Elysium – critique

En 2150, la terre est devenue un immense bidonville à ciel ouvert (parce que multiplication des conflits armés, pollution, surpopulation, films de Leos Carax). Les nantis se sont exilés sur un genre de station orbitale, Elysium: tout y est propre, vert, cossu, WASP. Évidemment, les terriens (dans leur très grande majorité: pas vraiment WASP) n’ont qu’un seul et même rêve/objectif: pouvoir rejoindre un jour Elysium et y construire une vie meilleure. C’est le cas notamment de l’un deux, dont j’ai oublié le prénom, mais qui est évidemment interprété par Matt Damon.

A gauche, la fusion du Che et de Patrick Hernandez (sa canne est hors-champ)
A gauche, la fusion du Che et de Patrick Hernandez (sa canne est hors-champ)

Voilà pour le pitch: classique, efficace, sans chichis. Ce type de SF « sociale » dont Paul Verhoeven ou John Carpenter se sont faits de brillants représentants à quelques reprises, je marche toujours. J’aime ces univers faussement irréels : description d’un futur absolument cauchemardesque et inimaginable dont on se rend très vite compte qu’il est déjà une réalité à bien des niveaux et pour bien des personnes. Je résume donc à nouveau: la Terre = le Mexique ou n’importe quel pays du Tiers-Monde / Elysium = les Etats-Unis ou n’importe quel pays prospère et protectionniste.

District 9, le premier film de Neil Blomkamp fonctionnait déjà selon le même principe et fonctionnait d’ailleurs très bien : il déroulait un propos politique certes un peu superficiel et manichéen mais dans le bon sens du terme, dans le genre indispensable piqûre de rappel, illustration de réalités édifiantes.

Elysium suit le même chemin: les Terriens sont de vrais crève-la-dalle se débattant au jour le jour pour survivre tant bien que mal, les « élyséens » sont de vrais nantis bien têtes à claques comme il faut. Et le réalisateur a bien évidemment choisi son camp.
Je citais Paul Verhoeven et John Carpenter plus haut et c’est sans doute faire beaucoup trop d’honneur à Neil Blomkamp mais il tente très clairement de marcher dans leurs pas : la subversion, la violence un peu kitsch du premier, l’approche politique un peu manichéenne et désuète du second. Sans compter la tournure un peu New-York 1997 que prend l’intrigue à la fin de son premier quart (difficile d’en dire plus sans spoiler).

Le problème c’est que bien évidemment, Blomkamp n’est ni Verhoeven, ni Carpenter, loin s’en faut. Il n’a ni le sens de la provocation dérangeante du premier, ni le sens visuel du second. Son film manque donc singulièrement… de cinéma. Le manichéisme presque bienvenu que j’évoquais plus haut montre vite ses limites et si le côté vraiment bourrin des scènes d’actions et des saillies de violence gore amuse/réjouit une fois sur 2, il lasse également et logiquement une fois sur 2, d’autant que la lisibilité n’est pas toujours au rendez-vous.

Le final est une caricature de final de blockbuster genre t’es-bien-gentil-avec-ton-film-de-gaucho-mais-faut-finir-maintenant-et-si-possible-de-manière-à-ce-qu’on-te-laisse-faire-un-autre-film-après-celui-là-si-je-me-fais-bien-comprendre.

Mais j’ai bien aimé quand même. Un côté film de geek à 300 millions de dollars que je trouve toujours assez jubilatoire et sympathique (un peu comme Pacific Rim en somme). Malgré les nombreux défauts et les concessions de la dernière partie, j’en garde donc un sentiment positif.

#2 Air – The Virgin Suicides OST

air the virgin suicides

Air fait partie, tout comme Phoenix, les High Llamas, Super Furry Animals, The Coral, Belle and Sebastian (j’ai fait le tour en ce qui concerne les contemporains je crois), de ces groupes « frères », qui m’accompagnent depuis leur première note et ne m’ont jamais, absolument jamais, déçu. Ces groupes qui me font dire à chaque nouvelle livraison « voilà, c’est exactement ça, c’est MA musique ». J’insiste pas, tu m’as compris.

J’aurais donc pu choisir Moon Safari ou 10000 Hz Legend, que je juge tout aussi, sinon plus remarquables encore. Mais j’essaie autant que faire se peut de ne garder qu’un disque par artiste/groupe dans mon top (sauf exception beatleso-neilyoungo-kinksienne). C’est donc celui-ci parce que je le trouve extrêmement cohérent et puissant tout simplement. Aussi planant que Moon Safari mais beaucoup plus dark bien sûr. Gainsbourg meets John Carpenter meets Pink Floyd.

La musique de Air repose sur des fondations profondément ordonnées, cartésiennes, pragmatiques. Parfois trop, comme sur le très (trop donc) lisse Pocket Symphony, leur point de non retour. Rien de plus normal en fait : Jean-Benoît Dunckel était professeur de mathématiques, Nicolas Godin étudiant et grand amateur d’architecture. Mais sur la grande majorité de leurs albums et de leurs enregistrements, ils parviennent à totalement transcender ce côté un peu programmatique, souvent par la grâce d’une mélodie romantique, d’un simple changement d’accord au sentimentalisme exacerbé, pour atteindre une sorte de béatitude, d’extase electro-acoustique absolument époustouflantes. « Entre le cerveau et la main, le médiateur, c’est le cœur » : je connais peu de groupes illustrant aussi parfaitement et rigoureusement l’adage de Fritz Lang.
C’est par exemple le cas sur l’immense Suicide Underground qui clôt l’album en une lente, sourde, solennelle et funèbre explosion planante et synthétique dont 15 ans d’écoutes intensives n’ont aucunement terni la magie.

La petite minute, entre 2’20 et 3’10,, cette alchimie entre la basse de Godin, la batterie de Reitzell et les synthés in space de Dunckel, puis le cut, sec, et la reprise de la guitare, sèche elle aussi, mon Dieu… CA, cette petite minute là, encapsule définitivement pour moi la magie de Air et suffit à les faire entrer à jamais donc mon panthéon personnel.

Bon après, pour être un peu moins mélo-dramatique, j’aime aussi et plus simplement le fait qu’il ait été réalisé en équipe réduite, juste le duo et Brian Reitzell donc, un de mes batteurs préférés.

Brian, je t’assure, y a plus de poussière dans les coins là.

Je ne pense pas beaucoup m’avancer en écrivant qu’on fonctionne un peu tous de la même manière : il y a souvent un moment bien précis qui nous fait comprendre un disque ou une chanson, un moment M de totale empathie, une sorte de connexion cosmique, émotionnelle et intellectuelle à la fois qui logiquement reste gravée dans notre mémoire et associe tel disque/chanson à tel moment.

Cet album-ci m’a tout de suite plu et relativement impressionné (je me souviens l’avoir acheté dès le jour de sa sortie, il était vendu avec un t-shirt, que j’ai toujours d’ailleurs, oui, je suis soigneux, je possède des vêtements qui ont 10, 15, 20 ans et qui sont encore en très bon état, je suis soigneux mais pas maniaque tu vois, alors là forcément, c’est un t-shirt noir et il a un peu délavé mais c’est quand même « TA GUEUUUUUUUULE !!! ») mais il restera toujours associé à l’épreuve du Capes que j’ai passée, et ratée, la même année, sur l’île du Ramier à Toulouse. Je m’y étais rendu en écoutant le CD sur mon discman… Si ça se trouve tu sais même pas ce que c’est un discman… Quoiqu’il en soit, associer Capes et Virgin Suicides… Je crois que mon inconscient essayait de me faire passer un message ce jour-là.

Je garde aussi en mémoire ces propos de Nicolas Godin lors d’une interview télévisée quelques mois après la sortie du film. Il expliquait que Sofia Coppola avait en fait été relativement (quoique poliment) déçue par la bo qu’ils lui avait livrée : elle s’attendait à quelque chose de beaucoup moins sombre, de beaucoup plus moonsafarien (elle a d’ailleurs utilisé Ce matin-là dans le film). Du coup on n’entend pratiquement pas la musique composée spécialement par Air dans Virgin Suicides. Godin semblait le regretter un peu, forcément.
C’est à nouveau ce qu’ils racontent tous les 2 cette fois, à l’occasion du 15ème anniversaire la sortie du disque, et de sa luxueuse réédition, dans cette belle interview pour les Inrocks.