Une dernière chose avant de partir – critique

Coup de théâtre sur Grande remise :  une lecture inopinée est venue se glisser dans la read-list que j’avais établie. Désolé pour le chamboulement, j’espère que ça te déstabilisera pas trop.

Jonathan Tropper - Une dernière chose avant de partir
La couve est vraiment naze, on dirait de la chick lit au rabais.

Drew Silver n’a pas toujours fait les bons choix. Sa gloire éphémère de batteur dans un groupe de rock – qu’un seul et unique tube a propulsé brièvement aux sommets des charts – remonte à près de dix ans. Aujourd’hui, il vit au Versailles, une résidence qui accueille des divorcés un peu paumés, comme lui. Pour gagner sa vie, il a intégré un orchestre spécialisé dans les cérémonies de mariages. Son ex-femme, Denise, est sur le point de se remarier. Et Casey, sa fille qui s’apprête à intégrer Princeton, vient de lui confier qu’elle est enceinte – et ce uniquement parce que de ses deux parents, Silver est celui qu’elle répugne le moins à décevoir. Lorsqu’il apprend que sa vie ne tient plus qu’à un fil et que seule une opération peut le sauver, Silver prend une décision radicale : il refuse l’intervention. Le peu de temps qui lui reste à vivre, il veut le consacrer à renouer avec Casey, à devenir un homme meilleur. Pendant que, sous le regard de sa famille au comble de l’exaspération, Silver bataille ferme avec cette question existentielle, chacun se démène pour recoller les morceaux de cette famille désunie, au risque de l’abîmer davantage encore… (Amazon.fr)

J’aime beaucoup les romans de Jonathan Tropper. Pour situer, il est un peu le Nick Hornby américain : quarantenaire, background toujours un peu rock/indé, références à la pop culture, personnages principaux masculins archétypaux du mâle occidental blanc classe moyenne fondamentalement lâche et attachant. 2 différences majeures : sa judéité et, corrélée, l’importance de la famille. Même si tous ses romans (celui-ci est le 4ème) comportent une intrigue amoureuse, celle-ci est toujours envisagée à travers le prisme de relations familiales compliquées voire castratrices.

Son style est simple, sans fioritures, rilax. Tropper est naturellement cool, sarcastique et smartass juste ce qu’il faut, sans verser dans le cynisme pour autant et sans jamais essayer de désespérément coller à son époque.

Malgré un ton toujours humoristique et une distance ironique, Une dernière chose avant de partir est son roman le plus sombre et le plus risqué. Il y jongle avec des évènements tragiques et potentiellement dangereux, de nombreux rebondissements dramatiques qui lui confèrent un aspect particulièrement rocambolesque parfois un peu lourdingue : adapté au cinéma, ça pourrait donner une horreur absolue d’enchaînements de larmes, de rires, de portes qui claquent, d’embrassades, de scènes hystériques absolument insupportables. Je vois Julia Roberts, je vois Meryl Streep et je paierai certainement pas ma place pour voir ça sur un écran.

Ce qui sauve le bouquin du naufrage, c’est évidemment le talent de Tropper pour l’introspection, pour la description de la psychologie de ses héros gentiment brisés par les regrets, les mauvais choix, les rendez-vous manqués. Ca vaut quelques pages/chapitres assez sublimes, d’une grande mélancolie, d’une grande sensibilité et acuité. Parfois bouleversants pour être honnête.

Il emporte finalement la mise en négociant à merveille LA question, LE dilemme que doit résoudre l’un des personnages dès les premières pages du bouquin. J’ai eu très peur mais non : chez Tropper, l’optimisme de la conclusion, l’indispensable « amélioration » des personnages en fin de course ne se fera jamais via un happy end putassier. Intéressant de voir comment il traite cette question d’ailleurs d’un point de vue sociologique. Difficile d’en dire plus sans spoiler.

Beaucoup aimé donc mais je ne le conseillerais pas pour aborder Tropper si tu ne l’as jamais lu : mieux vaut se lancer dans Le livre de Joe, son premier roman, celui qui l’a rendu célèbre. Un régal.