La République Bobo – critique

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Un bouquin acheté et lu dans le mois suivant : c’est suffisamment rare en ce qui me concerne pour être souligné.

Si je l’ai acheté, c’est évidemment parce que je me considère dans la cible. Et si tu es en train de lire ce billet c’est probablement que tu l’es toi aussi. Plus ou moins mais ne nous voilons pas la face.

La République Bobo se démarque des ouvrages de style ou d’analyse sociologique par son engagement : il s’agit ici de réhabiliter les bobos ou tout du moins de mettre un terme au « bobo-bashing » (je reprends les termes des auteurs, Laure Watrin et Thomas Legrand) en expliquant comment ce socio-type relativement vague et indéfini n’est pas la lie de la république mais plutôt une catégorie dont l’engagement, même tout relatif, participe de la cohésion nationale et d’une idée moderne du « vivre ensemble » (soit la définition même de la république).

Tu te fais un petit peu chier? C’est normal : La République Bobo est un petit peu chiant. Si l’entreprise est louable, les témoignages intéressants, les théories/analyses pertinentes, il a le cul entre 2 chaises : pas assez savant, pointu ni lettré pour faire figure de véritable jalon sociologique, pas assez léger pour divertir. Les tentatives d’humour créent au mieux de l’indifférence, au pire, de l’embarras. Davantage de recul, de piquant, d’auto-dérision (les auteurs se comptent eux-mêmes sans complexes dans la catégorie qu’ils essaient de cerner) eut été salutaire. Mais c’est peut-être mon problème à moi et je demandais à ce livre quelque chose qui ne faisait tout simplement par partie des objectifs de ces auteurs.

En l’état, La République Bobo est donc un ouvrage pas inintéressant mais pas passionnant non plus. Je vais d’ailleurs le vendre. Merci de t’adresser à mon secrétariat pour davantage d’informations.

Une dernière chose avant de partir – critique

Coup de théâtre sur Grande remise :  une lecture inopinée est venue se glisser dans la read-list que j’avais établie. Désolé pour le chamboulement, j’espère que ça te déstabilisera pas trop.

Jonathan Tropper - Une dernière chose avant de partir
La couve est vraiment naze, on dirait de la chick lit au rabais.

Drew Silver n’a pas toujours fait les bons choix. Sa gloire éphémère de batteur dans un groupe de rock – qu’un seul et unique tube a propulsé brièvement aux sommets des charts – remonte à près de dix ans. Aujourd’hui, il vit au Versailles, une résidence qui accueille des divorcés un peu paumés, comme lui. Pour gagner sa vie, il a intégré un orchestre spécialisé dans les cérémonies de mariages. Son ex-femme, Denise, est sur le point de se remarier. Et Casey, sa fille qui s’apprête à intégrer Princeton, vient de lui confier qu’elle est enceinte – et ce uniquement parce que de ses deux parents, Silver est celui qu’elle répugne le moins à décevoir. Lorsqu’il apprend que sa vie ne tient plus qu’à un fil et que seule une opération peut le sauver, Silver prend une décision radicale : il refuse l’intervention. Le peu de temps qui lui reste à vivre, il veut le consacrer à renouer avec Casey, à devenir un homme meilleur. Pendant que, sous le regard de sa famille au comble de l’exaspération, Silver bataille ferme avec cette question existentielle, chacun se démène pour recoller les morceaux de cette famille désunie, au risque de l’abîmer davantage encore… (Amazon.fr)

J’aime beaucoup les romans de Jonathan Tropper. Pour situer, il est un peu le Nick Hornby américain : quarantenaire, background toujours un peu rock/indé, références à la pop culture, personnages principaux masculins archétypaux du mâle occidental blanc classe moyenne fondamentalement lâche et attachant. 2 différences majeures : sa judéité et, corrélée, l’importance de la famille. Même si tous ses romans (celui-ci est le 4ème) comportent une intrigue amoureuse, celle-ci est toujours envisagée à travers le prisme de relations familiales compliquées voire castratrices.

Son style est simple, sans fioritures, rilax. Tropper est naturellement cool, sarcastique et smartass juste ce qu’il faut, sans verser dans le cynisme pour autant et sans jamais essayer de désespérément coller à son époque.

Malgré un ton toujours humoristique et une distance ironique, Une dernière chose avant de partir est son roman le plus sombre et le plus risqué. Il y jongle avec des évènements tragiques et potentiellement dangereux, de nombreux rebondissements dramatiques qui lui confèrent un aspect particulièrement rocambolesque parfois un peu lourdingue : adapté au cinéma, ça pourrait donner une horreur absolue d’enchaînements de larmes, de rires, de portes qui claquent, d’embrassades, de scènes hystériques absolument insupportables. Je vois Julia Roberts, je vois Meryl Streep et je paierai certainement pas ma place pour voir ça sur un écran.

Ce qui sauve le bouquin du naufrage, c’est évidemment le talent de Tropper pour l’introspection, pour la description de la psychologie de ses héros gentiment brisés par les regrets, les mauvais choix, les rendez-vous manqués. Ca vaut quelques pages/chapitres assez sublimes, d’une grande mélancolie, d’une grande sensibilité et acuité. Parfois bouleversants pour être honnête.

Il emporte finalement la mise en négociant à merveille LA question, LE dilemme que doit résoudre l’un des personnages dès les premières pages du bouquin. J’ai eu très peur mais non : chez Tropper, l’optimisme de la conclusion, l’indispensable « amélioration » des personnages en fin de course ne se fera jamais via un happy end putassier. Intéressant de voir comment il traite cette question d’ailleurs d’un point de vue sociologique. Difficile d’en dire plus sans spoiler.

Beaucoup aimé donc mais je ne le conseillerais pas pour aborder Tropper si tu ne l’as jamais lu : mieux vaut se lancer dans Le livre de Joe, son premier roman, celui qui l’a rendu célèbre. Un régal.

Comédie, mode d’emploi – critique

Comme convenu, quelques mots sur cette lecture récente. Grande remise, le blog qui tient ses promesses de campagne.

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Je ne reviendrai pas sur l’importance qu’à pris Judd Apatow (au sens large : lui, ses productions, celles et ceux qui gravitent autour) pour moi ces 10 dernières années, je crois que c’est suffisamment clair si tu lis un minimum ce blog. Lui et Wes Anderson : en gros, c’est ça le cinéma pour moi aujourd’hui. Absolument.

Lecture très intéressante.
En guise de préambule, Burdeau se fend d’un texte analytique limpide et bien senti. Pas plus, pas moins.
Comédie, mode d’emploi retranscrit en fait son entrevue avec le maître de la neo-comédie américaine. Il porte très bien son titre : l’auteur a bien pris soin de rester concentré sur son sujet ou en tout cas de ne garder que ce qui s’y rattachait directement. Ainsi, la vie personnelle n’est évoquée qu’à travers l’enfance ou les années de formation : Apatow insiste bien sur le fait que l’humour était une passion pas un passe-temps (il est notoirement réputé pour n’avoir manqué aucun épisode de Saturday Night Live et en connaitre certains par cœur).

Pour le reste, pas ou peu de révélations mais une réflexion à la fois pragmatique et instructive sur sa condition de funny man professionnel : producteur et réalisateur de comédies, gag man, découvreur de talents etc. C’est chouette.
A noter néanmoins qu’il précise bien, et c’est tout à son honneur, que s’il y a évidemment apporté sa touche, la série Freaks and Geeks, souvent considérée comme l’acte fondateur de la geste apatowienne (on y voit pour la première fois à l’écran James Franco, Seth Rogen Jason Segel, Martin Starr et bien d’autres, dans une chronique mélancolique des années lycée), est une pure création du très sous-estimé Paul Feig (réalisateur du sublime Mes meilleures amies).

Ca se lit donc tout seul  et si ça n’est pas révolutionnaire, c’est indispensable à qui s’intéresse de près aux comédies américaines de ces 10-15 dernières années.

Ca en revanche :

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je l’ai attaqué mais je l’ai rendu à la bibliothèque : impossible à lire en 2 semaines (pour moi en tout cas). C’est passionnant mais incroyablement dense. Je l’achèterai donc et le dégusterai tranquillement sur une longue période.
Seulement voilà, le truc c’est que si je l’achète, je SAIS que je le laisserai dormir des mois voire des années dans un coin (véridique,  j’ai plein de bouquins comme ça) : c’est maladif, je n’arrive pas à lire un bouquin que j’ai à disposition quand je le souhaite. Reste la solution de l’emprunter à plusieurs reprises et à différentes périodes tu me diras, ça peut marcher ça…

Bon, je lance une évaluation et je fais un graphique pour m’aider à prendre une décision là-dessus, je te tiens au courant. Bisous.

Le fervent lecteur

A la faveur de discussions autour de la littérature aperçues sur Facebook ces derniers jours, j’ai réalisé que je n’avais publié qu’un seul article dans la rubrique « Lectures ». Et pour parler d’une daube encore. C’te lose…

Non mais en vérité, je lis…
Je lis même peut-être trop.

Tous les mois : So Foot, So Film, Uncut, Mojo parfois. De moins en moins ce dernier. C’est à dire qu’au bout de la 46ème couve consacrée à Dylan/aux Beatles, j’en ai eu un tout petit peu ras le cul. Les mecs doivent sacrément regretter que Dylan ne soit pas un groupe d’ailleurs :  ils pourraient y consacrer 4 ou 5 fois plus de couves. En tout cas, malgré des papiers parfois formidables, c’est quand même un magazine de vieux con Mojo, il faut bien dire ce qui est.

Ca a l’air de rien mais ça prend du temps tout ça.

Tous les 3 mois, Schnock. Formidable Schnock ! Revue générationnelle s’il en est, qui réactive les souvenirs du chewing gum Spring Gum, des films de Joël Séria ou de la variété française pur jus. Menée par un transfuge de Tecknikart et par l’excellent Christophe Ernault aka Alister.

Je ne lis pratiquement plus de fiction. Pas le temps mais pas envie non plus. Les dernières en date, 3-4 romans de Nicolas Fargues. Pas génial, pas honteux, agréable en tout cas, sinon je me serais arrêté après le premier. Il se regarde un peu trop écrire mais parvient assez bien à saisir les turpitudes, exaltations, lâchetés et bassesses ordinaires de sa génération, qui se trouve également être la mienne. Notamment dans le bien nommé Roman de l’Eté, qui s’enquille idéalement et sans difficultés durant le pont du 15 août. Ceci dit là j’ai des envies de Balzac mais comme je songe carrément à toute la Comédie Humaine, je n’en lirai probablement aucun.

Dans l’immédiat j’ai quatre bouquins sur le feu. Dans l’ordre :

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Dans l’ordre parce que les 2 premiers sont empruntés à la médiathèque municipale. Oui, je suis communiste.
J’essaierai d’en toucher 2 mots si j’ai le temps, histoire d’alimenter un peu cette rubrique.

Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates – critique

Il y a quelques temps, faute de mieux et on va pas se mentir, autant par envie de lire un truc pas trop impliquant que par curiosité malsaine, j’ai attaqué ce pilier de la littérature contemporaine que constitue apparemment Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates. Un best-seller en tout cas.

J’aime bien de temps en temps me plonger dans un ouvrage dont je sais pertinemment que je vais le détester mais dans lequel je vais me vautrer avec une délectation un peu masochiste. C’est pareil pour la musique ou le cinéma bien sûr: s’écouter/se mater de temps à autres du Lady Gaga, un Besson, Justin Bieber, Radiohead ou un Carax, ça fait avancer, quelque part.
C’est ainsi que je me suis déjà fait, avec toujours un petit frisson d’interdit, un Marc Lévy, un Anna Gavalda, un Harlan Coben etc. Tu vois l’idée.

Là, ça s’annonçait quand même costaud. Le titre déjà. Et puis… Non, c’est tout.
En 4ème de couverture, Gavalda confesse avoir trouvé le livre « Absolument délicieux ! »: j’ai eu un renvoi acide à ce moment-là, suivi d’une déglutition pénible à cause du point d’exclamation. Autant dire que j’allais en chier, et sur 400 pages en plus.

Eh bien je n’ai pas été déçu. Dans le genre littérature britonne Laura-Ashley-pique-nique-charmant-et-un-peu-guindé-dans-le-Kent-mais-avec-toujours-cet-humour-british-tu-sais, ça se pose là. C’est pas compliqué : au bout de 3 lettres (c’est un roman épistolaire), j’avais l’impression de manger un scone.
Entendons-nous bien, et je souhaite un maximum de clarté là-dessus : j’adore les scones. C’est pas le problème. Un bon scone, y a rien de mieux: un scone bien beurré avec de la confiture de fraises ou d’oranges mmmmmh, c’est bon ça. Mais un scone c’est une pâtisserie, c’est pas de la littérature. Tu me suis ?

Si tu tombes sur ce livre dans une librairie, une bibliothèque ou chez des amis, fuis. Et change d’amis.

Et puis c’est agaçant parce que c’est le genre de bouquin dont on comprend illico qu’il va un jour ou l’autre être adapté au cinéma. Et on voit tout aussi rapidement trrrrrèèèèès bien ce que ça va donner.
Ferme les yeux : l’écrivain un peu effrontée, subtilement affranchie des codes sociaux de son époque (l’immédiat après 2ème Guerre Mondiale), oui, c’est Keira Knightley. En plus, le contexte fait de privations et rationnements drastiques lui fournira une super excuse pour perdre 27 kilos supplémentaires, elle va kiffer. L’éleveur de porcs bègue, si timide et si touchant, c’est Colin Firth, of course. Le fils à papa cultivé et sûr de lui qui courtise l’héroïne: Jonathan Rhys Meyers, you betcha. Et là, cette femme mûre, si digne malgré le poids des difficultés de la guerre, qui taille les rosiers dans son jardin, un chapeau de paille à large bord sur la tête… mais oui, c’est Judi Dench (ou Helen Mirren… ou Meryl Streep, une américaine, certes, mais elle peut tout jouer). Le gentil ivrogne du village, truculent et un cœur gros comme ça : un rôle pour Brendan Gleeson ça (ou Meryl Streep: elle peut tout jouer).

Je veux bien accorder une chose à ce livre : il nous plonge assez bien dans ce que furent les années de guerre en Grande-Bretagne, toutes ces années « Keep calm and carry on » qui nous fascinent toujours un peu nous continentaux. Mieux, il décrit avec parfois une certaine puissance d’évocation, ce que fut l’occupation de Guernesey et des îles anglo-normandes, seul territoire britannique occupé par les troupes du IIIème Reich.

Pour le reste, c’est un supplice : mièvrerie, apologie du bon sens terrien (ah ces braves paysans qui ont si bien saisi avec leurs moyens limités ce qu’est VRAIMENT la poésie de Wordsworth ou Shakespeare), émotion embuée mais retenue devant  la noblesse de cœur des petites gens… Hypocrisie des auteurs surtout : il s’agit d’un roman épistolaire donc, et choral mais ô miracle, tous les protagonistes, de l’ivrogne au dandy en passant par l’éleveur de porcs, la rebouteuse du village ou l’écrivain londonienne s’expriment dans le même langage châtié. Sérieusement?!?! Et puis cousu de fil blanc bien sûr : toi qui viens d’entamer le bouquin et qui te demande qui Juliet, la charmante écrivain si piquante et si spirituelle, va choisir entre l’esthète richissime, arrogant et condescendant et le modeste éleveur de porcs sensible, généreux et amateur de littérature de l’île de Guernesey, je vais te donner la réponse. Elle choisit de se faire démonter donner son cœur à l’éleveur de porcs, voilà ce qu’elle fait. Wow.

Voilà, je viens de te faire économiser de précieuses heures de lectures. De rien.