fred Armisen, créateurs et auteurs de la série, interprètent tous les différents personnages. Ils voient en Portland, comme beaucoup de leurs compatriotes, une ville ultra-cool, terre d’accueil de tous les marginaux et rebelles soft de la côte Ouest. Une ville où le bobo adepte de déplacements à vélo (en transports en commun, à la limite) et entremets quinoa-artichaut est roi. Accessoirement, la ville de Gus Van Sant, Elliott Smith, M. Ward: comme il est dit dans le prologue de la série, Portland est la ville dans laquelle le rêve des 90s, décennie de la génération X et du rock indé, peut encore s’épanouir. Au bout du compte, Brownstein et Armisen y voient le terrain idéal pour leurs sarcasmes et mises à l’index.
Ce qui sauve le show de l’aigreur et de la méchanceté gratuite, c’est que leurs auteurs sont eux-aussi (comme nous, et prend pas cet air offensé, tu sais très bien ce que veux dire) des bobos et des enfants de la contre-culture. Brownstein, dont soit dit en passant la bouche est assez « chelou » pour citer la poétesse Zao, (collagène ou pas? Après 16 épisodes, je me pose encore la question) est d’ailleurs guitariste pour Sleater-Kinney, girl group indé assez cool dans les 90s.
Ainsi, les patrons de librairie féministe post 68ards, le couple trentenaire hyper éco-responsable, le cycliste activiste au bouc over-sized, soit quelques-uns des personnages récurrents de la série sont davantage gentiment croqués que véritablement moqués au cours de mini-sketches absurdes, parfois franchement bizarroïdes, parfois complètement foireux aussi, limite arty mais heureusement souvent potache grâce à un certain esprit SNL de bon aloi (Armisen en est un pilier depuis plusieurs années). Les mecs de Pitchfork doivent sacrément cartonner leur slip devant ça, si ça peut t’aider à situer la chose.
Il faut avouer que c’est souvent très bien vu : un jour, les 2 héros sont plongés dans un pur cauchemar : tout le monde est DJ et mixe en soirée ; un autre, un client négligent a oublié de prendre un sac pour emballer ses courses et doit donc, penaud, demander une poche plastique à la caissière, outragée, de son épicerie bio. Une autre fois on se moque de la manie, qui confine à l’hystérie, des trente-/quarantenaires bien coolos dans leur tête de tout mettre en conserve. L’épisode final est centré autour d’un nouveau diner trendy qui servirait le meilleur brunch de Portland: toute la ville s’y rend, une file d’attente de plusieurs centaines de mètres se met donc en place, avec sa petite vie interne. Excellent épisode pour conclure la saison 2.

Malheureusement, tout n’est pas aussi réussi. La plupart du temps les sketches démarrent très bien mais rapidement s’étirent et sentent le manque d’inspiration. En gros, Portlandia possède absolument tout pour réussir (la branchitude, la coolitude, la bande-son, une belle photo etc) mais pêche un peu trop souvent sur l’essentiel: l’écriture.
On se concentre dès lors faut de mieux sur le défilé de guests sans faute de goût: Steve Buscemi, Kyle Mac Lachlan (excellent dans le rôle du maire) Joanna Newsom, Aimee Mann qui a pris un sacré coup de vieux (sa terracota ou je ne sais quoi: chelou), Selma Blair, les géniaux Andy Samberg et Jason Sudeikis dans un autre genre, jusqu’à… jusqu’à… jusqu’à…. Gus Van Sant bien sûr, citoyen illustre de Portland et guest prévisible, incontournable et attendue du show.
Conclusion : Portlandia essaie d’être cool en brossant le portrait des gens cool auquel elle s’adresse mais il faut se rendre à l’évidence en dépit de l’énorme potentiel d’identification qu’elle possède, elle ne réussit que partiellement sa mission.