Abus de faiblesse – critique

Même si elle s’en défend, l’histoire c’est celle de Catherine Breillat elle-même, victime d’un AVC, puis, lors de sa convalescence, de Christophe Rocancourt, arnaqueur de pseudos stars à Hollywood.
Huppert interprète Maud Schoenberg/Breillat, une réalisatrice. Kool Shen joue Vilko Piran/Rocancourt, un arnaqueur donc, ayant purgé sa peine et choisi par Schoenberg pour son prochain film sur la foi d’une apparition dans une émission de télévision.

Abus de faiblesse - Breillat
Pour la petite histoire, Breillat avait choisi Rocancourt pour jouer dans un projet intitulé Bad Love en compagnie de Naomi Campbell.
J’aime beaucoup Catherine Breillat. Je trouve que c’est une artiste brillante et courageuse, vectrice d’un féminisme audacieux et moderne. Je veille bien à ne pas me prétendre « féministe » pour autant : comme le dit très justement Riad Sattouf dans So Film, un mec qui se prétend féministe, ça fait un peu Michel Sardou.

Le fait divers m’a tout de suite intrigué et un peu fasciné. Je me souviens avoir été extrêmement surpris que Rocancourt, escroc minable et vulgaire, érigé un temps en parangon d’un nouveau chic masculin décomplexé (on rêve), intéresse, séduise et finalement arnaque une femme telle que Catherine BreillatFaites entrer l’accusé meets Romance X.

Huppert dans le premier rôle, c’est assez convenu (même si elle est très bien). Mais en choisissant Kool Shen pour incarner Rocancourt, Breillat a encore marqué des points. Choisir Kool Shen, c’est évidemment et avant tout ne pas choisir Joey Starr, et ça c’est parfait. Joey Starr, qui joue désormais dans des films tels que celui d’Emmanuel Mouret. Très bien, faisons comme si c’était normal. Joey Starr, bientôt chez Danièle Thompson et Arnaud Desplechin ? Ca m’étonnerait qu’à moitié.
Kool Shen lui m’a toujours été très sympathique. Débuter une éventuelle carrière au cinéma par un rôle chez Breillat, c’est quand même la grosse classe. Et s’il s’avérait qu’il s’agissait de son unique film, ça serait encore plus beau.

Le film d’ailleurs : bien, très bien même. Quand on connait un peu le fait divers, on peut s’amuser avec un brin de voyeurisme à constater la façon dont Breillat a choisi de retranscrire à l’écran son expérience. Exit la relation sentimentale/charnelle par exemple. Dans le rôle de Sonia Rolland, ex-Miss France et compagne de Rocancourt à l’époque des faits, une sorte de lookalike un peu cheap, choix que j’ai interprété comme étant une petite vengeance personnelle un peu mesquine mais de bon aloi de sa part. Dans le rôle du producteur de la cinéaste du film, Jean-François Lepetit, le propre producteur de Breillat. Elle a beau dire que ce film n’est pas davantage autobiographique que les autres… Tu m’as compris.
Ne pas croire qu’Abus de faiblesse est à charge pour autant, que la réalisatrice y règle ses comptes :  le regard qu’elle porte sur elle-même via le personnage de Maud Schoenberg est d’une grande honnêteté. Élitiste, bourgeoise et parfois franchement désagréable, elle n’élude pas non plus sa fascination pour ce « personnage » aux antipodes de ce qu’elle est et de ce qu’elle représente.

Ainsi le film révèle quand même ses grandes qualités si on ne sait rien du fait divers à son origine. La sécheresse du propos, le mystère finalement entier de cette relation pour le moins surprenante. La description, surtout, de l’AVC, de la convalescence et des difficultés au quotidien vécues par Huppert :  on retrouve là pleinement le regard sans fard et sans concessions de Breillat. La précision du cadre, le minimalisme de sa composition, notamment dans le 1er quart d’heure, impressionnent.

Beaucoup aimé donc.