Frances Ha – critique

Deux BFF new-yorkaises font l’apprentissage de la life ensemble, et surtout séparément. Et je te prie de croire que c’est pas facile-facile tous les jours, même avec un I-Phone 5 dans les mains.

Voilà, en gros, pour le pitch.

Frances Ha appartient à la veine la plus démonstrative de Noah Baumbach aka la face cachée de Wes Anderson (il a co-écrit La famille Tenembaum et Fantastic Mr Fox). Sa face verbeuse, intellectuelle et new-yorkaise donc.

Sa veine la plus humble (et la plus intéressante selon moi, t’avais compris hein petit coquin) il l’a exploitée dans les très réussis Les Berkman se séparent et Greenberg. Entre les deux, il a réalisé une espèce de cauchemar de caricature de film indé US, Margot at the Wedding, genre de bergmannerie édifiante: Nicole Kidman s’y crêpait le chignon avec Jennifer Jason Leigh sur l’île de Nantucket ou Martha’s Vineyard, j’ai pas très bien saisi, un ghetto insulaire pour milliardaires de la côte Est quoi qu’il en soit. Nicole y était évidemment brune et pas très maquillée. C’est quand même incroyable qu’on en soit encore réduit à ce genre de procédé pour la caractérisation et l’incarnation d’un personnage, y compris dans ce genre de films, censés se situer un peu au-dessus de ça. C’est du niveau d’une Katie Holmes que le simple port de lunettes à grosses montures doit suffire à transformer en avocate crédible dans le 1er Batman de Nolan.

Sans atteindre le niveau de pédanterie de son précédent film, Frances Ha fait preuve d’une même volonté de s’approprier un lourd héritage (ici la Nouvelle Vague et les Woody Allen période Manhattan/Annie Hall) mais le fait avec énormément de maladresse. Paradoxalement, j’ai pensé à Sophie Letourneur qui elle parvient à se faire « la voix de sa génération » avec légèreté, second degré, inventivité et pertinence : c’était pour mieux me faire mal car on est ici davantage du côté de l’inconséquence et de l’égocentrisme de Girls, la série de Lena Dunham, dont le film semble un couasi spin-off, pour ne pas dire remake. C’est pas insupportable mais c’est vraiment très paresseux. Et puis la séquence « je suis presque à la rue mais je me paie un weekend à Paris sur un coup de tête », à un moment faut arrêter les conneries.

Evidemment, une bouteille de San Pellegrino sur la table (soupir)
Evidemment, une bouteille de San Pellegrino sur la table (soupir)

Autre problème nuisant à la vraisemblance de l’ensemble selon moi (et ne viens pas me dire que je m’attarde sur des détails sans importances: ces films-là jouent à fond sur l’identification générationnelle et donc, le réalisme, la vraisemblance) : le mec avec qui la copine de Frances sort, et qui est censé être un gros beauf type frat boy. Il est complètement IMPENSABLE que cette nana plutôt intello, intolérante et exigeante telle qu’elle nous est présentée, sorte avec un mec de ce genre. Ou alors, de deux choses l’une: 1. elle est en fait aussi conne et superficielle que lui 2. le mec n’est pas si con et superficiel que ça. Sachant qu’il n’est pas forcément montré très à son avantage, j’en ai tiré la conclusion qui s’imposait… Autant pour la sympathie que la nana est censée provoquer donc.

Enfin, le « clin d’oeil » à Carax n’en est pas un: c’est carrément un emprunt, une copie conforme. Les ricains trouvent peut-être ça super cool parce qu’ils n’ont pas vu Mauvais sang et qu’ils ne se doutent donc de rien mais moi ça me fait un peu de peine qu’un mec intelligent, érudit et sensible (malgré tout) que Baumbach en soit réduit à ça.

Grosse déception donc, pour ce film que j’attendais de voir avec impatience tant il avait tout pour me plaire a priori. J’espère que Baumbach va à nouveau réussir à redresser la barre.