La rencontre-dédicace avec le public toulousain avait lieu dans l’excellent librairie Ombres blanches.
Alors que la modératrice s’apprête à véritablement lancer la discussion après une présentation d’usage, Riad Sattouf l’interrompt: « Ah y a une question là devant… Oui, monsieur? »
Un type un peu âgé prend la parole:
– Alors moi je voyage un peu partout dans le monde et comme vous, l’un de mes premiers souvenirs de bd, c’est la lecture de Tintinquand j’étais enfant. Et une des choses que je fais tout le temps, comme je voyage dans tous les pays, c’est que je ramène à mes enfants un exemplaire traduit dans la langue du pays dans lequel je suis allé. Comme j’ai fait le tour du monde voyez-vous, j’ai pu accumuler tous les exemplaires traduits. Et donc je voulais savoir si L‘Arabe du futurétait également traduit dans d’autres langues.
Là Sattouf répond poliment que oui, les 3 premiers tomes ont été traduits dans 18 pays. « Poliment » car en réalité, la modératrice nous avait donné l’information 3 minutes avant lors de sa présentation de l’auteur. Il explique ensuite que c’est une petite fierté pour lui que de faire figurer en page de garde la liste des pays/traductions de son ouvrage, tout comme le faisait Hergé.
– Mais je pourrai donc ramener un exemplaire dans chaque langue? relance le type
– Oui c’est ça, ils sont traduits.
– Et ils sont traduits dans quelle langue?
– Ah ben ça vous le verrez par vous-mêmes dans la bd…
– Ah très bien, je vais regarder ça.
Trêve de raillerie(s), c’était super. Je tiens Riad Sattouf pour l’un des esprits les plus drôles, brillants et sensibles de sa génération, et il s’avère qu’ « à l’oral », il est égal à ce qu’il transmet dans ses œuvres : intelligent, fin, drôle, accessible. Il est très à l’aise, répond avec précision et exhaustivité aux questions qui lui sont posées, se répand volontiers en anecdotes très drôles/touchantes.
Preuve qu’il a désormais franchi un palier et atteint une dimension de all star de la bande dessinée, la salle était pleine comme un œuf : quelques geeks, quelques quadragénaires dans mon genre (lequel? à toi de voir), beaucoup de personnes relativement âgées qui l’ont manifestement connu grâce à L’Arabe du futur.
Le tome 3 est sorti il y a déjà plusieurs mois (le tome 4 est prévu pour Novembre), cette rencontre avait lieu à l’occasion du 2ème tome des Cahiers d’Esther, son recueil de planches réalisées chaque semaine pour L’Obs
Il a donc expliqué comment il procédait, comment « Esther » (ça n’est évidemment pas son vrai prénom) accueillait sa captation et son interprétation des histoires qu’elle lui raconte (spoiler : elle s’en fout) etc etc.
Super moment. En revanche, et à mon grand regret, son retour au cinéma n’a pas vraiment l’air d’actualité : il a été plus qu’échaudé par l’insuccès du pourtant génial Jacky au royaume des filles.
Au Mc Do, à la table à côté de la mienne, 2 jeunes étudiants : lui, emmitouflé dans sa grosse parka, les yeux dans le vide, le rouge au joues du mec qui fait pas le malin et qui sait que tout le monde entend ce qui se passe.
Elle, rien à foutre, qui parle super fort avec force gestes et le lâche pas du regard.
Moi qui fait semblant de m’intéresser à tout sauf à ça et qui n’en perd pas une miette :
– Mais pourquoi tchu l’as fait?
– …
– Pourquoi tchu l’as fait?
– …
– Non mais pourquoi, vas y djis moi.
– Mais je sais pas moi, j’en sais rien putain, vas y tu’m’saoûles
– Ah tchu vois tu dis tu sais pas, ça veut dire que tu l’as fait alors, tu disais tu l’as pas fait
– Mais je sais pas pourquoi vas y j’en sais rien moi
– Moi tu vois en 5 ans, j’aurais pu le faire plein de fois, je l’ai jamais fait en 5 ans, PAS UNE FOIS.
– Mais c’est bon vas y, j’en ai marre là.
– Ouais moi je me retrouve avec un chlamydia maintenant alors c’est bon quoi.
Suite à ça, virage à 180°, comme si de rien n’était. Elle évoque tour à tour:
– un collègue étudiant « débile » et « chelou » qu’elle et ses copines surnomment « Chromi » (« -parce que tu sais les trisomiques c’est parce qu’ils ont 3 chromosomes et pas 2. C’est drôle non? Ca te fait pas rire? » « -Si, c’est drôle », en fixant le reste de son sundae chocolat)
– le tatouage qu’elle s’est fait faire la veille (« il était sympa le tatoueur mais il était un peu con aussi »)
– le film qu’ils allaient voir. Pas compris de quoi il s’agissait malheureusement. Lui : « vas y, faut que j’aille aux chiottes avant, il m’a baisé la vie ce Mac Do ». Il avait repris du poil de la bête le petit con.
Ils sont partis assez vite après que je me suis installé en fait, je regrette de pas être arrivé plus tôt.
Tout de suite après leur départ se sont installés 2 autres jeunes étudiants. Elle, style vaguement Beaux-Arts, lui de type asiatique et très propre sur lui. Ils avaient l’air très complices et parlaient tous les 2 de manière extrêmement posée. Je n’ai pas bien saisi de quoi ils parlaient mais il lui expliquait les subtilités d’une réplique en langue coréenne qui n’avait pas été bien retranscrite en français. « Donc, quand il dit phrasencoréenprononcéehyperviteetavecunsuperbonaccentselonmoi à sa femme, en fait il lui signifie « ma chérie, tu viens de te prendre une veste » « . Ils riaient de bon coeur, ils étaient très mignons.
Puis je suis allé voir le superbe Carol de Todd Haynes.
Je préfère te prévenir même si tu le remarqueras très bien tout seul : ça sent la fatigue.
10. A most wanted man
Je lui préfère The American, précédent film d’Anton Corbjin également adapté d’un roman de John le Carré, pour son caractère plus intimiste voire minimaliste, pour le côté « italiano » du film, pour les Abruzzes, pour Clooney. Et bien sûr pour la sublime Violante « bonjour madame » Placido. A Most Wanted Man est un film plus « global », plus « mondialisé », plus manifestement ambitieux : son propos est de tenter de cerner en quoi, pour les services d’espionnage des plus grandes puissances occidentales, le 11 septembre 2001 a irrémédiablement changé la donne. Il le fait de très belle manière, très élégante, sans maniérisme ni manichéisme, avec beaucoup de justesse, d’intelligence et d’à propos. Corbijn choisit encore un cadre inhabituel et relativement peu utilisé au cinéma auparavant, la ville de Hambourg, après le petit village de Castelvecchio dans les Abruzzes donc. Et une nouvelle fois, il choisit d’aborder son histoire, aussi potentiellement lourde et ambitieuse soit-elle, sous l’angle de l’histoire d’un homme, seul, de son caractère trop humain justement et de son drame personnel. Que ce personnage soit interprété pour sa dernière apparition à l’écran il me semble, par l’excellent et regretté Philip Seymour Hoffman, le rend bien évidemment encore plus émouvant.
RIP
9. Wrong cops
Il s’agit a priori d’une « récréation » pour Quentin Dupieux, avant son gros projet, Reality, sur lequel il bosse depuis plusieurs années il me semble. Il s’agit également d’un retour à la « comédie » pure après la tentative meta complètement foirée (détestable même) de Rubber. Et c’est peu dire que c’est jubilatoire : des petits films comme ça, supposément bâclés, tournés à la va-vite, on en redemande. De la part de Quentin Dupieux hein, pas Luc Besson. Super bo aussi, évidemment, genre de best of de Mr Oizo : ses disques, toujours passionnants, sont parfois à la limite du supportable (pour moi en tout cas); celui-ci est irrésistible et fait figure de porte d’entrée idéale.
Marylin Manson joue très bien la comédie.
8. Une nouvelle amie
Bénéficie peut-être de l’atout fraîcheur puisqu’il est sorti en fin d’année mais non, je crois pas : c’est un très JF (Joli Film), un excellent FF (Film Français, tourné à l’étranger de surcroît, en l’occurrence au Canada) et un film QFA (Qualité Française Auteuriste) exemplaire. Le grand chelem. Pas sûr que ce soit un FT en revanche (Film Télérama), je parie qu’ils ont trouvé ça trop kitsch ou trop populaire. J’en parle succinctement ici. Accessoirement, il s’agit du 3ème film featuring Anaïs Demoustier, définitivement le Petit ChouGrande Remise2014.
Ils sont censés avoir le même âge, c’est quand même un peu gros.
7. La planète des singes : l’affrontement
Le blockbuster de l’année, tout simplement : spectaculaire et intelligent à la fois, il divertit et fait réfléchir, impressionne et questionne dans un même élan. Techniquement, c’est assez incroyable même si c’est évidemment accessoire : j’ignore si le choix de n’utiliser que des acteurs relativement peu connus ou « modestes » (le plus célèbre étant Gary Oldman, pas vraiment une superstar hollywoodienne) relève d’un choix purement artistique et/ou économique mais il permet de laisser la vedette aux singes, beaux, émouvants, effrayants, sauvages, humains, bien sûr. Sur le fond, ce que dit le film sur la nature humaine, le pouvoir et son exercice, loin de tout manichéisme, angélisme ou à l’inverse cynisme, simplement avec lucidité et peut-être un certain fatalisme, me semble passionnant.
Un homme, un vrai.
6. Gaby Baby Doll
J’ai revules Coquilletteset j’en suis toujours aussi fan. Gaby Baby Doll, « vrai » film en comparaison (au sens de « plus traditionnel »), perd sans doute en spontanéité et punkitude ce qu’il gagne en ampleur, profondeur et émotion. Mais la manière dont il le gagne est absolument magnifique : il s’agit ni plus ni moins d’une réinvention du conte de fées traditionnel avec cette fois un prince éploré et une princesse charmante. Doucement subversif donc, drôle et émouvant. Très émouvant même.
J’aimerais bien savoir s’il s’agit d’une vraie ou d’une fausse barbe
5. 22 Jump Street
Bon, ça c’est moins émouvant, c’est sûr. Mais quel pied putain… Ces 2 mecs (Phil Lord et Chris Miller) sont vraiment très brillants… C’est eux qui ont réalisé La Grande Aventure Lego aussi cette année, mince ! Costauds les mecs… Si le 1er (Lego moviedonc) repose sur une connaissance et une utilisation sans faille de la culture pop la plus pointue et fédératrice à la fois, sans une once de démagogie ni de putasserie, celui-ci fonctionne sur une connaissance et une utilisation sans faille… du 1er volet (21 Jump Street donc), dont il est, au plan près, le remake absolument conscient, délibéré et constamment amusé. Aussi brillant au premier qu’au second degré, le film met également, et à nouveau, en lumière, l’incroyable alchimie entre Jonah Hill, pilier de la neo-comédie US, et Channing Tatum, ex-pilier des Chippendales. Y a une espèce d’osmose improbable entre les 2, assortie d’une émulation, et d’une complicité évidemment, évidentes, qui fait tout bêtement plaisir à voir.
Fucking geniuses
4. Jacky au royaume des filles
J’en parle ici. J’en profite pour signaler que cette année, Riad Sattouf a également publié un nouvel ouvrage, L’Arabe du Futur (ce titre, déjà), absolument génial et indispensable. Cette BD, très différente de ce film, associée à lui, donne l’impression qu’il est en train d’atteindre une sorte de plénitude artistique et surtout, qu’il a encore beaucoup de films et livres grandioses, et différents les uns des autres, en lui. Enfin, j’en sais rien, peut-être que j’interprète complètement mais en tout cas j’ai hâte de découvrir ce qu’il nous réserve pour la suite, quel que soit le support.
Instant Sopalin
3. Tonnerre
Ici. Très envie de le revoir, ce qui est en général très bon signe. Vincent Macaigne, sorte de Patrick Dewaere de la génération Y (dans ce film en tout cas), y atteint de nouveaux sommets.
Comment ne pas aimer ce mec ?
2. Dumb and Dumber De
Je me souviens très bien du jour où j’ai vu pour la 1ère fois Le Mépris. Peau d’Âne, Mulholland Drive aussi. Sueurs Froides, Le bon, la brute et le truand, 2001 l’odyssée de l’espace, Les Moissons du Ciel. Et Dumb and Dumber : un samedi matin, réveillé beaucoup trop tôt à mon goût de ma nuit d’étudiant glandeur et donc déjà posté à 9h du matin devant Canal Plus, en quête d’un film devant lequel prendre mon petit-déjeuner. Et là : Le Mépris. Peau d’Âne. Mulholland Drive, Sueurs Froides, Le bon, la brute et le truand, 2001 l’odyssée de l’espace, Les Moissons du Ciel. Pas moins. Une révélation. Une épiphanie. « Ah mais on peut faire ce genre de films? Avec cet humour là? ». Je m’en suis pas remis : TOUTE la comédie que j’aime aujourd’hui, et tu commences à savoir à quel point j’aime la comédie, vient de là.
Alors très exactement 20 ans après, quoi ? La joie, immense, à l’annonce de la mise en chantier de ce 2ème volet des aventures d’Harry et Lloyd, suivie aussitôt de la crainte évidemment : est-ce qu’ils (les Farrelly, Jim Carrey, Jeff Daniels) sont pas trop vieux maintenant ? Est-ce que cet humour n’a pas été enterré par sa géniale progéniture (la galaxie Apatow) ? Est-ce qu’ils ne vont pas jouer que sur la nostalgie du 1er volet ? Réponse, dans l’ordre : non, non et non. Dumb and Dumber De est tout simplement miraculeux : comme si le projet avait bénéficié d’un alignement de planètes, d’un état de grâce, d’une conjonction optimale d’ondes positives. Je n’en dirai pas plus : j’ai envie de citer 50 gags/répliques mais je n’en ferai rien pour ne rien dévoiler. Simplement, et c’était ma plus grosse crainte, les gags les plus débiles sont vraiment débiles (et drôles), les gags les plus élaborés sont vraiment génialement élaborés (et drôles), les gags les plus trash sont vraiment trash (et drôles), les clins d’oeil au 1er volet, à la fois parcimonieux et jubilatoires, en nombre pile poil suffisant, toujours traités de la plus belle des manières (le coup de la fourgonette-chien nom de Dieu MAIS QUELS PUTAINS DE GENIES). L’émotion, réelle, à la fois orchestrée et pudique, en prime. Émotion de retrouver ces 2 couillons ultimes 20 ans après, émotion de revoir les Farrelly au meilleur de leur forme, émotion de constater avec quel talent et quelle intelligence ils ont traité ce projet sacrément casse-gueule, émotion d’une histoire plus « profonde » qu’il n’y parait (le bonus par rapport au 1er volet) qui ne touchera donc pas uniquement les fans de la 1ère heure. Jim Carrey, totalement déchaîné, (re)trouve là son meilleur rôle depuis un bail. Jeff Daniels, plus en retrait, est génial lui aussi. Peter et Bobby Farrelly, merci, merci, merci. AESD ❤
Toutes les scènes sur la route sont absolument gé-nia-les
1. The Grand Budapest Hotel
Eh oui, je suis prévisible. Mais j’ai d’autant plus envie d’aimer et défendre ce film qu’il n’a pas fait l’unanimité. En effet, pour beaucoup, de plus en plus nombreux, Wes Anderson ferait TOUJOURS le même film et ça commencerait à bien faire justement. Attention, gros scoop : la réponse est oui, il fait toujours le même film. Dingue. Comme Brian de Palma (pour prendre un exemple contrastant à l’extrême) ou comme les High Llamas, qui eux enregistrent toujours le même disque (pour prendre un exemple un peu plus approprié). Mais comme toujours, ceux qui savent, savent. Qu’il s’agit là de son film le plus raffiné, le plus élégant, le plus précieux. Mon Dieu quelle merveille. Cet homme, Wes Anderson, possède un goût absolument infaillible (et je m’y connais). Non mais quelle élégance encore récemment pour la cérémonie des Golden Globes ! Musique, costumes, décors, accessoires, dialogues : c’est toujours absolument délicieux et c’est l’épitomé du style Grande remise si tant est qu’il y en ait un (enfin, I wish…). Et cette préciosité, ce raffinement, ce souci du détail, n’ont jamais été aussi justifiés qu’ici, dans cette magnifique histoire de transmission (comme TOUJOURS chez lui, oui, tout à fait) et ce manifeste sincère et désabusé à la fois pour un monde plus beau. Dire des choses aussi profondes, aussi essentielles et les dire avec une telle élégance, une telle pudeur, m’a, une nouvelle fois, bouleversé.
« To be frank, I think his world had vanished long before he ever entered it – but, I will say: he certainly sustained the illusion with a marvelous grace ».
Je poste le pitch même si tout le monde sait de quoi ça parle maintenant:
En république démocratique et populaire de Bubunne, les femmes ont le pouvoir, commandent et font la guerre, et les hommes portent le voile et s’occupent de leur foyer. Parmi eux, Jacky, un garçon de vingt ans, a le même fantasme inaccessible que tous les célibataires de son pays : épouser la Colonelle, fille de la dictatrice, et avoir plein de petites filles avec elle. Mais quand la Générale décide enfin d’organiser un grand bal pour trouver un mari à sa fille, les choses empirent pour Jacky : maltraité par sa belle-famille, il voit son rêve peu à peu lui échapper… (Allocine.fr)
Je ne vais pas m’attarder sur l’aspect fable, le « message » du film, il a été largement évoqué un peu partout. Juste dire qu’effectivement, ça fonctionne super bien, à la fois drôle et édifiant. Édifiant parce que si on remet les choses à l’endroit (si toutefois je puis m’exprimer rainsi), tout est véridique. Et aussi parce que Riad Sattouf a fait attention à des détails qu’on ne remarquera pas toujours mais qui participent beaucoup à la réussite de sa démonstration : le sourire constant et forcé des garçons, le regard blasé, exaspéré et condescendant des filles lorsque les garçons fêtent l’annonce du bal etc.
En gros, si ça fonctionne aussi bien, c’est que Riad Sattouf est un type extrêmement fin, intelligent et doué.
Il ne se contente pas, comme beaucoup l’auraient fait, d’inverser les rôles. Il construit autour de sa parabole tout un univers d’une cohérence esthétique absolument géniale. Au bout de 5 minutes, voire moins, en quelques plans, on y est : les maisonnettes malingres et identiques, les intérieurs faméliques, la grisaille, la boue, les écrans diffusant le message du gouvernement partout et en permanence, on EST, tout de suite, en République de Bubunne. Un univers à la fois légèrement futuriste (les écrans plats présents partout) et salement proche de nous dans sa glauquitude qui m’a rappelé celui qu’il a élaboré autour de son personnage de bd Pascal Brutal.
Ca serait déjà super mais c’est pas tout. Sattouf ajoute un sens de l’absurde proche de celui de Quentin Dupieux : la bouillie, infâme… bouillie qui tient lieu de nourriture officielle (et qui ressemble ni plus ni moins qu’à du sperme); des scènes impeccablement borderline (les 2 viols); une bo à la fois sèche et atmosphérique, évidemment peu commune dans ce qui reste malgré tout une comédie; un sens du rythme et du cadre légèrement déviants; des dialogues à la fois truffés de barbarismes bubunniens (les voileries, les chevalins, les blasphèmeries etc) mais un ton proche de notre quotidien. Tout cela confère à Jacky au royaume des filles une atmosphère quasiment fantastique, d’autant plus remarquable que le film joue majoritairement sur son réalisme dans la description des dictatures totalitaires les plus radicales.
« Radical », c’est le mot que je retiendrai au final pour qualifier le film: c’est drôle mais toujours sur des situations inconfortables, c’est inquiétant, subversif, esthétiquement hyper précis (la scène du bal, ridicule bien sûr mais également très belle), c’est une très belle réussite. Qui sort à un moment propice, alors que le retour à l’ordre moral et au conservatisme le plus bas du front font un retour (?) en force.
Le casting est top de A à Z : Vincent Lacoste est génial, Didier Bourdon super à l’aise de même que Charlotte Gainsbourg ou Noemie Lvovski. Quelques réserves sur le jeu et le phrasé de Michel Hazanasidvicius mais c’est une super idée de lui avoir confié ce rôle.
Bravo Sattouf donc : je lui en aurais pas voulu de me servir Les Beaux Gosses 2mais il est décidément beaucoup plus doué et talentueux que ça.